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13/03/2024 | FRANCE | N°22LY03028

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 13 mars 2024, 22LY03028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2204653 du 16 septembre 2022, le tribunal

administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2204653 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2022, M. B..., représenté par la SELARL Bescou et Sabatier Avocats Associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ain du 23 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du même code et la mise en œuvre du pouvoir général de régularisation dont dispose la préfète ;

- il remplit les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 pour une régularisation à titre exceptionnel ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la fixation du délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfète de l'Ain ne justifie pas avoir fait application des quatre critères prévus par l'article L. 612-10.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller,

- et les observations de Me Guillaume, avocate, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en février 2000, déclare être entré en France le 13 janvier 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Sa sœur de nationalité française a obtenu délégation de l'exercice de l'autorité parentale le concernant par un jugement du juge des affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse rendu le 13 novembre 2017. Par une décision du 18 janvier 2018, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " vie privée et familiale ". Par un jugement du 29 mai suivant, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête formée par l'intéressé contre ce refus. Par des décisions du 23 avril 2020, la préfète de l'Ain a rejeté une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour déposée par M. B..., et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 5 janvier 2022, M. B... a sollicité une nouvelle fois la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 23 mai 2022, la préfète de l'Ain lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain visé ci-dessus, dispose par ailleurs que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. M. B..., entré en France en janvier 2017 alors qu'il était mineur, y a été confié à sa sœur de nationalité française, et a vécu plus de cinq ans avec celle-ci et son époux, il y a suivi une scolarité et travaillé dans le cadre de stages et de contrats d'apprentissage. Toutefois, il a vécu l'essentiel de sa vie au Maroc, pays dont il a la nationalité, et où vivent ses deux parents. Adulte célibataire et sans enfant à charge, il ne fait état d'aucun lien de dépendance particulier à l'égard de sa sœur et de son beau-frère, et ne justifie pas avoir noué en France d'autres attaches étroites, dans le cadre de sa scolarité et de ses emplois. Enfin, il n'a jamais été titulaire en France d'un titre de séjour, dont la délivrance lui a déjà été refusée en janvier 2018 et en avril 2020, par des décisions qu'il a contestées sans succès en justice. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de l'Ain a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. M. B... fait valoir qu'il est entré en France alors qu'il était mineur, et que sa sœur de nationalité française a obtenu la délégation de l'autorité parentale le concernant, ses parents, demeurés au Maroc, étant trop âgés pour le prendre en charge. Il indique en outre être hébergé par sa sœur et son beau-frère en France, où il a suivi une scolarité depuis son arrivée. Toutefois, le requérant ayant atteint sa majorité, la délégation de l'autorité parentale le concernant a cessé de produire des effets. Il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc, où résident ses parents. Âgé de 22 ans, le requérant, qui a suivi en France une formation professionnelle en aménagements paysagers jusqu'à l'obtention du baccalauréat professionnel, et obtenu une attestation valant certificat d'aptitude à la conduite en sécurité, sanctionnant l'apprentissage de la conduite d'engins de chantiers, peut assumer son autonomie. Dans ces circonstances, la préfète de l'Ain, en estimant qu'il ne justifiait ni de circonstances humanitaires, ni de motifs exceptionnels justifiant que lui soit délivré une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 visé ci-dessus : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ".

7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain ne pouvait légalement examiner et rejeter la demande de M. B... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre d'une activité salariée. Toutefois, il est possible, ainsi que l'a relevé d'office le tribunal, de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose l'autorité préfectorale, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il a été scolarisé sans interruption depuis son entrée en France, a obtenu, le 29 juillet 2019, le certificat d'aptitude professionnelle agricole dans la spécialité " Jardinier paysagiste " puis, le 25 juin 2021, le baccalauréat professionnel dans la spécialité " Aménagements paysagers " et qu'il était à la date de l'arrêté attaqué en apprentissage dans le cadre de la préparation du certificat d'aptitude professionnelle de " Monteur en installations thermiques ". Il a été employé en qualité d'apprenti du 2 octobre 2017 au 31 août 2019 par un paysagiste, auprès duquel il a également effectué un stage de 25 semaines au cours de l'année scolaire 2020-2021. Puis il a été employé à compter du 20 octobre 2021 par une entreprise du secteur du bâtiment, dans laquelle il avait auparavant suivi un stage et avec laquelle il avait conclu un contrat d'apprentissage d'un an, et dispose ainsi de ressources propres. Toutefois, compte tenu de la durée limitée de l'expérience professionnelle du requérant en France, et de ce qu'à la date de l'arrêté attaqué, ayant achevé une formation professionnelle qualifiante, il ne travaillait que depuis quelques mois, et pour une durée déterminée dans le cadre d'une nouvelle formation sans lien avec la précédente, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète de l'Ain a refusé de le régulariser par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ".

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. (...) ".

11. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour l'exercice de ce pouvoir.

12. En cinquième et dernier lieu, en l'absence d'argumentaire spécifique, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. B... de ce que le refus de lui délivrer un titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de lui délivrer un titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus, même en tenant compte des effets propres de cette mesure d'éloignement, l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de lui délivrer un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire qui lui est accordé et le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Enfin, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

18. D'une part, il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Toutefois, si elle doit, lorsqu'elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace, en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

19. En l'espèce, la préfète de l'Ain a relevé que M. B... était entré récemment en France, que célibataire et sans enfant, il n'était pas démuni d'attaches au Maroc et qu'il avait fait l'objet antérieurement d'une autre mesure d'éloignement. Elle n'était pas tenue de mentionner expressément que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public.

20. D'autre part, M. B... était entré depuis un peu plus de cinq ans en France, où il a été pris en charge par sa sœur et son beau-frère, et a suivi des formations en alternance. Célibataire et sans enfant, il avait déjà fait l'objet antérieurement d'une mesure d'éloignement. Dans ces circonstances, la préfète de l'Ain, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés au point 3 ci-dessus, et en dépit des effets propres à une interdiction de retour sur le territoire français, cette mesure ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de ce qu'elle violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors être accueilli.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

23. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03028
Date de la décision : 13/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-13;22ly03028 ?
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