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26/03/2024 | FRANCE | N°21LY01617

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 26 mars 2024, 21LY01617


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de la commune de ... relative à la déviation du trop-plein du réservoir de la source ..., de condamner la commune de ... à l'indemniser de son préjudice et d'enjoindre à la commune d'exécuter, dans un délai raisonnable, les mesures nécessaires à la remise en l'état de l'écoulement du trop-plein sur sa parcelle.





Par un jugement n° 1908471 du 22 mars 20

21, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision de la commune de ... relative à la déviation du trop-plein du réservoir de la source ..., de condamner la commune de ... à l'indemniser de son préjudice et d'enjoindre à la commune d'exécuter, dans un délai raisonnable, les mesures nécessaires à la remise en l'état de l'écoulement du trop-plein sur sa parcelle.

Par un jugement n° 1908471 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mai 2021 et 13 avril 2022 et un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1, enregistré le 15 juillet 2023, Mme A... B..., représentée par Me Lussiana, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908471 du 22 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle la commune de ... a rejeté sa demande tendant à la remise en l'état identique de l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source ... sur sa parcelle et la décision de rejet de sa demande indemnitaire du 4 avril 2022 ;

3°) de condamner la commune de ... à lui verser une somme de 90 276,02 euros en réparation des préjudices résultant des travaux publics de déviation du trop-plein du réservoir de la source, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts ;

4°) d'enjoindre à la commune de ... de réaliser les travaux nécessaires au rétablissement de l'écoulement de la source sur sa parcelle A n° 347, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune de ... le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable et ses demandes indemnitaires ne sont pas prescrites ;

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal administratif d'avoir relevé d'office que la responsabilité sans faute de la commune était susceptible d'être engagée pour dommage de travaux publics au regard de sa qualité de tiers à l'ouvrage ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que la délibération du conseil municipal en date du 16 décembre 1956 établissait la propriété de la commune sur un ouvrage public ou sur la source et en considérant qu'aucun détournement de pouvoir n'était établi ;

- la commune n'établit pas être propriétaire de l'ouvrage ;

- la décision de déviation du trop-plein du réservoir de la source n'a pas été prise dans un but d'intérêt général ;

- les travaux réalisés par la commune en 2017 ont eu pour effet la suppression de la servitude d'écoulement d'eau de source dont elle bénéficiait sur ses parcelles A n° 342 et n° 347 et la responsabilité de la commune est engagée de ce fait ;

- elle subit un trouble de jouissance du fait des travaux entrepris par la commune en tant qu'elle est privée de la gratuité de l'alimentation en eau sur ses parcelles A n° 342 et 347 ;

- la rupture d'alimentation en eau des parcelles de la requérante depuis 2017 constitue un obstacle à la jouissance de ces parcelles pour y pratiquer l'horticulture certifiée en agriculture biologique, préjudice qui pourra être évalué à un montant total de 83 532,48 euros à parfaire ;

- le préjudice perdurant à ce jour, il sera enjoint à la commune de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage en rétablissant l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source sur sa parcelle A n° 347.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2021 et 28 avril 2022 et un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1, enregistré le 5 juillet 2023, la commune de ..., représentée par l'AARPI Scholaert et Ivanovitch Avocats, agissant par Me Ivanovitch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires présentées en première instance par Mme B... sont irrecevables faute de demande indemnitaire préalable liant le contentieux ;

- sa demande de première instance a été présentée hors délai et est par suite irrecevable ;

- la responsabilité sans faute de la commune ne saurait être engagée dès lors que Mme B... à la qualité d'usager du trop-plein du réservoir de la source ;

- aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage n'est imputable à la commune ;

- Mme B... ne saurait prétendre au bénéfice d'une servitude pesant sur l'ouvrage public du " trop-plein " du réservoir de la source et sa propriété est raccordée au réseau public de distribution d'eau potable ;

- aucun des préjudices allégués n'est établi ;

- Mme B... n'est pas fondée à solliciter le déplacement d'un ouvrage public régulièrement implanté, en tout état de cause, le déplacement de l'ouvrage porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ivanovitch,représentant la commune de ....

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 7 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire des parcelles cadastrées A n° 338, 339, 341, 342, 343, 347, 348, 349 et 354 au lieu-dit Achard situé sur le territoire de la commune de ... dans le département de la Drôme. En 2017, la commune de ... a réalisé des travaux de remise en état de l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source ... qui fait l'objet d'un captage pour l'alimentation en eau potable de la commune. Estimant que ces travaux l'avaient privée de l'écoulement d'eau provenant du trop-plein du réservoir de la source sur sa parcelle cadastrée A n° 347, Mme B... a sollicité, par un courrier du 17 septembre 2018 adressé à la commune de ..., que cette dernière prenne les mesures nécessaires à la remise en l'état de l'écoulement d'eau sur cette parcelle. Par un courrier du 11 octobre 2018, la commune de ... a refusé de faire droit à cette demande. Par acte d'huissier en date du 27 mars 2019, Mme B... a fait assigner la commune de ... devant le tribunal d'instance de Valence, demandant la remise en l'état initial de l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source sur ses terres. Par un jugement du 28 août 2019 devenu définitif, le tribunal d'instance de Valence a considéré que la juridiction administrative était compétente au motif qu'un ouvrage public était en cause et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Par le jugement attaqué du 22 mars 2021, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de ... l'indemniser de son préjudice et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de remettre en l'état initial l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source sur sa parcelle A n° 347.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme B... soutient que le jugement attaqué serait irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir relevé d'office que la responsabilité sans faute de la commune était susceptible d'être engagée pour dommage de travaux publics au regard de sa qualité de tiers à l'ouvrage. Cependant, le jugement attaqué, ne s'étant pas fondé sur la responsabilité sans faute de la commune, les premiers juges n'étaient pas tenus de relever d'office un tel moyen. Par ailleurs, si Mme B... soutient que les premiers juges ne pouvaient retenir, sans commettre d'erreur de droit, que la délibération du conseil municipal en date du 16 décembre 1956 établissait la propriété de la commune sur un ouvrage public ou sur la source et en considérant qu'aucun détournement de pouvoir n'était établi, de tels moyens se rattachent au bien-fondé de la décision juridictionnelle et ne constituent pas des moyens d'irrégularité du jugement. Par suite le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le cadre juridique applicable :

3. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires. De la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires.

4. Il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction de prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

6. La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme B... s'est bornée, dans son courrier adressé à la commune de ... le 17 septembre 2018, à solliciter la remise en état initial de l'écoulement du trop-plein du réservoir de la source ... sur sa parcelle A n° 347, sans solliciter, à aucun moment, la réparation d'un préjudice par la voie d'une indemnisation financière. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, qu'à la date à laquelle le tribunal administratif de Grenoble a statué sur son recours de plein contentieux tendant à la mise en cause de la responsabilité de la commune de ..., Mme B... avait adressée une demande indemnitaire à cette commune, alors même que cette dernière avait soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires de la requérante tendant à la réparation des préjudices résultant de la privation de l'écoulement du trop-plein de la source, sont irrecevables, la demande indemnitaire adressée à la commune le 4 avril 2022, postérieurement à l'enregistrement de sa requête d'appel n'ayant pu avoir pour effet de régulariser son recours.

Sur les conclusions à fin d'injonction à l'exécution de travaux :

8. Ainsi qu'il a été exposé au point 7, les conclusions indemnitaires de Mme B... sont irrecevables. Dès lors et en application du principe exposé au point 3, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de ... de réaliser les travaux nécessaires au rétablissement de l'écoulement de la source sur sa parcelle A n° 347, sont également irrecevables.

9. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

10. Mme B... étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu de rejeter les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de ....

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de ... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de ....

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01617
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-02-01-02 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Notion de dommages de travaux publics. - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LUSSIANA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;21ly01617 ?
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