Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement rejeté sa déclaration de libre établissement pour l'exercice de l'activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer une carte professionnelle et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte.
Par un jugement n° 1903917 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision implicite, condamné l'Etat à verser au requérant une somme de 1 000 euros au titre des frais de procès et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 mars 2022, M. B..., représenté par Me Planes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il ne fait pas droit à sa demande d'injonction de délivrance de la carte professionnelle sollicitée ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai la carte professionnelle d'éducateur sportif, au besoin sous astreinte ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la décision implicite du préfet n'est pas motivée ni proportionnée et ne tient pas compte de son expérience professionnelle ;
- le tribunal devait enjoindre au préfet de lui délivrer la carte professionnelle car, en l'absence de mise en œuvre par cette autorité de son pouvoir de vérification, laquelle, en outre, déjà effectuée, serait irrégulière, il bénéficiait d'une présomption de qualification par la détention d'une attestation BASI (British Association of Snowsport Instructors), que le préfet avait d'ailleurs reconnue puisqu'il lui avait délivré, à trois reprises, des récépissés de déclaration de libre prestation de services ;
- cette injonction découlait également de l'annulation de la décision implicite du préfet, qui refuse de reconnaître sa qualification professionnelle et de lui délivrer une carte professionnelle, acte réputé n'être jamais intervenu et dont toutes les conséquences devaient disparaître ;
- subsidiairement, le préfet, en ne procédant pas de lui-même à la délivrance de la carte professionnelle, s'oppose fautivement à l'application de la loi et d'une décision de justice ;
- ainsi, au 10 avril 2019, date à laquelle est intervenue la décision implicite attaquée, annulée par le tribunal, il devait bénéficier de l'application de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005, modifiée en 2013, transposée par le code du sport ;
- de plus, en application de l'article 28 de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, le titre III de cette directive, relatif à la procédure de libre établissement, et les dispositions du code du sport, devaient continuer à s'appliquer, au-delà du 31 décembre 2020, aux ressortissants britanniques engagés dans une procédure de reconnaissance de qualifications professionnelles ;
- le tribunal s'est contredit en annulant la décision préfectorale sur le fondement de l'article R. 212-88 du code du sport et en rejetant la demande d'injonction au motif qu'il ne pouvait plus se prévaloir de ces mêmes dispositions ;
- il est fondé à réclamer le versement d'une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
La ministre chargée des sports, régulièrement mise en cause, n'a pas produit de défense.
Par lettre du 4 novembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires comme nouvelles en appel.
La clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2024 par une ordonnance du 4 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique publié au journal officiel de l'Union européenne C-384-I du 12 novembre 2019 ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013) ;
- le code du sport ;
- l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
- le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l'Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice des professions d'éducateur sportif et d'agent sportif ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Planes, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 19 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité britannique, né en 1964, a adressé au préfet de l'Isère, qui l'a reçue le 10 janvier 2019, une déclaration de libre établissement en vue d'exercer en France la profession de moniteur de ski alpin et a conséquemment sollicité la délivrance de la carte professionnelle correspondante. Le préfet lui a opposé un refus implicite. M. B... relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, tout en annulant cette décision implicite, n'a pas enjoint au préfet de délivrer la carte professionnelle.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
2. Si M. B... demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, ces conclusions indemnitaires, n'ayant au demeurant pas fait l'objet d'une réclamation préalable, sont nouvelles en appel et ne peuvent ainsi qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale à fin d'injonction. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
4. Aux termes de l'article L. 212-7 du code du sport : " Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (...), qui sont qualifiés pour les exercer dans l'un de ces Etats / Ces fonctions peuvent également être exercées, de façon temporaire et occasionnelle, par tout ressortissant légalement établi dans un Etat membre de l'Union européenne (...). Toutefois lorsque l'activité concernée ou la formation y conduisant n'est pas réglementée dans l'Etat d'établissement, le prestataire doit l'avoir exercée, dans un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années qui précèdent la prestation / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l'article L. 212-1 (...) ". Le I de l'article L. 212-1 du même code vise l'enseignement, l'animation ou l'encadrement d'une activité physique ou sportive ou l'entraînement de ses pratiquants, fonctions exercées contre rémunération, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, et réservées aux titulaires d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification professionnelle. Eu égard aux stipulations de l'article 28 de l'accord susvisé sur le retrait du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne, ces règles continuent à s'appliquer aux ressortissants britanniques qui ont déposé une demande auprès de l'autorité administrative avant la fin de la période dite de transition, soit au plus tard le 31 décembre 2020, ainsi que le précise l'article 126 de cet accord.
5. Aux termes de l'article R. 212-90 du code du sport : " Est réputé satisfaire à l'obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1, tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) qui se trouve dans l'une des situations suivantes : 1° Etre titulaire d'une attestation de compétences ou d'un titre de formation requis par un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen dans lequel l'accès à l'activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat / 2° Justifier avoir exercé l'activité, dans un Etat membre de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédentes et être titulaire d'une ou plusieurs attestations de compétences ou d'un ou plusieurs titres de formation délivrés par l'autorité compétente d'un de ces Etats, attestant la préparation à l'exercice de l'activité pour tout ou partie des activités mentionnées à l'article L. 212-1 / 3° Etre titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas l'accès à l'activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 et consistant en un cycle d'études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle (...) ". Aux termes de l'article R. 212-90-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Pour l'exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1, la qualification professionnelle du déclarant, attestée conformément au 1°, au 2°, au 3° (...) de l'article R. 212-90, est regardée comme présentant une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national, lorsque la formation du déclarant n'est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers / Lorsque le préfet estime qu'il existe une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national et après avoir vérifié que cette différence n'est pas entièrement couverte par les connaissances, aptitudes et compétences acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle à temps plein ou à temps partiel ou de l'apprentissage tout au long de la vie et ayant été, à cette fin, formellement validée par un organisme compétent, dans un Etat membre (...), il saisit pour avis la commission de reconnaissance des qualifications dans le délai mentionné à l'article R. 212-89 (...) ".
6. Enfin, aux termes de l'article R. 212-88 du code des sports, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Tout ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l'article R. 212-90 et qui souhaite s'établir sur le territoire national à cet effet doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal / Toutefois, lorsque la déclaration porte sur une activité s'exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l'article L. 212-7, le préfet compétent est précisé par arrêté du ministre chargé des sports (...) / Le préfet vérifie le dossier de demande et en accuse réception dans le mois suivant sa réception dès lors que celui-ci est complet, ou, le cas échéant, demande au déclarant de le compléter dans un délai d'un mois (...) ". L'article A. 212-184 de ce code désignait, s'agissant du ski alpin et de ses activités dérivées, le préfet du département de l'Isère. Aux termes de l'article R. 212-89 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l'article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d'éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l'article R. 212-90 (...) et sous réserve, le cas échéant, de la vérification des compétences linguistiques du demandeur / (...) / La carte professionnelle permet au déclarant d'exercer son activité sur le territoire national dans les mêmes conditions que les titulaires des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification inscrits sur la liste arrêtée par le ministre chargé des sports prévue à l'article R. 212-2 (...) ".
7. Par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir jugé que le dossier de déclaration de libre établissement présenté par M. B... devait être regardé comme complet, a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté cette déclaration. M. B... interjette appel du jugement uniquement en ce que le tribunal a refusé d'assortir cette annulation d'une injonction de délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif en litige.
8. Il ressort des pièces du dossier que le Royaume-Uni ne règlemente pas l'accès à l'activité de moniteur de ski et n'en réglemente pas davantage la formation. La déclaration de libre établissement de M. B... relevait donc, pour son examen, des dispositions rappelées ci-dessus du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport. Si M. B... justifie être titulaire d'un titre de formation délivré par l'autorité compétente du Royaume-Uni attestant la préparation à l'exercice de l'activité de moniteur de ski, en l'espèce une attestation " Alpine Ski Teacher ISIA " délivrée en mai 2003 par la British Association of Snowsport Instructors (BASI), il ne justifie pas avoir exercé cette activité à temps plein pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes, ceci dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne réglementant pas l'accès à l'activité ou son exercice. Les prestations de service réalisées par M. B... en France entre juillet 2018 et mars 2019 ne sauraient témoigner de l'exercice d'une activité professionnelle durant une année tel que requis. Ainsi, M. B... ne pouvait pas être regardé comme satisfaisant aux exigences des dispositions du 2° de l'article R. 212-90 du code du sport pour se voir délivrer la carte professionnelle d'éducateur sportif. Dès lors, aucun des moyens invoqués par M. B... n'est susceptible de conduire à la délivrance de cette carte par le préfet.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00925