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21/03/2024 | FRANCE | N°22LY02519

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 21 mars 2024, 22LY02519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'EURL Domaine de Bens a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 16 avril 2015 au 31 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, des intérêts de retard, de la majoration de 10 % et d'amendes de 150 euros.



Par un jugement n° 2001919 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé l'EURL ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Domaine de Bens a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 16 avril 2015 au 31 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de la contribution à l'audiovisuel public à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017, des intérêts de retard, de la majoration de 10 % et d'amendes de 150 euros.

Par un jugement n° 2001919 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé l'EURL Domaine de Bens des droits de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'un montant de 750 euros (article 1er) et a rejeté le surplus de la demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 août 2022 et 15 septembre 2023, l'EURL Domaine de Bens, représentée par Me Pignier, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions auxquelles elle demeure assujettie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le taux intermédiaire de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % devait être appliqué à la prestation de location de salle comme à la prestation d'hébergement ;

- elle se prévaut de l'instruction administrative 3 C-8-78 du 13 mars 1978, de la réponse ministérielle au député M. B... du 3 février 1979 (n° 1447 p. 737) et de la réponse ministérielle au député M. A... du 15 mars 1979 (n° 5000 p. 1606) ;

- elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion en ne facturant pas des frais d'hébergement et de repas à la SCEA Ecurie du Sappey ; l'administration ne pouvait pas se fonder sur les conventions d'occupation des bâtiments et de refacturation des repas conclues à partir du 1er janvier 2017 pour déterminer le montant des recettes devant être encaissées entre les 1er septembre et 31 décembre 2016 ;

- l'administration fiscale ne démontre pas qu'elle détenait les deux téléviseurs au titre des années 2016 et 2017 ;

- les deux téléviseurs n'ont plus leur tuner et ne sont pas raccordés aux services télévisuels ;

- elle se prévaut de l'instruction codificatrice n° 07-050-A8 du 13 décembre 2007 ;

- concernant la taxe sur la valeur ajoutée appliquée au dépôt de garantie, le moyen invoqué par le ministre n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 21 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement et de remettre à la charge de l'EURL Domaine de Bens les droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 750 euros déchargés par le tribunal administratif.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés ;

- les dépôts de garantie versés par les preneurs doivent être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque survient la cause contractuelle de leur conservation par le bailleur ; ils doivent être regardés comme une rémunération au bénéfice du bailleur présentant un lien direct avec une prestation de service individualisée, et non comme la simple réparation d'un préjudice commercial.

Par ordonnance du 18 septembre 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 20 septembre 2023, a été reportée 19 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Domaine de Bens, qui, d'une part, exploite un gîte de groupe ou centre de vacances dans un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments situé au Sappey-en-Chartreuse (Isère) qu'elle possède en indivision avec la SCEA Ecurie du Sappey, laquelle exploite un centre équestre sur le site, et, d'autre part, assure, en lien avec cette société, une formation de sport-études équitation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 16 avril 2015 au 31 décembre 2017, prolongée jusqu'au 31 mars 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue du contrôle, le vérificateur a notamment, en premier lieu, soumis au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée les recettes de location de la salle polyvalente du bâtiment principal pour lesquelles l'EURL Domaine de Bens avait appliqué le taux intermédiaire de 10 % applicable aux prestations relevant du a) de l'article 279 du code général des impôts, en deuxième lieu, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les dépôts de garantie enregistrés en comptabilité en 2016, en troisième lieu, estimé qu'en s'abstenant de refacturer à la SCEA Ecurie du Sappey les recettes correspondant à l'occupation des locaux et aux repas des élèves en formation sports-études du 1er septembre au 31 décembre 2016, l'EURL Domaine de Bens avait commis un acte anormal de gestion et, en quatrième lieu, rappelé la contribution à l'audiovisuel public due à raison de la détention de deux téléviseurs au titre des années 2016 et 2017. En conséquence de ces rectifications, effectuées selon la procédure contradictoire, l'administration a assujetti l'EURL Domaine de Bens, d'une part, à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 16 avril 2015 au 31 mars 2018 assortis des intérêts de retard, et, d'autre part, à la contribution à l'audiovisuel public au titre des années 2016 et 2017. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé l'EURL Domaine de Bens des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, à concurrence d'un montant de 750 euros correspondant à la taxation des dépôts de garantie et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. L'EURL Domaine de Bens relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande de décharge de ces impositions. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement et conclut au rétablissement des droits de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 750 euros, déchargés par le tribunal administratif.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'appel principal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20 %. " Aux termes de l'article 279 du code dans sa rédaction alors applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives : A la fourniture de logement et aux trois quarts du prix de pension ou de demi-pension dans les établissements d'hébergement ; ce taux s'applique aux locations meublées dans les mêmes conditions que pour les établissements d'hébergement (...) ".

3. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations.

4. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients, compte-tenu notamment de la valeur respective de chacune des prestations composant l'opération, une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

5. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier à usage de gîte de groupe et de centre de vacances appartenant à l'EURL Domaine de Bens et à la SCEA Ecurie du Sappey est constitué d'un bâtiment principal, qui comprend, outre l'accueil du gîte et l'accueil du centre équestre, une salle polyvalente dotée d'une cuisine professionnelle d'une capacité d'accueil de quatre-vingts personnes, de deux bâtiments à usage de gîte, dénommés Chamechaude et St-Eynard, pouvant accueillir, respectivement, quatre-vingt-cinq et trente-cinq personnes en dortoirs de quatre à sept lits et, enfin, d'un bâtiment, dénommé Pinéa, qui comprend trois salles et une petite cuisine. L'EURL Domaine de Bens, qui propose en sus de l'hébergement en dortoirs, la fourniture de repas préparés par une entreprise extérieure, a appliqué aux recettes tirées de son activité de location, y compris de location de salles, le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % prévu au a. de l'article 279 du code général des impôts, applicable aux prestations relatives à la fourniture d'un hébergement, comprenant la pension ou la demi-pension, fournies dans les établissements d'hébergement auxquels sont assimilées les locations meublées.

6. La prestation de fourniture de logement comprenant la pension complète ou la demi-pension fournie dans un établissement d'hébergement, auxquels sont assimilées les locations meublées, et la prestation de location de locaux aménagés tels qu'une salle polyvalente permettant à des particuliers ou des personnes morales, entreprises ou autres entités, d'organiser des événements privés constituent des opérations matériellement et économiquement distinctes, relevant d'un taux d'imposition différent au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. Si l'EURL Domaine de Bens fait valoir que plusieurs formules, en gestion libre, demi-pension ou pension complète sont généralement proposées aux clients d'un gîte de groupe pour en déduire que la mise à disposition d'une salle à des clients souhaitant se restaurer relève d'une mission traditionnellement dévolue au secteur de l'hébergement, l'exploitation d'un établissement à usage de gîte de groupe ou de centre de vacance, qui consiste à accueillir des clients pour un séjour de loisir, peut être réalisée indépendamment de la location d'une salle, ces deux prestations, indépendantes l'une de l'autre, pouvant constituer, pour l'exploitant, une fin en soi, même si la mise à disposition d'une salle aux clients du gîte ou du centre de vacance est vue comme un moyen de mieux parvenir à la finalité de la prestation d'hébergement. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que la salle polyvalente est donnée en location, soit avec les gîtes, soit indépendamment, que les deux prestations sont distinguées par l'EURL Domaine de Bens dans la facturation lorsqu'elles sont fournies ensemble et que les recettes de location de la salle polyvalente représentaient une part importante des recettes de l'EURL Domaine de Bens, soit 34 % en 2016, 41 % en 2017 et 44 % au premier trimestre 2018. Au cas d'espèce, la présence sur le site de dortoirs sobrement meublés peut, à l'inverse, être vue, pour le consommateur moyen, comme le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la location de la salle polyvalente, notamment en termes de sécurité, en ce qu'elle permet le logement sur place des participants à un événement privé dans un territoire de montagne dont l'accès peut être malaisé. Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu, la location de la salle polyvalente ne peut être regardée comme une prestation accessoire non indépendante de la prestation d'hébergement fournie par l'EURL Domaine de Bens. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a appliqué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée aux recettes tirées de la prestation de location de salle et rappelé les droits correspondant à la différence de taux.

7. En second lieu, si l'EURL Domaine de Bens entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 3 C-8-78 du 13 mars 1978, de la réponse ministérielle au député M. B... du 3 février 1979 (n° 1447 p. 737) et de la réponse ministérielle au député M. A... du 15 mars 1979 (n° 5000 p. 1606), qui indiquent que le taux intermédiaire de taxe sur la valeur ajoutée est applicable aux auberges rurales, colonies de vacances, centres de nature, classes de neige et gîtes pour enfants, ni l'instruction administrative ni ces réponses ministérielles ne portent sur les dispositions en litige.

En ce qui concerne l'appel incident :

8. Aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ".

9. Le vérificateur a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux normal, les dépôts de garantie versés par les clients à l'EURL Domaine de Bens enregistrés en comptabilité au titre de l'exercice clos en 2016 pour un montant total de 4 500 euros. Les sommes demandées aux clients, dont il n'est pas contesté qu'elles sont prévues contractuellement, à titre de dépôt de garantie, dans les contrats de location conclus par la société et lui sont définitivement acquises si le preneur n'exécute pas l'obligation à laquelle le contrat subordonne le remboursement du dépôt de garantie du bien loué à l'issue de la période de location, sont en lien direct avec la prestation de location fournie par le bailleur de sorte que, lorsqu'elles sont conservées, elles présentent, en principe, en l'absence de toute précision fournie par l'EURL Domaine de Bens, qui ne produit pas les contrats en cause, sur les modalités de fixation et de remboursement du dépôt de garantie demandé à ses clients, le caractère de sommes reçues par le prestataire en contrepartie de ses opérations de location. Il suit de là que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux dépôt de garantie, le tribunal administratif de Grenoble a retenu le moyen tiré de ce que les sommes conservées étaient destinées à compenser un préjudice subi par le bailleur.

Sur l'impôt sur les sociétés :

10. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

11. Il résulte de l'instruction que la SCEA Ecurie du Sappey a créé une formation de sports-études en équitation avec le concours du Centre national d'enseignement à distance, qui assure la scolarité des élèves par correspondance, la SCEA Ecurie du Sappey étant chargée de l'encadrement des élèves dans leur pratique sportive et leur hébergement en pension complète. Cette société a conclu avec l'EURL Domaine de Bens une convention d'occupation des locaux et une convention de refacturation des repas le 1er janvier 2017. Constatant que la SCEA Ecurie du Sappey avait accueilli des élèves à partir du 1er septembre 2016 sans facturer aucune prestation à ce titre au cours de cette année, le vérificateur a considéré que l'EURL Domaine de Bens avait consenti à cette société un avantage, qui, en l'absence de contrepartie, était constitutif d'une renonciation à recettes n'entrant pas dans le cadre d'une gestion commerciale normale. Il a en conséquence réintégré, dans le résultat de cette société de l'exercice clos en 2016, les sommes de 8 000 et de 4 158 euros correspondant au montant des prestations à ce titre non comptabilisées entre le 1er septembre et le 31 décembre 2016.

12. D'une part, l'administration établit, en se fondant sur les contrats sports-études conclus entre la SCEA Ecurie du Sappey et le Centre national d'enseignement à distance présentés au cours des opérations de contrôle, que cette activité, incluant une pension complète pour les élèves, a commencé au début de l'année scolaire 2016/2017. Si la requérante explique l'absence de facturation de la mise à disposition des locaux et des repas des élèves au cours de cette période par son intention de vérifier s'il était possible de mettre en place une coopération viable avec la SCEA Ecurie du Sappey et son intérêt commercial " d'étendre son panel d'offres par le biais d'une collaboration ", elle ne conteste pas avoir pris en charge les élèves dès le début de l'année scolaire, et ne saurait sérieusement se prévaloir de difficultés de collaboration alors que les deux sociétés ont la même dirigeante et que la formation de sports-études se déroule dans le centre équestre situé sur le même site. Dans ces conditions, l'EURL Domaine de Bens ne démontre l'existence d'aucune contrepartie à l'avantage qu'elle a consenti à la SCEA Ecurie du Sappey pendant quatre mois et l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion.

13. D'autre part, le vérificateur s'est fondé sur les conventions d'occupation des bâtiments et de refacturation des repas conclues à partir du 1er janvier 2017 pour déterminer le montant des recettes auxquelles la requérante a renoncées qu'il a fixées à 2 000 euros par mois pour l'hébergement et à 1 386 euros par mois pour les repas en appliquant à la période du 1er septembre au 31 décembre 2016 les tarifs en vigueur à partir du 1er janvier 2017. La société requérante n'allègue pas que les conditions de la formation, notamment le nombre d'élèves, auraient changé entre septembre 2016 et le premier semestre 2017. Il s'ensuit que l'administration doit être regardée comme justifiant le montant des recettes réintégrées dans le résultat de l'exercice clos en 2016 qui n'a, au demeurant, conduit à aucune imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, contrairement à ce qu'indiquent les conclusions de l'EURL Domaine de Bens soumises au juge de l'impôt.

Sur la contribution à l'audiovisuel public :

14. En premier lieu, aux termes de l'article 1605 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " (...) II. - La contribution à l'audiovisuel public est due : 1° Par toutes les personnes physiques imposables à la taxe d'habitation au titre d'un local meublé affecté à l'habitation, à la condition de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer. Cette condition est regardée comme remplie dès lors que le redevable n'a pas déclaré, dans les conditions prévues au 4° de l'article 1605 bis, qu'il ne détenait pas un tel appareil ou dispositif ; 2° Par toutes les personnes physiques autres que celles mentionnées au 1° et les personnes morales, à la condition de détenir au 1er janvier de l'année au cours de laquelle la contribution à l'audiovisuel public est due un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans un local situé en France. (...) ".

15. Aux termes de l'article L. 61 B du livre des procédures fiscales : " (...) 2. Pour le contrôle de la taxe prévue au I de l'article 1605 du code général des impôts et dans les conditions mentionnées au 1° du II du même article, les agents mentionnés au 1 du présent article peuvent procéder au constat matériel de la détention des appareils récepteurs de télévision ou dispositifs assimilés permettant la réception de la télévision. Lorsqu'une infraction aux obligations prévues aux articles 1605 bis et 1605 ter du code général des impôts est constatée, les agents mentionnés au 1 du présent article peuvent dresser un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve du contraire, qui doit être apportée selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 537 du code de procédure pénale. "

16. Il résulte de ces dernières dispositions que le vérificateur pouvait mais n'était pas tenu de dresser un procès-verbal. Il n'est pas contesté que l'EURL Domaine de Bens a acquis, le 31 juillet 2015, deux téléviseurs qu'elle a inscrits à l'actif de son bilan. Elle doit dès lors être regardée comme les ayant détenus à la date du 1er janvier 2016 et du 1er janvier 2017. Si l'EURL Domaine de Bens soutient que ces téléviseurs n'étaient plus dotés de leur tuner et n'étaient raccordés à aucun service télévisuel, elle ne le démontre pas alors, au demeurant, que les annonces la concernant publiées sur un site internet de location de gîtes font état de locaux équipés de téléviseurs.

17. En second lieu, si l'EURL Domaine de Bens entend se prévaloir de l'instruction codificatrice n° 07-050-A8 du 13 décembre 2007, cette instruction codificatrice, qui n'a pas été reprise au bulletin officiel des impôts, n'est, en tout état de cause, pas opposable à l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

18. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions en tant qu'elles concernent un complément d'impôt sur les sociétés, d'une part, que l'EURL Domaine de Bens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, d'autre part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander que les droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge à l'EURL Domaine de Bens au titre de la période en litige, dont le tribunal administratif a prononcé la réduction à concurrence de 750 euros, soient rétablis.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais liés au litige exposés par l'EURL Domaine de Bens. Il en sera de même en tout état de cause pour les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2001919 du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2022 est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, dont le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge, sont remis à la charge de l'EURL Domaine de Bens.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Domaine de Bens est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Domaine de Bens et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02519


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