Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
I- M. B... C..., M. et Mme A... et E... D..., la commune de Chanteuges, l'association "Chanteuges préservation du patrimoine", l'association "SOS Loire vivante-ERN France", l'association "Allier sauvage", la fédération de pêche et de la protection du milieu aquatique de la Haute-Loire et l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques de la basse Desges de Chanteuges ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du préfet de la Haute-Loire du 28 octobre 2015 reconnaissant l'existence d'un droit fondé en titre au " moulin d'En Haut " situé sur le territoire de la commune de Chanteuges, ainsi que la décision du même préfet du 10 mars 2016 fixant la consistance de ce droit, ensemble les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux des 11 et 16 novembre 2017.
Par un jugement n° 1800312 du 19 janvier 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
II- M. B... C..., Mme E... D..., M. A... D..., la commune de Chanteuges, la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de la Haute-Loire, l'association " Chanteuges préservation de patrimoine ", l'association " SOS Loire Vivante - ERN France ", l'association " Allier sauvage ", l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques de la basse Desges de Chanteuges et l'association nationale pour la protection des eaux et rivières ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Loire a autorisé la communauté de communes des rives du Haut-Allier à disposer de l'énergie de la rivière Desges au lieu-dit " Cambuse " pour une centrale hydroélectrique située sur le territoire de la commune de Chanteuges.
Par un jugement n° 1900087 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
I- Par une requête enregistrée le 31 mars 2022 sous le numéro 22LY00957, et des mémoires enregistrés les 6 avril et 17 mai 2023, M. B... C..., M. et Mme A... et E... D..., l'association "Chanteuges préservation du patrimoine", l'association "SOS Loire vivante-ERN France", l'association "Allier sauvage" et la fédération de pêche et de la protection du milieu aquatique de la Haute-Loire, représentés par Me Tête, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800312 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Haute-Loire du 28 octobre 2015 reconnaissant l'existence d'un droit fondé en titre au " moulin d'en haut " situé sur le territoire de la commune de Chanteuges, ainsi que la décision du même préfet du 10 mars 2016 fixant la consistance de ce droit, ensemble les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux des 11 et 16 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions attaquées sont susceptibles de faire grief et susceptibles de recours ;
- ils justifient d'un intérêt à agir contre ces décisions, en qualité de propriétaires riverains, aux fonds desquels le droit d'usage de l'eau confère un droit d'accès pour l'entretien, qui sont affectés pour l'usage des eaux aux fins d'arrosage, la pêche et le patrimoine que les associations requérantes ont vocation à défendre ; les représentants des associations et le maire justifient avoir été régulièrement habilités à agir ;
- la demande de première instance n'était pas tardive, les décisions attaquées n'ayant pas fait l'objet d'une publicité, et à supposer le délai de recours déclenché par une connaissance acquise, il a été interrompu par des recours gracieux qui n'ont donné lieu à aucun accusé de réception ni à une décision expresse ;
- le jugement contesté a été rendu en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute pour le tribunal d'avoir communiqué plusieurs mémoires et la note en délibéré du préfet ;
- le préfet n'a pas compétence pour constater un droit réel immobilier ; une question préjudicielle à l'autorité judiciaire s'imposait ; en tout état de cause, le signataire des décisions attaquées n'avait pas reçu de délégation de signature régulière pour ce faire ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce vice peut utilement être invoqué ;
- les décisions litigieuses sont dépourvues de base légale ; en effet, les droits fondés en titre attachés aux ouvrages de plus de 150 kW n'ont pas d'existence perpétuelle mais ont expiré 75 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 16 octobre 1919 ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreur d'appréciation des faits, dès lors qu'aucun droit fondé en titre ne peut être attaché au Moulin d'En Haut de Chanteuges, son existence avant la Révolution française n'étant pas établie ; en effet, il n'est pas établi que le béal a été construit pour le seul usage de ce moulin ; en outre, aucune pièce ne démontre l'existence de ce moulin avant 1789, les pièces antérieures à cette date ne permettant pas de l'identifier avec précision ;
- le droit fondé en titre s'est perdu du fait que le moulin et le béal nécessitaient des travaux de reconstruction en raison de leur état de ruine ; par ailleurs le bâtiment du moulin a changé d'affectation ; en outre, le moulin d'En Haut a été transformé en 1978 en salle des ventes puis en hôtel-restaurant, perdant ainsi son affectation et sa turbine a été vendue en 1986 ;
- le préfet a illégalement regroupé les droits fondés en titre de deux moulins distincts ;
- la consistance du droit fondé en titre du moulin d'en-Haut retenu par les décisions litigieuses est erronée, incompatible avec les documents d'archives disponibles et les vestiges des ouvrages.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2022, la communauté de communes des Rives du Haut-Allier, représentée par la SELARL DMMJB, agissant par Me Juilles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les décisions contestées en première instance ne faisant pas grief, la requête est irrecevable ;
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt et d'une qualité à agir ;
- les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés.
Par un arrêt du 14 juin 2023, la cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants.
Par ordonnance du 15 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 juillet 2023.
II- Par une requête enregistrée le 29 juin 2022 sous le n° 22LY01972, et des mémoires enregistrés les 19 mars, 24 avril, 17 mai et 6 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... C..., M. et Mme A... et E... D..., l'association "Chanteuges préservation du patrimoine", l'association "SOS Loire vivante-ERN France", l'association "Allier sauvage", la fédération de pêche et de la protection du milieu aquatique de la Haute-Loire et l'association nationale pour la protection des eaux et rivières, représentés par Me Tête, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900087 du 28 avril 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Loire a autorisé la communauté de communes des rives du Haut-Allier à disposer de l'énergie de la rivière Desges au lieu-dit " Cambuse " pour une centrale hydroélectrique située sur le territoire de la commune de Chanteuges ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le préfet ne tient d'aucune disposition la compétence pour reconnaître le caractère fondé en titre d'un droit d'une consistance de plus de 150 kW ;
- l'arrêté attaqué, en ce qu'il vise simplement le bief dans les gabarits existants, est insuffisamment précis ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen déjà invoqué en première instance ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreur d'appréciation des faits, dès lors qu'aucun droit fondé en titre ne peut être attaché au Moulin d'En Haut de Chanteuges, son existence avant la Révolution française n'étant pas établie ; en effet, il n'est pas établi que le béal a été construit pour le seul usage de ce moulin ; en outre, aucune pièce ne démontre l'existence de ce moulin avant 1789, les pièces antérieures à cette date ne permettant pas de l'identifier avec précision ;
- le droit fondé en titre s'est perdu du fait que le moulin et le béal nécessitaient des travaux de reconstruction en raison de leur état de ruine ; par ailleurs le bâtiment du moulin a changé d'affectation ; en outre, le moulin d'En Haut a été transformé en 1978 en salle des ventes puis en hôtel-restaurant, perdant ainsi son affectation et sa turbine a été vendue en 1986 ;
- en ne constatant pas la ruine et le changement d'affectation de l'ouvrage, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le tribunal ne pouvait soulever d'office la question des droits d'arrosage sans inviter les parties à en débattre ;
Par des mémoires enregistrés le 21 mars, le 7 avril et le 30 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 7 avril 2023, la communauté de communes des Rives du Haut-Allier, représentée par la SELARL DMMJB Avocats, agissant par Me Juilles, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un arrêt du 14 juin 2023, la cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants.
Par ordonnance du 15 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Tête, pour les requérants, et celles de Me Juilles, pour la communauté de communes des Rives du Haut Allier ;
M. C... et autres ont produit, dans l'instance n° 22LY00957, une note en délibéré, présentée par Me Tête, qui a été enregistrée le 28 février 2024.
La communauté de communes des Rives du Haut Allier a produit, dans l'instance n° 22LY00957, une note en délibéré, présentée par Me Juilles, qui a été enregistrée le 8 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par des décisions du 28 octobre 2015 et du 10 mars 2016, le préfet de la Haute-Loire a reconnu un droit fondé en titre à l'usage de la force motrice de la Desges, attaché au " moulin d'En Haut ", situé sur le territoire de la commune de Chanteuges et en a déterminé la consistance légale, en fixant sa puissance maximale à 181 kW. Par arrêté du 15 novembre 2018, il a autorisé la communauté de communes des rives du Haut-Allier à exploiter le droit fondé en titre attaché à ce moulin avec une centrale micro-électrique et a défini le règlement d'eau applicable. M. C... et plusieurs autres personnes physiques et morales ont demandé l'annulation de ces décisions et de cet arrêté auprès du tribunal administratif de Clermont Ferrand. Certains d'entre eux relèvent appel des jugements des 19 janvier et 28 avril 2022 par lesquels le tribunal a rejeté ces demandes.
2. Les deux requêtes de M. C... et autres concernent les mêmes installations et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur la recevabilité des conclusions de première instance et d'appel :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande dirigée contre les décisions des 28 octobre 2015 et 10 mars 2016 et de la requête d'appel :
3. Aux termes du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ". Aux termes de l'article R. 214-18-1 du même code : " I. - Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre (...) sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / II. - Le préfet, au vu de ces éléments d'appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes : 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale (...) ; 2° Constater la perte du droit liée à la ruine ou au changement d'affectation de l'ouvrage ou de l'installation (...) et fixer, s'il y a lieu, les prescriptions de remise en état du site ; (...) 4° Fixer, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires (...) ". Aux termes de l'article L. 214-10 du même code, dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mars 2017 : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues à l'article L. 514-6 ". En vertu de ces dernières dispositions, ces décisions sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.
4. En premier lieu, alors même qu'elles ont pour objet la reconnaissance de l'existence et de la consistance d'un droit d'usage de l'eau, les décisions prises par le préfet sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 214-6 et de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, qui ont pour effet, le cas échéant, de permettre l'exploitation d'un installation sans qu'il soit nécessaire de solliciter la délivrance d'une autorisation, font grief et peuvent être contestées par tout tiers intéressé dans le cadre d'un recours de plein contentieux.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 514-3-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice de l'application des articles L. 515-27 et L. 553-4, les décisions mentionnées au I de l'article L. 514-6 et aux articles L. 211-6, L. 214-10 et L. 216-2 peuvent être déférées à la juridiction administrative : - par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions. Toutefois, si la mise en service de l'installation n'est pas intervenue six mois après la publication ou l'affichage de ces décisions, le délai de recours continue à courir jusqu'à l'expiration d'une période de six mois après cette mise en service (...) ".
6. Le droit de former un recours contre une décision est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue. Les voies selon lesquelles ce droit peut être exercé, ainsi que les délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, sont, à la différence des formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, des éléments constitutifs du droit dont il s'agit. Par suite, en cas de modification des textes, les voies de recours, ainsi que les délais de leur exercice continuent, à moins qu'une disposition expresse y fasse obstacle, à être régis par les textes en vigueur à la date à laquelle la décision susceptible d'être attaquée est intervenue. Les délais de recours ouverts contre les décisions des 28 octobre 2015 et 10 mars 2016 restent ainsi régis par l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement. En l'absence de mise en service de la centrale micro-électrique en projet, ils n'avaient pas expiré lorsque les requérants ont formé contre ces décisions des recours gracieux puis saisi le tribunal administratif. La fin de non-recevoir tirée par le préfet de la Haute-Loire, devant les premiers juges, de la tardiveté de la demande adressée au tribunal, ne peut dès lors être accueillie. Compte tenu des délais de recours applicables, l'administration ne pouvait pas soutenir utilement que cette demande n'avait pas été formée dans un délai raisonnable.
7. En troisième lieu, il n'est pas contesté que M. C... et les époux D... sont propriétaires de maisons d'habitation bâties sur des terrains jouxtant le canal d'amenée devant alimenter la micro-centrale électrique en projet, dit béal, et ils se prévalent de ce que la reconnaissance du droit fondé en titre soumet leurs fonds à des servitudes de passage pour l'entretien, et implique la possibilité de modifier l'écoulement de l'eau dans le béal. Par ailleurs, l'association "Chanteuges Préservation du Patrimoine" a pour objet de concourir à la protection et la valorisation du patrimoine naturel et historique de Chanteuges et de la qualité de vie de ses habitants. L'association nationale de protection des eaux et rivières et les associations "SOS Loire Vivante-ERN France" et "Allier Sauvage", ainsi que la fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques de la Haute-Loire ont pour objet la protection des rivières, et les deux premières bénéficient d'un agrément pour la protection de l'environnement. Elles se prévalent de risques que l'exploitation du droit fondé en titre revendiqué par la communauté de communes ferait peser sur la faune, et en particulier les saumons élevés et relâchés par le conservatoire national du saumon sauvage situé en aval. Elles justifient ainsi également d'un intérêt pour contester les décisions des 28 octobre 2015 et 10 mars 2016.
8. En quatrième lieu, il ressort des statuts des associations "Loire Vivante-ERN France", "Allier Sauvage", de l'association nationale pour la protection des eaux et rivières et de la fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques de la Haute-Loire que les présidents de ces personnes morales représentent celles-ci en justice ou dans les actes de la vie civile, sans que ces statuts ne réservent à d'autres instances la décision sur l'engagement d'actions en justice. Dès lors, les présidents de ces trois associations et de la fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques étaient légalement habilités pour les représenter, tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande dirigée contre l'arrêté du 15 novembre 2018 :
9. Contrairement à ce qu'a fait valoir le préfet de la Haute-Loire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, l'arrêté du 15 novembre 2018 ne se borne pas à confirmer l'existence et la consistance du droit fondé en titre associé au moulin d'En-Haut, ayant fait l'objet des décisions des 28 octobre 2015 et 10 mars 2016 qui ne sont au demeurant pas définitives. Cet arrêté fixe des prescriptions complémentaires. La fin de non-recevoir tirée par le préfet de la Haute-Loire de ce qu'il ne constituerait pas un acte faisant grief doit dès lors être écartée.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
10. Sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale les prises d'eau sur des cours d'eau non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux. Une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle à cette date. La preuve de cette existence matérielle peut être apportée par tout moyen.
11. Il ressort de l'expertise réalisée en 2015 par une généalogiste à la demande du syndicat économique des communautés de communes Allier-Seuge que les actes notariés relatifs aux cessions successives de la propriété du moulin d'En Haut permettent d'attester de son existence le 22 décembre 1830, date à laquelle il a été attribué dans le cadre de la succession F..., et immédiatement vendu, un deuxième moulin ayant été par ailleurs attribué à un autre héritier. Aucun acte antérieur ne fait toutefois expressément mention de l'existence du moulin d'En Haut, la déclaration de succession du père F..., établie en 1804, ne fournissant en particulier pas le détail de la consistance des biens du défunt. L'acte du 21 juillet 1777 portant cession à celui-ci d'une part héréditaire mentionne un moulin sans en indiquer la localisation précise. Alors que trois moulins subsistent aujourd'hui à Chanteuges, la carte de Cassini n'en fait figurer qu'un seul, dont la localisation imprécise ne permet pas d'établir qu'il s'agissait du moulin d'En Haut, ou de celui-ci et du moulin situé en amont sur le même canal de dérivation. Si un acte de vente de biens nationaux établi en 1791 mentionne le béal du moulin du sieur Dupuy, cet acte, postérieur à l'abolition des droit féodaux, ne saurait suffire à établir l'existence du moulin avant celle-ci. De même, si le rapport rédigé en 1943 par un ingénieur en chef du génie rural à l'occasion de l'étude d'un projet d'irrigation de la plaine de Chanteuges, indique que le barrage à l'entrée du béal qui alimente le moulin d'En Haut " non réglementé, [lui] semble fondé en titre ", cet avis, exprimé un siècle et demi après l'abolition des droit féodaux, n'est pas circonstancié. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si des moulins existaient à Chanteuges avant la Révolution, il n'est pas établi que le moulin d'En Haut était l'un d'entre eux. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leurs demandes dirigées contre les décisions reconnaissant le caractère fondé en titre du droit associé à ce moulin et fixant la consistance de ce droit, et l'arrêté portant règlement d'eau de la micro-centrale hydro-électrique dont la construction était projetée en vue d'exploiter ce droit.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la communauté de communes des Rives du Haut-Allie. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme globale de 3 000 euros aux requérants, en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1800312 et n° 1900087 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand des 19 janvier et 28 avril 2022, la décision du 28 octobre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Loire a reconnu l'existence d'un droit fondé en titre au " moulin d'En Haut " situé sur le territoire de la commune de Chanteuges, la décision du même préfet du 10 mars 2016 fixant la consistance de ce droit, les décisions implicites rejetant les recours gracieux des 11 et 16 novembre 2017 et l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Loire a autorisé la communauté de communes des rives du Haut-Allier à disposer de l'énergie de la rivière Desges au lieu-dit " Cambuse " pour une centrale hydroélectrique située sur le territoire de la commune de Chanteuges, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... et autres une somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté de communes des Rives du Haut Allier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., en sa qualité de représentant unique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la communauté de communes des Rives du Haut-Allier.
Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
Nos 22LY00957, 22LY01972