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13/03/2024 | FRANCE | N°22LY03253

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 13 mars 2024, 22LY03253


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le maire de Valence l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre audit maire sous astreinte de la réintégrer à ses fonctions après reconstitution de sa carrière et de condamner la commune de Valence à lui verser une indemnité totale de 131 743 euros.



Par un jugement n° 2004662 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a

rejeté la demande de Mme B....



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2020 par lequel le maire de Valence l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre audit maire sous astreinte de la réintégrer à ses fonctions après reconstitution de sa carrière et de condamner la commune de Valence à lui verser une indemnité totale de 131 743 euros.

Par un jugement n° 2004662 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me le Foyer de Costil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2022 et l'arrêté du 8 juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre au maire de Valence d'annuler sa décision, de la réintégrer dans ses fonctions, grade et emploi et de reconstituer sa carrière, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Valence à lui verser l'intégralité des sommes dont elle a été privée durant sa période d'absence, ainsi que la somme totale de 131 743,64 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Valence une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a procédé à une dénaturation des pièces du dossier ;

- l'arrêté attaqué a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, l'accès à son dossier ayant été partiel ;

- son licenciement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa prétendue insuffisance professionnelle ;

- l'illégalité de l'arrêté attaqué constitue une faute qui engage la responsabilité de la commune ; elle peut prétendre au versement de la somme de 45 225 euros, correspondant à une année de traitement, au titre de l'illégalité de son licenciement et de sa difficulté à retrouver un emploi ; son préjudice moral doit être chiffré à 25 000 euros ; sa perte de perspectives de carrière doit être indemnisée par l'allocation d'une somme de 45 225 euros ; elle a indûment supporté la somme de 16 293,64 euros pour assurer sa défense.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, la commune de Valence, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés, agissant par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'une liaison du contentieux par une demande préalable à l'administration ; la demande qui lui a été adressée ne portait pas sur la réparation du préjudice causé par le licenciement, mais sur celui qui serait né d'un harcèlement moral ;

- à tout le moins, ces conclusions, présentées plus de deux ans après la réception de cette demande, seraient tardives ;

- la requête d'appel, qui reprend les développements de la demande de première instance relative à la légalité externe de l'arrêté attaquée et la responsabilité, sans critiquer le jugement, est irrecevable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Masson, avocate, pour la commune de Valence.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., titularisée dans le corps des directeurs de police municipale le 31 décembre 2013, a été recrutée par voie de mutation pour occuper à compter du 17 février 2014 un poste à Valence. Par un arrêté du 8 juillet 2020, le maire de Valence a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Mme B... relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de la commune de Valence à l'indemniser des préjudices qu'elle estime lui avoir été causés par ce licenciement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit sur la charge de la preuve, est inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale visée ci-dessus, aujourd'hui repris à l'article L. 553-2 du code général de la fonction publique : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, visée ci-dessus, et aujourd'hui repris à l'article L. 532-4 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (...). L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaire territoriaux, visé ci-dessus, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés ".

4. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 7 janvier 2020, le procureur de la République de Valence a indiqué au maire de cette même ville qu'il n'était pas possible de restituer à ses services le dossier personnel de Mme B..., saisi et placé sous scellés dans le cadre de l'enquête ouverte suite à la plainte pour harcèlement moral déposée par la requérante contre le chef du département sous l'autorité hiérarchique duquel elle était placée. La lettre du 28 mai 2020 convoquant l'intéressée devant le conseil de discipline lui précisait qu'elle ne pourrait accéder à son dossier personnel, celui-ci ayant été réquisitionné par le procureur de la République. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du formulaire signé par l'intéressée le 1er juillet 2020, et de ses observations écrites devant le conseil de discipline, que le 1er juillet 2020, soit dans un délai suffisant avant la séance, Mme B... a accédé à une copie numérisée de son dossier, contenant les pièces antérieures à mai 2019, incluant l'ensemble des pièces saisies par le Parquet en 2018. Elle avait antérieurement reçu copie du compte rendu de son entretien professionnel pour l'année 2019, qu'elle a d'ailleurs contesté avec succès devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle a en outre reçu copie du rapport de saisine du conseil de discipline, auquel étaient annexées les pièces sur lesquelles l'administration entendait se fonder, y compris le rapport de l'enquête administrative ouverte en 2018 suite à la demande de protection fonctionnelle présentée par la requérante et les comptes rendus d'audition joints à celui-ci, ainsi qu'un courriel du directeur par intérim de la police municipale du 18 mai 2020 relatif à sa manière de servir en 2019. La requérante n'allègue pas que la communication d'autres pièces qui auraient dû être versées à son dossier postérieurement au mois de mai 2019 et auraient été susceptibles d'être utiles à sa défense, lui aurait été refusée. Dans ces circonstances, Mme B... n'a pas été effectivement privée des garanties prévues par les dispositions citées au point 3.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable, aujourd'hui repris aux articles L. 133-2 et L. 133-3 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

7. En l'espèce, s'il ressort des éléments produits par la commune de Valence et de l'ensemble des autres pièces du dossier que Mme B..., à laquelle une délégation de signature avait été accordée lorsqu'elle a pris ses fonctions, a momentanément cessé d'en bénéficier, cette situation était consécutive à l'élection d'un nouveau maire et au départ de l'ancien directeur général des services, qui a imposé la reprise des actes de délégation à l'ensemble des agents de la commune. Ensuite, les comptes rendus d'évaluation professionnelle de 2014 et 2016 font état des insuffisances relevées dans la manière de servir de l'intéressée, et, notamment, dans l'exercice des responsabilités d'encadrement qui lui étaient confiées. Toutefois, ceux-ci n'excèdent pas, dans leurs termes et leur contenu, l'exercice normal par l'autorité hiérarchique de ses attributions. Il ressort de ces mêmes pièces que, compte tenu de l'ampleur des insuffisances relevées et de l'absence de progression de Mme B..., le maire de Valence a pu, pour des motifs tirés de l'intérêt du service étrangers à toute volonté de harcèlement, maintenir ces appréciations défavorables en dépit des recours exercés par l'intéressée. La circonstance que l'entretien professionnel pour l'année 2016 a été effectué par le directeur général adjoint récemment affecté dans la collectivité est en soi étrangère aux agissements visés par l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. De même, si le rapport établi le 26 mars 2018 par le directeur général adjoint sur la manière de servir de Mme B... relève de nombreuses lacunes, telle que le faible niveau d'analyse démontré dans ses fonctions, le contenu insuffisant des travaux remis, l'absence d'implication dans les tâches confiées et les difficultés relationnelles avec ses subordonnés, ce rapport, qui précise les éléments factuels venant au soutien des constats opérés, n'excède pas, dans sa nature et son contenu, l'exercice de l'autorité hiérarchique. Par ailleurs, il ressort notamment des comptes rendus des auditions de Mme B... et du directeur général des services dans le cadre d'une enquête administrative organisée en mai 2018 à la suite de la demande de protection fonctionnelle formée par la requérante, qu'à l'issue d'une réunion du mois de mai 2015, le directeur général des services a indiqué à la requérante qu'elle avait perdu la confiance des élus et qu'il l'a invitée à rechercher une mutation dans une autre collectivité. Toutefois, il ressort des mêmes pièces que cette invitation, qui n'était pas fondée sur le recrutement de l'intéressée par le maire précédent, était justifiée par le constat persistant des insuffisances de Mme B... et qu'elle lui a été adressée à titre de conseil sans revêtir le caractère d'une menace ou d'un chantage. Ensuite, la commune de Valence a décidé au cours de l'année 2017, de réorganiser la police municipale à la suite de la forte croissance de ses effectifs en en confiant la direction à un directeur principal, assisté de deux adjoints. C'est dans ce contexte que Mme B... a été affectée dans l'intérêt du service au poste d'adjointe au directeur principal, chargée du bureau d'ordre. Cette évolution n'a pas eu pour effet d'amoindrir le traitement de la requérante, dès lors que la suppression de la nouvelle bonification indiciaire a été compensée par une revalorisation de son régime indemnitaire. L'intérim du directeur principal, dont le recrutement n'a pas immédiatement été fructueux, a été confié à l'autre adjoint, qui était auparavant l'adjoint de Mme B..., qui détenait le même grade et en avait mieux démontré les aptitudes. Si la requérante allègue avoir été évincée des réunions et jurys de recrutement, elle n'établit pas avoir été mise à l'écart sur des sujets requérant sa présence personnelle ou concernant ses propres attributions, telles qu'elles ont été modifiées en 2018. Ainsi, la commune de Valence justifie que les agissements invoqués par Mme B... s'inscrivent dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, sont étrangers à tout harcèlement, et ne sont pas motivés par la dénonciation d'un tel harcèlement par l'intéressée.

8. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les membres du cadre d'emplois exercent leurs fonctions dans les communes et dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant une police municipale dont l'effectif est d'au moins 20 agents relevant des cadres d'emplois de police municipale. / Ils assurent la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale. / A ce titre : 1° Ils participent à la conception et assurent la mise en œuvre des stratégies d'intervention de la police municipale ; 2° Ils exécutent, sous l'autorité du maire, dans les conditions fixées par les lois du 15 avril 1999, du 15 novembre 2001, du 27 février 2002 et du 18 mars 2003 susvisées, les missions relevant de la compétence de celui-ci, en matière de prévention et de surveillance du bon ordre de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ; 3° Ils assurent l'exécution des arrêtés de police du maire et constatent par procès-verbaux les contraventions à ces arrêtés ainsi qu'aux dispositions des codes et lois pour lesquelles compétence leur est donnée ; 4° Ils assurent l'encadrement des fonctionnaires des cadres d'emplois des chefs de service de police municipale et des agents de police municipale dont ils coordonnent les activités. / II. - Les directeurs principaux de police municipale encadrent les fonctionnaires du grade de directeur de police municipale et l'ensemble des personnels du service de police municipale. La nomination d'un directeur principal de police municipale ne peut intervenir que si, à la date de cette nomination, les effectifs du service de police municipale comportent au moins deux directeurs de police municipale ".

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'enquête administrative et des comptes rendus d'audition qui lui sont annexés que peu après son arrivée aux fonctions de directrice de la police municipale de Valence, Mme B... a exprimé son hostilité et sa défiance à l'égard de sa hiérarchie, au motif qu'il avait été décidé de la placer sous l'autorité d'un directeur général adjoint, cette organisation ne correspondant pas à sa conception de la police municipale. Il lui a été reproché de ne pas être suffisamment présente auprès de ses équipes, ne les accompagnant pas sur le terrain et n'assurant qu'avec réticence et maladresse leur commandement lors de grands évènements, et connaissant mal ses subordonnés. Elle n'est pas parvenue à traduire les consignes de sa propre hiérarchie en ordres suffisamment clairs pour être mis en œuvre par ses subordonnés dans des conditions satisfaisantes ni à se positionner comme directrice vis-à-vis de ses équipes, sa hiérarchie et des autres acteurs du domaine de la sécurité. Invitée à se positionner sur des sujets sensibles de sécurité tels que les radars de feu ou la lutte contre les rodéos motorisés, elle n'a produit les notes réclamées qu'au bout de plusieurs semaines, et éprouvé des difficultés à proposer des analyses complètes, fût-ce pour expliquer en quoi les limites de la compétence de la police municipale faisaient obstacle à l'action envisagée.

10. Enfin, Mme B... ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'aurait pas été informée de ses nouvelles missions dans le cadre de la nouvelle organisation de la police municipale, en qualité d'adjointe au directeur, chargée du bureau d'ordre, organisation communiquée au personnel par un courriel du 25 juin 2018 dont elle a reçu copie. Ces missions, incluant notamment l'encadrement de personnel et la conception des orientations stratégiques dans son domaine d'activité, sont compatibles avec les fonctions attachées à son grade, définies par l'article 2 du décret du 17 novembre 2006 visé ci-dessus, portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale. Malgré la réduction de ses responsabilités, la requérante n'est pas parvenue à remplir de manière satisfaisante ses missions, le directeur par intérim attestant notamment, par un courriel du 18 mai 2020, de ce que la requérante montrait une faible implication, entretenait des relations limitées avec les agents placés sous son autorité et avec les chefs de service, avait laissé seul un agent du bureau d'ordre traiter le dossier sensible des armes de service et négligé celui de l'habillement le temps de l'absence d'un agent.

11. La manière de servir de Mme B... ne s'est pas améliorée, en dépit des précisions sur les attentes de la municipalité, qui lui avaient été communiquées par lettres de mission, et des critiques formulées par ses supérieurs hiérarchiques à l'occasion des entretiens professionnels annuels. Si la requérante fait valoir que des formations lui ont été refusées aux dates qu'elle avait demandées, elle n'établit pas n'avoir pu profiter de la formation continue obligatoire des directeurs de police municipale, dont la durée de dix jours peut être étalée sur une période de trois ans en vertu de l'article R. 511-35 du code de la sécurité intérieure, alors qu'elle a bénéficié de plus de soixante-quatre jours de formation depuis son entrée dans les effectifs de la commune de Valence. Elle n'a en outre pas donné suite à l'offre de formation au management de type " coaching " qui lui avait été faite au cours d'un entretien en octobre 2015, au prétexte qu'aucune offre écrite précise ne lui aurait été adressée.

12. Dès lors, alors même qu'aucun entretien professionnel n'a été organisé pour l'année 2017 et que le compte rendu de l'entretien tenu pour l'année 2019 a été annulé, le maire de Valence, en estimant, conformément d'ailleurs à l'avis rendu par le conseil de discipline, que Mme B... avait fait preuve d'insuffisance professionnelle, n'a commis aucune erreur d'appréciation.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2020 ainsi que, par voie de conséquences, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte. Par ailleurs, la commune de Valence n'ayant commis aucune illégalité qui serait constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, la requérante n'est pas plus fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Valence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le paiement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Valence en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Valence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Valence.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03253
Date de la décision : 13/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Communication du dossier.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LE FOYER DE COSTIL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-13;22ly03253 ?
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