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13/03/2024 | FRANCE | N°23LY00039

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 13 mars 2024, 23LY00039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2207144 du 23 septembre 2022, la magistr

ate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis M. A... au bénéfice de l'aide...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2207144 du 23 septembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Paquet, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 12 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours, sous la même d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, le refus d'un délai de départ volontaire et l'interdiction de circulation :

- ces mesures n'ont pas été précédées d'un examen complet de sa situation ;

- elles sont fondées sur un refus de délivrance d'un titre de séjour qui est illégal, pour ne pas avoir été précédé d'un examen complet de sa situation, être entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits, violer l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces mesures violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :

- ce refus viole l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'interdiction de circulation :

- cette mesure est insuffisamment motivée ;

- elle viole l'article L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la durée de cette interdiction a un caractère disproportionné.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2023.

Par une ordonnance du 11 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1988, de nationalité marocaine, alors incarcéré au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces, a sollicité le 29 décembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité d'époux d'une ressortissante roumaine et de père d'un enfant ayant la même nationalité. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 12 septembre suivant, il a été placé au centre de rétention administrative de Lyon en vue de la mise à exécution de son éloignement. M. A... relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision fixant le pays de destination, et de l'interdiction de circulation sur le territoire français.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois ". Aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société (...) ".

3. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué et des pièces du dossier que le refus de délivrer un titre de séjour à M. A... lui a été opposé après un examen de sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été arrêté en 2014 en Italie en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis par les autorités françaises et que par un arrêt rendu le 8 décembre 2015, la cour d'assises des mineurs du département du Gard l'a condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour des faits de complicité de vol avec arme et pour des faits de viols aggravés, commis le 30 avril 2005 alors qu'il était âgé de seize ans et dix mois. L'arrêt de la cour d'assises relève en outre qu'il s'est soustrait à la justice pendant près de dix ans, et avait commis d'autres faits de violences sexuelles en Italie. Si deux experts psychiatres qui l'ont examiné en 2015 et 2019 n'ont pas relevé de dangerosité psychiatrique et estimé le risque de récidive minime, une psychologue l'ayant examiné en 2015 a relevé un manque d'empathie et une propension à consommer des substances psychoactives. En outre, devant le tribunal administratif, le préfet de l'Isère a fait valoir que le fichier de traitement des antécédents judiciaires faisait apparaître que le requérant avait été mis en cause en 2019 pour des faits de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion, et pour des faits de violences en réunion, et en 2020 pour conduite sans permis et refus de se soumettre aux examens de dépistage d'un état alcoolique et de la consommation de stupéfiants. Le requérant ne conteste pas la matérialité de ces infractions. Eu égard à la très grande gravité des faits pour lesquels M. A... a été condamné et aux faits plus récents qui lui sont reprochés, le préfet de l'Isère a estimé à bon droit que son comportement personnel constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française.

5. D'autre part, à supposer même que le préfet de l'Isère ait fait une inexacte application de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de l'instruction qu'il aurait opposé à M. A... le même refus de délivrance d'un titre de séjour s'il s'était fondé sur cette seule menace, qui justifiait à elle seule ce refus. Le moyen tiré par le requérant de ce que son épouse, citoyenne de l'Union européenne, travaillant en France, le préfet a méconnu l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit dès lors être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir que son épouse réside en France avec leur enfant, y travaille et qu'elle est enceinte. Toutefois, eu égard à la menace que son comportement représente pour l'ordre public, le refus de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de ce que ce refus violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté. Pour les mêmes motifs, le refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Si M. A... invoque ses liens avec son enfant, il n'établit pas que celui-ci et sa mère ne pourraient le suivre hors de France. Dans ces conditions, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'implique pas nécessairement sa séparation d'avec son enfant, et le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut être accueilli.

10. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut être accueillie.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que la mesure d'éloignement a été prise après un examen de la situation personnelle de M. A....

12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent être accueillis.

Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel ".

14. Il résulte de ce qui précède que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public. Eu égard à la gravité de certains des faits qui lui sont reprochés, le préfet a pu à bon droit estimer qu'il y avait urgence à procéder à son éloignement du territoire français. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus d'accorder un délai de départ volontaire au requérant violerait l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de circulation sur le territoire français :

15. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ".

16. Le préfet de l'Isère ayant refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A... et lui ayant fait obligation de quitter le territoire français au motif que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, sur le fondement du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait légalement, sur le fondement de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en ce qu'il a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra BertrandLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00039
Date de la décision : 13/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-13;23ly00039 ?
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