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27/03/2024 | FRANCE | N°22LY03465

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 27 mars 2024, 22LY03465


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Le groupement pastoral du Mouton Noir a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'ordre de recouvrer émis le 27 février 2020 par le président directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP) en vue du recouvrement de la somme de 8 755,25 euros au titre d'un apport de trésorerie remboursable perçu en 2015, et d'enjoindre à l'ASP de lui reverser cette somme.



Par un jugement n° 2002509 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Gre

noble a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le groupement pastoral du Mouton Noir a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'ordre de recouvrer émis le 27 février 2020 par le président directeur général de l'Agence de services et de paiement (ASP) en vue du recouvrement de la somme de 8 755,25 euros au titre d'un apport de trésorerie remboursable perçu en 2015, et d'enjoindre à l'ASP de lui reverser cette somme.

Par un jugement n° 2002509 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2024, le groupement pastoral du Mouton Noir, représenté par SELARL d'avocats Cabinet Lamballais et Associés, agissant par Me Cabriel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'ordre de recouvrer du 27 février 2020 ;

3°) d'enjoindre à l'ASP de lui reverser la somme de 8 755,25 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Agence de services et de paiement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure est irrégulière en l'absence de contrôle ou de décision de la direction départementale des territoires établissant l'existence d'un reliquat ;

- le tribunal a jugé à tort que le moyen titré de la violation des principes du contradictoire et des droits de la défense était inopérant ;

- l'ordre de recouvrement devait être motivé en ce qu'il procédait au retrait d'une décision créatrice de droits et infligeait une sanction financière ; il n'énonce pas de manière satisfaisante les bases de liquidation de la créance ; la note technique de liquidation qui l'accompagne n'est pas signée et ne vise pas précisément les dispositions appliquées ;

- la somme réclamée est atteinte par la prescription en vertu de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 ;

- le recouvrement de l'ATR se heurte au principe de bonne foi applicable en matière de répétition de l'indu ;

- il méconnaît le principe de proportionnalité.;

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Doukhan, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du groupement pastoral du Mouton Noir une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le groupement pastoral du Mouton Noir ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n° 2015-871 du 16 juillet 2015 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement pastoral du Mouton Noir, association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901, a pour objet l'exploitation commune et la mise en valeur du pâturage de la Gittaz situé dans le massif du Beaufortain. Au titre de l'année 2015, il a sollicité le bénéfice des aides de la politique agricole commune et a demandé, dans l'attente du versement de ces aides, un apport de trésorerie remboursable (ATR), qui lui a été versé les 1er octobre 2015 et 1er décembre 2015, d'un montant total de 8 755,20 euros. Par un jugement du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé un premier ordre de recouvrer émis le 23 juillet 2017 en vue du remboursement de cette ATR et la décision du 21 mars 2017 portant rejet du recours gracieux formé par le regroupement, au motif que l'ordre de recouvrer ne mentionnait pas les bases de la liquidation et les éléments de calcul des créances mises à la charge du groupement pastoral. Par un second ordre de recouvrer émis le 27 février 2020, l'ASP a de nouveau réclamé au groupement pastoral du Mouton Noir le remboursement de l'ATR perçue en 2015. Le groupement relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre ce nouvel ordre de recouvrer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 visé ci-dessus, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

3. La lettre du 3 mars 2020 par laquelle l'ASP a notifié l'ordre de recouvrer au groupement pastoral du Mouton Noir précisait que celui-ci était accompagné d'une note technique de liquidation. Ce dernier document, qui n'avait pas à être signé, visait le décret du 16 juillet 2015, rappelait les conditions dans lesquelles l'ATR avait été liquidée et versée, que le remboursement de celle-ci était obligatoire et en concluait qu'un montant de 8 755,25 euros était dû, lequel avait été récupéré par voie de compensation sur des aides des campagnes 2016 et 2017. Le requérant a ainsi suffisamment été informé des bases de liquidation de la créance de l'ASP et des éléments de calculs sur lesquels celle-ci s'était fondée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 16 juillet 2015 visé ci-dessus, relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs : " Les agriculteurs ayant déposé la demande unique prévue par l'article 11 du règlement (UE) n° 640/2014 du 11 mars 2014 susvisé pour la campagne 2015 peuvent bénéficier d'un apport de trésorerie remboursable sans intérêts dans les conditions fixées par le présent décret. (...) L'apport est remboursé au fur et à mesure et par compensation à concurrence des versements des aides de la politique agricole commune demandées dans la demande unique au titre de la campagne 2015, des soutiens couplés alloués en application de l'article 52 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 susvisé, à l'exception des aides mentionnées aux 1° à 6° de l'article D. 615-41 du code rural et de la pêche maritime dans sa version en vigueur pour la campagne 2015, et des apports versés au titre du décret n° 2016-1203 du 7 septembre 2016 relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs. Les reliquats éventuels des montants de l'apport versés en application de l'article 3, des 1° et 2° de l'article 4 et des I, II et IV de l'article 5 du présent décret sont remboursés par les bénéficiaires au plus tard le 30 septembre 2016. Les reliquats éventuels des montants de l'apport versés en application des 3° et 4° de l'article 4, du III de l'article 5, de l'article 6 et des 1° et 2° du I de l'article 6-1 du présent décret sont remboursés par les bénéficiaires au plus tard le 30 juin 2018. Les reliquats éventuels des montants de l'apport versés en application des autres dispositions du présent décret sont remboursés par les bénéficiaires au plus tard le 31 décembre 2018. (...) ".

5. Il ressort de ces dispositions que l'apport de trésorerie remboursable qu'elles prévoyait avait vocation à être remboursé par son bénéficiaire, soit par voie de compensation sur les aides qui lui seraient attribuées au titre de l'année 2015, soit au plus tard, selon les cas, le 30 septembre 2016 ou le 31 décembre 2018. Ainsi, l'émission d'un ordre de recouvrer l'apport de trésorerie remboursable, postérieurement à la date limite fixée pour son remboursement, ne constitue ni une remise en cause des droits du groupement requérant à percevoir des aides européennes pour la campagne 2015, ni l'abrogation d'une décision créatrice de droits, ni une sanction financière. Dès lors, le groupement requérant ne peut utilement soutenir que l'ordre de recouvrer devait être motivé en vertu des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et précédé d'une procédure contradictoire en vertu des articles L. 121-1 et L. 122-1 du même code.

6. En troisième lieu, l'ordre de recouvrer litigieux portant sur la récupération d'un apport de trésorerie versé sur le fondement du décret du 16 juillet 2015 et non d'un indu d'aide européenne, le groupement requérant ne peut utilement soutenir qu'il n'a fait l'objet d'aucun contrôle, et qu'il appartient au préfet, qui n'a en l'espèce pris aucune décision, de rejeter les demandes d'aides européennes ou de décider de leur retrait. Il ne peut pas davantage utilement invoquer les dispositions du règlement n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, régissant la prescription ni celles applicables en cas de recouvrement d'un indu d'aide européenne.

7. En quatrième et dernier lieu, la récupération auprès du groupement pastoral du Mouton Noir d'un apport de trésorerie qui avait vocation à être remboursé, ne méconnaît en tout état de cause pas le principe de proportionnalité.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le groupement pastoral du Mouton Noir n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Agence de services et de paiement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le groupement pastoral du Mouton Noir. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement pastoral du Mouton Noir le paiement de la somme que l'ASP réclame en application des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du groupement pastoral du Mouton Noir est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Agence de services et de paiement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement pastoral du Mouton Noir et à l'Agence de services et de paiement.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03465
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL LAMBALLAIS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22ly03465 ?
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