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04/04/2024 | FRANCE | N°22LY01346

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 avril 2024, 22LY01346


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, son assureur, la compagnie Amtrust France, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser, à titre principal, une somme de 320 688,49 euros en réparation des préjudices subis dans les suites d'une intervention chirurgicale pour une promontofixation effectuée le 27 février 20

18 au centre hospitalier Annecy Genevois ou à titre subsidiaire, une somme de 167 702,49 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, son assureur, la compagnie Amtrust France, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser, à titre principal, une somme de 320 688,49 euros en réparation des préjudices subis dans les suites d'une intervention chirurgicale pour une promontofixation effectuée le 27 février 2018 au centre hospitalier Annecy Genevois ou à titre subsidiaire, une somme de 167 702,49 euros.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois à lui rembourser la somme de 26 056,03 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1900357 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Annecy Genevois et la compagnie Amtrust France à verser à Mme D... la somme de 4 550,16 euros, à verser la somme de 2 881,47 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier Annecy Genevois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2022 et régularisée le 5 mai 2022, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 7 décembre 2022, Mme C... D..., représentée par la SELARL Juliette Cochet Barbuat, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1900357 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, son assureur, la compagnie Amtrust France, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 320 688,49 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, le cas échéant après avoir ordonner une expertise complémentaire ;

3°) de condamner le centre hospitalier Annecy Genevois, son assureur, la compagnie Amtrust France, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Annecy Genevois, de son assureur, la compagnie Amtrust France, et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut d'information imputable au centre hospitalier Annecy Genevois est constitutif d'une perte de chance de 50 % d'éviter les dommages subis ;

- le centre hospitalier n'établit pas que la perforation de l'intestin grêle ne résulterait pas d'un acte médical fautif ;

- l'infarctus du myocarde dont elle a été victime est entièrement imputable à l'intervention du 27 février 2018 et ses suites ;

- les conditions sont donc réunies pour une indemnisation de l'intégralité de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ;

- le tribunal a procédé à une insuffisante appréciation des préjudices subis qui s'évaluent à :

* 3 823 euros, au titre des frais divers ;

* 8 353 euros, au titre de l'assistance par tierce personne ;

* 3 837,44 euros, au titre des pertes de gains professionnels ;

* 261 816 euros à titre principal ou 108 830 euros à titre subsidiaire, au titre du préjudice professionnel futur ;

* 1 686 euros, au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* 10 000 euros, au titre des souffrances endurées ;

* 2 000 euros, au titre du préjudice esthétique temporaire ;

* 16 000 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* 4 000 euros, au titre du préjudice esthétique permanent :

* 10 000 euros, au titre du préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SCP Saidji et Moreau, conclut, à titre principal, au rejet des conclusions présentées à son encontre et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonner une expertise complémentaire.

Il soutient que :

- les conditions prévues par les articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré les 25 août 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentée par la SELARL Axiome Avocats agissant par Me Rognerud, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1900357 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble en condamnant solidairement le centre hospitalier Annecy Genevois et son assureur, la compagnie Amtrust France, à lui verser une somme de 23 174,56 euros et une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier Annecy Genevois et de son assureur, la compagnie Amtrust France, une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022 le centre hospitalier Annecy Genevois et son assureur, la société Amtrust France représentant en France la compagnie Amtrust International Underwriters DAC, représentés par Me Vital-Durand, demandent à la cour de rejeter la requête et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du centre hospitalier ne saurait être retenue au titre de la lésion de l'intestin de Mme D... qui résulte d'un aléa thérapeutique ;

- la demande d'expertise complémentaire n'est pas justifiée ;

- la perte de chance d'éviter le dommage corporel résultant du défaut d'information ne saurait excéder 10 % ;

- le syndrome coronarien aigu dont a été victime Mme D... n'est pas directement imputable à la péritonite, laquelle résulte, en tout état de cause, d'un accident médical non fautif.

Par une ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courriel non régularisé enregistré le 14 mars 2024 et qui n'a pas été communiqué, Mme A..., indiquant agir pour le groupe Entis au nom de la Mutuelle de France unie, a indiqué que cet organisme aurait exposé des débours pour un montant net de 937,42 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née le 17 février 1956, a été opérée pour un prolapsus génital le 27 février 2018 au centre hospitalier Annecy Genevois où a été pratiquée une promontofixation par coelioscopie. Suite à cette intervention, elle a souffert d'une perforation de l'intestin grêle qui a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale le 1er mars 2018. Dans la nuit du 10 au 11 mars 2018, alors qu'elle était encore hospitalisée, Mme D... a été victime d'un syndrome coronarien aigu. Elle a regagné son domicile le 13 mars 2018. Par un courrier du 18 mai 2018, auquel il n'a pas été répondu, Mme D... a sollicité du centre hospitalier Annecy Genevois l'indemnisation des préjudices résultant des suites de l'intervention du 27 février 2018. Par le jugement attaqué du 8 mars 2022, dont Mme D... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Annecy Genevois et son assureur la compagnie Amtrust France à verser à Mme D... la somme de 4 550,16 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire une somme de 2 881,47 euros et a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier Annecy Genevois.

Sur le principe de responsabilité :

En ce qui concerne les fautes médicales :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 29 septembre 2020 établi par le professeur B..., que la perforation de l'intestin grêle dont a souffert Mme D... dans les suites de la promontofixation coelioscopique réalisée pour la prise en charge d'un prolapsus génital au centre hospitalier Annecy Genevois le 27 février 2018, est survenue lors de la libération des adhérences qui était indispensable pour la réalisation de la promontofixation. Ce rapport précise que l'indication opératoire était légitime, que la promontofixation a été réalisée dans les règles de l'art, que la réalisation d'une open-coelioscopie et l'ablation des tocarts, réalisée sous contrôle à vue en fin d'intervention, excluent une plaie par introduction du premier tocart et lors de l'ablation des tocarts. Il indique en outre que la survenue de la plaie digestive est un accident rare mais connu en coelio chirurgie gynécologique et que les éléments du dossier de la patiente permettent de caractériser un aléa thérapeutique et non une faute dans le geste chirurgical. Il mentionne en outre que l'intervention du 1er mars 2018 pour la prise en charge de la péritonite a été réalisée conformément aux règles de bonne pratique et que le délai entre la réalisation du scanner, le 28 février 2018, et la date de cette intervention n'a eu aucune suite défavorable. Il précise en outre que la prise en charge du syndrome coronarien aigue survenu dans la nuit du 10 au 11 mars a été conforme aux règles de l'art et aux données actuelles de la science.

4. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, aucune faute médicale n'est pas susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier Annecy Genevois.

En ce qui concerne le défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) ".

6. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Il appartient à l'hôpital d'établir que l'intéressé a été informé des risques de l'acte médical. En application des dispositions précitées, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. La faute commise par les praticiens d'un hôpital au regard de leur devoir d'information du patient n'entraîne pour ce dernier que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. La réparation du dommage résultant de cette perte doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice qui tient compte du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'acte médical et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à cet acte. Lorsque le patient a droit à une réparation partielle des conséquences dommageables d'un accident en raison de la perte de chance qui a résulté pour lui d'un manquement, par les praticiens, à leur devoir d'information, il convient pour le juge de déterminer le montant total du dommage puis de fixer la fraction de ce dommage mise à la charge de l'hôpital à raison de la perte de chance résultant pour le patient de ce manquement au devoir d'information.

7. Le rapport d'expertise du 29 septembre 2020 mentionne que le centre hospitalier n'a pas établi avoir, préalablement à l'intervention du 27 février 2018, délivré à Mme D... les informations relatives aux complications possibles de l'intervention, s'agissant en particulier des risques de plaie de l'intestin grêle, ce que le centre hospitalier ne conteste pas en défense. Il résulte de ce rapport, qu'antérieurement à l'intervention pour une promontofixation coelioscopique, Mme D... alors âgée de 62 ans, présentait un prolapsus génital extériorisé qui entrainait une gêne certaine dans la vie quotidienne ainsi que dans l'exercice de sa profession de femme de ménage et que l'indication opératoire était licite sans alternative réelle. L'expert mentionne que les lésions de l'intestin grêle constituent un accident rare mais connu en coelio chirurgie gynécologique. Ainsi, même si l'intervention ne présentait aucun caractère impérieux ou urgent pour Mme D..., il résulte de l'instruction qu'il est peu probable qu'elle y ait renoncé si elle avait été informée du risque en cause, au regard des gênes, notamment dans l'exercice de sa profession, occasionnées par son prolapsus. Compte tenu de ces éléments, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait une insuffisante évaluation de la perte de chance résultant du défaut d'information en l'évaluant à 10 %.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

8. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 de ce code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.".

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 29 septembre 2020 que, dans la nuit du 10 au 11 mars 2018, Mme D... a présenté un syndrome coronarien aigu et a été transférée en service de cardiologie, que la coronarographie réalisée le 12 mars 2018 a objectivée une lésion de l'artère coronaire évoquant un hématome et que le traitement a été limité à un antiagrégant plaquettaire et un antispastique. L'expert indique que la complication cardiaque, survenue 10 jours après la dernière intervention chirurgicale ne constitue pas un syndrome coronarien aigu post-opératoire, ce dernier survenant habituellement durant les 48 à 72 heures post-opératoires et qu'elle n'a pas pu être causé par l'hypokaliémie présentée par Mme D... et diagnostiquée le 7 mars, la kaliémie ayant été normalisée dès le 8 mars. S'il conclut que la péritonite, accident médical, survenue dans les suites de l'intervention pour promontofixation " entre pour 10 % dans la survenue du syndrome coronarien aigu " s'appropriant l'avis de sa sapitrice, le docteur E... médecin anesthésiste-réanimateur, il souligne cependant que son incidence est " faible, inférieure à 1 % en cas de chirurgie urologique ou gynécologique mineure et de 5 % en cas de perforation digestive " et que " la part incombant au stress lié à l'intervention récente n'est pas identifiable mais probablement minime au dixième jour après l'intervention ". Compte tenu de ces derniers éléments, l'accident opératoire et la reprise chirurgicale qu'elle a rendu nécessaire, ne peuvent être regardés comme ayant contribué de façon directe et certaine à la survenue du syndrome coronarien aigu. En outre, l'avis de la sapitrice précise que Mme D... a présenté un syndrome coronarien aigu à bas risque, sans récidive douloureuse, sans manifestation d'insuffisance cardiaque et sans anomalie à l'électrocardiogramme. Il est par ailleurs constant que Mme D... a regagné son domicile le 13 mars et l'expert indique que le syndrome coronarien aigu a été sans conséquence.

10. En l'espèce, le rapport d'expertise du 29 septembre 2020 mentionne que le déficit fonctionnel permanent de Mme D..., résultant exclusivement des troubles digestifs séquellaires de la résection de l'intestin grêle, sans contrainte diététique mais nécessitant un traitement continu, et du retentissement psychologique, sans traitement médicamenteux ni prise en charge spécifique, peut être évalué à un taux global de 8 %. Il est constant que ce pourcentage est inférieur à celui prévu par les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.

11. Par ailleurs, aux dires de l'expert, l'accident médical résultant de la perforation digestive et de la reprise chirurgicale s'en étant suivi a été à l'origine d'un déficit fonctionnel temporaire de 100 %, du 1er au 13 mars 2018, puis de 50 % du 14 mars au 14 mai 2018, enfin de 10 %, incluant les incidences du syndrome coronarien aigu, du 15 mai au 13 septembre 2018, date de consolidation de son état de santé. Ainsi, Mme D... n'a pas subi, du fait de l'accident médical, de gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à 50 % pendant une durée de six mois.

12. Le rapport d'expertise mentionne également que les arrêts de travail liés l'accident médical résultant de la perforation digestive sont ceux prescrits pour la période du 3 avril au 13 septembre 2018, date de consolidation. Mme D... fait valoir qu'elle a été placée sous le régime d'une affection longue durée en raison de son infarctus du myocarde par son médecin traitant et placée en arrêt de travail de façon continue jusqu'au 28 février 2019 pour ce motif, puis contrainte de prendre sa retraite le 1er mars 2019, alors qu'elle était âgée de 63 ans, à raison de sa pathologie cardiaque. Cependant, comme indiqué au point 9 du présent arrêt, le syndrome coronarien aigu ne peut être regardé comme une conséquence directe et certaine de l'accident médical et, par suite, les arrêts de travail postérieurs à la consolidation intervenue le 13 septembre 2018, qui sont exclusivement imputables à sa pathologie cardiaque sans lien avec l'accident médical, ne peuvent être pris en compte pour évaluer la gravité de cet accident médical. Dans ces conditions, les conséquences de l'accident médical ne peuvent être regardées comme ayant entrainé un arrêt temporaire des activités professionnelles pendant la durée requise par les dispositions précitées de l'article D. 1142-1. Par ailleurs, Mme D... n'établit pas avoir été contrainte de prendre sa retraite le 1er mars 2019, à l'âge de 63 ans et alors que son état de santé était consolidé, à raison des conséquences de l'accident médical survenu dans les suites de l'intervention chirurgicale du 27 février 2018.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que les conséquences de l'accident médical subi par Mme D... ne remplissent pas la condition de gravité requise pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais d'assistance par tierce personne :

14. Selon le rapport d'expertise du 29 septembre 2020, Mme D... a eu besoin de l'assistance d'une aide à domicile non spécialisée à raison de deux heures par jour pour la période du 13 mars au 13 septembre 2018, date de la consolidation de son état de santé. Cependant il résulte de ce même rapport que si le déficit fonctionnel temporaire de Mme D... était de 50 % pour la période du 14 mars au 14 mai 2018, il n'était plus que de 10 % pour la période du 15 mai au 13 septembre 2018. Dans ces conditions, le besoin d'assistance par tierce personne de Mme D... peut être évalué à 2 heures par jour du 14 mars au 14 mai 2018, puis à 1 heure par jour du 15 mai au 13 septembre 2018. En conséquence, il y a lieu de fixer l'indemnisation due à Mme D... à ce titre, à partir d'un taux horaire moyen de 15 euros, tenant compte de l'ensemble des charges patronales et majorations pour travail dominical et droits à congés, à une somme de 3 645 euros. Compte tenu du taux de perte de chance une somme de 364,50 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

S'agissant des dépenses de santé :

15. La CPAM de la Loire justifie de la prise en charge de frais hospitaliers au titre de la période du 1er mars au 13 mars 2018 pour un montant de 20 546 euros, de frais médicaux au titre de la période du 15 mars au 7 septembre 2018 pour un montant de 864,45 euros, de frais pharmaceutiques au titre de la période du 13 mars au 13 juillet 2018 pour un montant de 162,28 euros et de frais d'appareillage pour la période du 12 au 20 mars 2018 pour un montant de 38,29 euros, soit un montant total de 21 611,02 euros en lien avec l'accident médical dont a été victime Mme D... conformément à l'attestation d'imputabilité du 20 novembre 2020. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des dépenses de santé serait restées à la charge de Mme D.... Dans ces conditions et compte-tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Annecy Genevois une somme de 2 161,10 euros à verser à la CPAM de la Loire au titre des dépenses de santé.

S'agissant des pertes de gains professionnels :

16. Selon le rapport d'expertise, seuls les arrêts de travail du 3 avril au 13 septembre 2018, date de consolidation, sont imputables à la complication intestinale. Ainsi qu'il a été exposé au point 9, le syndrome coronarien aigu ne peut être regardé comme étant une conséquence directe et certaine de cet accident médical. Par suite, les arrêts de travail postérieurs à la consolidation, dont Mme D... fait valoir qu'ils sont en lien avec sa pathologie cardiaque, ne peuvent être pris en compte et, en conséquence, aucune indemnisation n'est due au titre des pertes de gains professionnels après consolidation. Au vu de l'avis d'imposition sur les revenus 2017 et, compte tenu des prestations versées par la CPAM de la Loire pour un montant journalier de 27,27 euros, les pertes de gains professionnels de Mme D... jusqu'à sa consolidation peuvent être évaluées à 2 855 euros et le préjudice de la CPAM à 4 445,01 euros. Au total ce préjudice s'élève à 7 300 euros, indemnisable à hauteur de 730 euros au prorata de la perte de chance. Cette somme étant inférieure au préjudice resté à la charge de la victime, elle lui est intégralement due.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

17. Mme D... n'établit pas avoir été contrainte de prendre sa retraite le 1er mars 2019, à l'âge de 63 ans alors que son état de santé était consolidé, à raison des conséquences de l'accident médical survenue dans les suites de l'intervention chirurgicale du 27 février 2018. Par suite, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre.

S'agissant des frais divers :

18. Mme D... a droit au remboursement des honoraires de son médecin conseil pour un montant de 1 486,80 euros qui est justifié par la production de deux factures établies les 21 juin 2028 et 1er octobre 2020, ainsi qu'aux frais de carburant et de péages exposés pour se rendre à la réunion d'expertise du 9 septembre 2020, soit la somme de 70,84 euros, frais auquel il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance.

19. Par ailleurs, elle a droit au remboursement de ses frais de téléphone durant son hospitalisation à compter du 1er mars 2018, date à compter de laquelle son séjour est imputable à l'accident médical, et qui compte tenu des justificatifs produits et du taux de perte de chance, doivent être évalués à une somme de 3,36 euros.

20. S'agissant de la perte d'une journée de travail pour M. D..., ce préjudice, au demeurant non justifié, est indemnisable au titre des frais divers des victimes indirectes pour lesquels aucune demande n'a été formulée par M. D..., qui a seul qualité pour le faire. Dans ces conditions, la demande présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

21. Il résulte des rapports d'expertise que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 1er au 13 mars 2018, un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50 % pour la période du 14 mars au 14 mai 2018, puis évalué à 10 % pour la période du 15 mai au 13 septembre 2018. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 1 076 euros, et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 107,65 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

22. Selon l'expert, le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme D... peut être évalué à 8 %, dont 5 % sont imputables aux troubles digestifs et 3 % au retentissement psychologique de l'accident médical. Compte-tenu de l'âge de Mme D... au jour de la consolidation, soit 62 ans, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros, et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 1 000 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

S'agissant des souffrances endurées :

23. Les souffrances endurées par Mme D... en lien avec la péritonite par perforations de l'intestin grêle ont été évaluées à 3 sur une échelle comportant 7 niveaux. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 4 000 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 400 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

S'agissant du préjudice esthétique :

24. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice esthétique temporaire et permanent de Mme D..., résultant d'une cicatrice de laparotomie médiane de 20 cm, a été évalué à 1,5 sur une échelle comportant 7 niveaux. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 1 500 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 150 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

S'agissant du préjudice sexuel :

25. Le rapport d'expertise indique que Mme D... n'a plus de rapports sexuels en raison des douleurs occasionnées par ceux-ci, et que cette absence de rapport, a participé à la procédure de divorce, au regard de l'importance de la différence d'âge avec son époux. Dans les circonstances de l'espèce, ce préjudice pourra être évalué à 2 000 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 200 euros sera mise à la charge du centre hospitalier à ce titre.

26. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité allouée à Mme D... pour l'ensemble de ses préjudices s'élève à un montant total de 4 513,15 euros.

Sur les demandes de la CPAM de la Loire :

27. Compte tenu de ce qui a été exposé au points 15 et 16, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Annecy Genevois une somme de 2 161,10 euros au titre des débours de la CPAM de la Loire. Au regard de ce montant et en application des dispositions de l'article L. 376 1 du code de la sécurité sociale, la CPAM de la Loire a droit au versement d'une somme de 720,36 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

28. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Grenoble lui a alloué une somme de 4 550,16 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices. De même la CPAM de la Loire n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Grenoble lui a alloué la somme de 2 161,10 euros au titre de ces débours et à la somme de 720,37 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais d'expertise :

29. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais et honoraires de l'expertise ordonnée en référé le 27 septembre 2019, liquidés et taxés pour un montant de 1 600 euros, doivent rester à la charge définitive du centre hospitalier Annecy Genevois.

Sur les frais d'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier Annecy Genevois, qui est tenu aux dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droits aux conclusions présentées par Mme D... et la CPAM de la Loire sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Annecy Genevois et la société AM Trust sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, au centre hospitalier Annecy Genevois, à la société AM Trust, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au groupe Entis - les mutuelles de l'Etre.

Copie en sera adressée au Dr B....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01346


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