Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 24 août 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300686 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Caron, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300686 du 4 avril 2023 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 24 août 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dès la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
M. B... soutient que :
- le préfet devait lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien car le traitement médical dont il bénéficie en France n'est pas disponible en Algérie ;
- la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sa situation de vulnérabilité résultant de son état de santé, non suffisamment examinée, justifiait l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, tel que prévu par le 2° de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision désignant son pays de renvoi, subsidiairement illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 mars 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller ;
- et les observations de Me Caron, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1952, a bénéficié d'un certificat de résidence d'un an qu'au regard de son état de santé le préfet du Rhône lui avait délivré le 30 avril 2021. Cette même autorité a toutefois refusé, le 24 août 2022, de renouveler ce titre de séjour, a obligé M. B... à quitter le territoire français sous trente jours et désigné son pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser de renouveler le certificat de résidence qu'il avait délivré à M. B..., le préfet du Rhône s'est appuyé sur l'avis du 29 juin 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a souffert d'une cirrhose éthylique, compliquée d'un carcinome hépatocellulaire, ce qui a conduit à une transplantation hépatique réalisée le 24 août 2020 à l'hôpital de la Croix-Rousse, établissement des Hospices civils de Lyon. Dans les suites de cette intervention, il a présenté des abcès hépatiques et présente une insuffisance rénale. Son traitement est composé initialement des médicaments immunosuppresseurs Advagraf, Myfortic et Certican destinés à prévenir un rejet de la greffe par l'organisme, ainsi que du médicament antiagrégant Kardégic. L'interruption de la prise des médicaments Advagraf et Certican " peut entraîner un rejet aigu avec perte du greffon et décès du patient " selon un praticien hospitalier de l'hôpital de la Croix-Rousse, lequel n'a pas exclu une possibilité de substitution des médicaments composant le traitement par d'autres médicaments équivalents. Si ces médicaments immunosuppresseurs tels que prescrits et leurs principes actifs ne sont pas inscrits sur la liste des médicaments disponibles dans les officines algériennes, la raison en est, affirme, sans être démenti, le préfet dans son mémoire en défense de première instance, qu'il s'agit de médicaments dispensés en hôpital, comme en témoigne l'inscription de ces principes actifs ou d'équivalents au sein de la nomenclature nationale algérienne des produits pharmaceutiques datée du 28 février 2023. Quant à l'acétylsalicylate de lysine et à l'acide acétylsalicylique, également connu sous le nom d'aspirine, substances actives du médicament Kardegic, elles figurent, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant, au sein de la liste qu'il a produite. M. B... peut ainsi, comme l'a estimé le collège de médecins de l'OFII et, à sa suite, le préfet, disposer en Algérie d'un traitement adapté à son état de santé, disponibilité qui n'est pas sérieusement remise en cause par un certificat d'un pharmacien d'Oran en date du 9 septembre 2022, réitéré le 16 avril 2023, ou par un " rapport médical " du 8 septembre 2022, également réitéré le 13 avril 2023, émanant du médecin chef du service d'hépato-gastro-entérologie du centre hospitalier universitaire d'Oran. Par suite, le refus de séjour contesté n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations visées ci-dessus de l'accord franco-algérien.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre et, en tout état de cause, à l'encontre de la décision fixant son pays de destination. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième lieu, selon l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposition issue de la transposition du 2° de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le préfet peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur aux trente jours habituellement accordés, " s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ". Le requérant, qui peut bénéficier en Algérie d'un traitement adapté à son état de santé, et dont la situation de vulnérabilité a été prise en compte par le préfet, ne justifie pas de circonstances qui auraient dû conduire à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
7. En dernier lieu, la mesure d'éloignement n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen reposant sur une telle illégalité articulé à l'encontre de la décision désignant le pays de renvoi doit être écarté. Le requérant pouvant effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, pays de renvoi, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au versement de frais de procès doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY01407
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