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07/03/2024 | FRANCE | N°23LY00138

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 07 mars 2024, 23LY00138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2205322 du 13 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requêt

e et des mémoires enregistrés les 12, 25 janvier et 10 février 2023, ce dernier non communiqué, M. C..., représenté par Me Coll...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205322 du 13 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12, 25 janvier et 10 février 2023, ce dernier non communiqué, M. C..., représenté par Me Collange, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 18 mai 2022 de la préfète de la Drôme ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'incompétence de son signataire, la délégation de signature accordée par le préfet ayant un caractère trop général et perpétuel ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que la composition de la commission du titre de séjour était irrégulière, le représentant désigné par le président de l'association des maires du département n'ayant pas été régulièrement désigné au titre de l'année 2021 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- et les observations de Me Collange, pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant sénégalais né le 3 janvier 1958, est entré pour la première fois en France, selon ses déclarations, en 1989. Le 7 septembre 2021, il a formé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour a été signé par Mme B... Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, titulaire d'une délégation de signature prise par arrêté de la préfète de la Drôme du 27 août 2021 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs et l'autorisant à signer tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture et de la fonction des services déconcentrés de l'État à l'exception des réquisitions de la force armée, des arrêtés de conflit et des déclinatoires de compétence. Cette délégation, qui n'avait pas à être limitée dans le temps, est suffisamment précise. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige n'est pas fondé et doit ainsi être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission du titre de séjour est composée : a) D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; b) De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, le préfet de police (...) ".

4. La composition de la commission départementale du titre de séjour, qui a entendu M. C... et a émis un avis défavorable le 7 décembre 2021 à la délivrance du titre de séjour sollicité par l'intéressé, a été fixée par un arrêté préfectoral du 16 novembre 2021, régulièrement publié le lendemain. Mme E... D... avait été désignée pour siéger au sein de cette commission par le président de l'association des maires et présidents de communautés du département de la Drôme par courrier du 23 octobre 2020. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que cette désignation doit intervenir chaque année. Ainsi, la préfète de la Drôme a pu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de l'association des maires du département avait désigné quelqu'un d'autre pour la remplacer en 2021, se fonder sur cette désignation pour arrêter la composition de la commission le 16 novembre 2021. Par suite, cette commission étant régulièrement composée, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (..). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

6. M. C... allègue être arrivé pour la première fois en France en 1989 alors qu'il était âgé de trente et un ans. Il ne produit toutefois aucune preuve de sa résidence en France avant l'année 2005. Il a en outre déclaré être entré pour la dernière fois en France en 2008. Il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 1er octobre 2010, puis de deux refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français et d'interdictions de retour sur le territoire français pendant des durées respectives de deux et trois ans les 24 décembre 2013 et 31 juillet 2018. A supposer même que les pièces qu'il produit permettent d'établir qu'il réside en France depuis l'année 2008, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français pendant toute cette période, sans exécuter les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. S'il dispose de quelques membres de sa famille en France, et notamment une sœur, une cousine et un neveu de nationalité française, sa femme et ses six enfants demeurent au Sénégal. Les déclarations d'impôt sur le revenu qu'il a produites démontrent que l'activité de vendeur ambulant qu'il allègue avoir exercé depuis de nombreuses années ne lui permet pas de tirer des revenus suffisants pour vivre en France. S'il a été embauché en contrat à durée déterminée en qualité d'ouvrier agricole en juin 2023 et justifie d'une promesse d'embauche, ces éléments sont postérieurs à la décision en litige. Dans ces conditions, malgré la durée de son séjour en France et ses efforts pour apprendre à lire et écrire la langue française, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. La préfète de la Drôme n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. En quatrième lieu, les circonstances dont M. C... se prévaut, rappelées au point précédent, ne suffisent pas à caractériser des circonstances particulières justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article, la préfète de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur les autres décisions :

8. Compte tenu de ce qui précède M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, ni l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00138

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00138
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : COLLANGE PAULINE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;23ly00138 ?
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