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26/03/2024 | FRANCE | N°23LY01263

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 26 mars 2024, 23LY01263


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 25 mai 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision tacite rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2206429 du 27 février 2023, le tribunal

administratif de Grenoble a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 25 mai 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision tacite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2206429 du 27 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2023, Mme B... A..., représentée par la SELARL Aboudahab, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206429 du 27 février 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 25 mai 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision tacite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir un récépissé d'une durée de trois mois, puis, dans un délai d'un mois, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que c'est à tort que le préfet a estimé que sa situation ne relève pas de circonstances humanitaires ou exceptionnelles et n'a pas répondu aux arguments correspondants ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle invoquait la méconnaissance de l'article L. 425-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle a invoqué la méconnaissance de l'article L. 425-1 du même code, entachant ce faisant le jugement d'erreur de droit, de dénaturation, de méconnaissance du droit à un procès équitable et du principe d'impartialité, tels qu'ils sont garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et enfin de violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de séjour méconnait l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien en raison de son état de santé et de l'impossibilité pour elle d'être soignée en Algérie ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu du droit au séjour qu'elle tient de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation au regard d'un réseau de prostitution.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 3 mai 2023, Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ;

- la directive 2008/115/CE, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal et le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 6 avril 1998, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 25 mai 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi, ensemble la décision tacite rejetant son recours gracieux. Par le jugement attaqué du 27 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, Mme A... a invoqué en première instance le moyen tiré de ce que, en refusant de prendre une mesure de régularisation au motif qu'il n'existe pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires, le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Contrairement à ce qu'allègue Mme A..., le tribunal a répondu à ce moyen au point 6 du jugement. Le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués au soutien de ce moyen.

3. En deuxième lieu, il ressort du dossier de première instance que, dans sa demande de première instance, Mme A... a invoqué le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en citant cet article. Contrairement à ce qu'elle allègue, elle n'a pas produit de mémoire complémentaire dans lequel elle aurait par ailleurs invoqué la méconnaissance de l'article L. 425-1 du même code. Si elle allègue également que son conseil aurait évoqué ce dernier article dans sa plaidoirie d'audience, la procédure est en tout état de cause écrite et l'instruction était en outre close, le tribunal n'ayant ainsi jamais été régulièrement saisi de ce moyen. Par voie de conséquence, en visant le seul moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-4 et en l'écartant au point 8 du jugement, le tribunal n'a pas, contrairement à ce qu'entend soutenir Mme A..., entaché ce jugement de partialité, de méconnaissance du droit à un procès équitable ou de discrimination. Si la requérante soutient également que le tribunal aurait entaché son jugement, pour le même motif, d'erreur de droit et de dénaturation, ces reproches portent sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité et sont en tout état de cause infondés.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. Pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet de l'Isère s'est appuyé sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 1er février 2022 qui, après que Mme A... ait été spécialement convoquée pour examen médical et que des examens médicaux complémentaires aient été réalisés, a constaté que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais a indiqué que le traitement requis est disponible en Algérie et qu'elle peut voyager pour s'y rendre sans risque médical.

6. Mme A..., qui ne conteste pas en elle-même la disponibilité des soins en Algérie, soutient qu'elle ne pourrait matériellement en bénéficier en cas de retour en Algérie, dès lors que sa pathologie et sa situation de mère isolée lui feraient courir le risque de violences de la part des membres de sa famille. Toutefois, elle ne fournit aucun élément de nature à établir l'existence effective d'un tel risque. De plus, elle n'établit en tout état de cause pas que les autorités algériennes ne seraient en mesure d'intervenir si elle était victime d'actes de droit commun. Les soins, qui existent matériellement en Algérie, ne peuvent donc être regardés comme n'étant pas disponibles pour elle. Le préfet n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, d'une part, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition de la directive 2004/81 du 29 avril 2004 : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 22 mars 2022 de Mme A... au Procureur de la République et du procès-verbal de police du 22 mars 2022, qu'elle a porté plainte pour des faits de menaces réitérées de mort et de violences. Si ces infractions sont graves, elles ne relèvent pas des prévisions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent les seules plaintes ou les témoignages pour des infractions liées à la traite des êtres humains ou au proxénétisme et dont les conditions ne sont dès lors pas réunies. Les explications de Mme A... dans ce courrier et dans le cadre de la présente instance ne sont d'ailleurs pas claires, puisqu'elle affirme par ailleurs ne pas avoir été elle-même liée à un réseau de traite ou de proxénétisme mais évoque la situation d'une connaissance. Mme A... ne peut dès lors être regardée comme relevant d'une situation impliquant qu'elle bénéficie de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour.

10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est née en Algérie le 6 avril 1998 et qu'elle est de nationalité algérienne. Elle déclare être entrée en France en décembre 2020, dans des conditions non déterminées. Elle ne justifie d'aucun élément particulier d'insertion. Ainsi qu'il a été dit, son état de santé peut être pris en charge en Algérie. Enfin, si elle soutient avoir fait l'objet de menaces, elle n'explique pas en quoi celles-ci impliqueraient son maintien sur le territoire français. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01263
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23ly01263 ?
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