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07/03/2024 | FRANCE | N°22LY03786

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 mars 2024, 22LY03786


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) KGCOM a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2101449 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa d

emande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) KGCOM a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2101449 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 décembre 2022 et le 2 novembre 2023, la SASU KGCOM, représentée par Me Feschet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 octobre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'administration s'est abstenue de répondre à sa demande de communication des documents obtenus de tiers ;

- elle a mis en œuvre la procédure d'abus de droit rampant en la privant des garanties correspondantes ;

- l'administration ne présente aucune pièce justifiant que les sommes encaissées par la société Kovan Limited sur son compte bancaire devraient être considérées comme des bénéfices, sommes ou valeurs développées par elle-même ;

- les pénalités ne sont pas justifiées.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Feschet, pour la SASU KGCOM ;

Vu la note en délibéré présentée pour la SASU KGCOM, enregistrée le 15 février 2024 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU KGCOM, créée le 15 novembre 2011, dont M. A... est le gérant et l'associé unique, et qui exerce une activité de voyance par téléphone et internet, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014. Par deux propositions de rectification du 18 décembre 2015 et du 5 septembre 2016, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. La SASU KGCOM relève appel du jugement du 25 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, la société requérante reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales par l'administration fiscale qui ne lui aurait pas remis l'intégralité des pièces obtenues auprès de l'autorité judiciaire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal au point 3 de son jugement.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. / L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ".

4. La requérante soutient que l'administration n'a pu, sans faire usage de la procédure de répression des abus de droit prévue aux dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, estimer que la société Kovan Limited était une société fictive dont l'existence lui était inopposable. Toutefois, l'administration n'a pas entendu écarter l'existence de la société Kovan Limited, dont elle n'a pas notamment dénoncé l'absence d'activité, mais s'est bornée à constater, après exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ainsi qu'auprès des autorités lettones, que cette société avait perçu des revenus en lieu et place, de la SASU KGCOM, pour en déduire qu'ils devaient être réintégrés dans le chiffre d'affaires de cette société. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait entendu, implicitement mais nécessairement, réprimer un abus de droit. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière en raison de ce qu'il n'a pas été fait application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".

6. Il résulte de l'instruction que la comptabilité de la SASU KGCOM a été rejetée comme non probante dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de justifier de la totalité de ses écritures comptables, et notamment de présenter les justificatifs de ses charges, ce que la société ne conteste pas. Par suite, sa comptabilité doit être regardée comme comportant de graves irrégularités. Il résulte également de l'instruction que les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, et en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions pèse sur la société requérante.

7. Il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification du 18 décembre 2015 et du 5 septembre 2016 que, lors de l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires, puis auprès des autorités lettones, l'administration fiscale a eu connaissance du fait que M. A..., domicilié en France, avait créé, le 4 décembre 2008, la société Kovan Limited, dont le siège se situe à Hong-Kong, qu'il a déclaré exercer une activité de trading et consulting, qu'il disposait des pouvoirs d'administration de cette société, en vertu d'un " general power of attorney " le désignant, le 14 janvier 2009, qu'il était l'unique associé et le dirigeant de cette société et que cette société avait ouvert un compte bancaire auprès d'une banque lettone sur lequel M. A..., détenait une procuration. Enfin, l'administration a relevé qu'il ressortait des relevés du compte letton qu'au cours des années en litige, la société Kovan Limited avait reçu des virements provenant de clients de la société KGCOM, par l'intermédiaire notamment des sociétés Cyberservices et Newgora SAS, chargées de l'encaissement des paiements par carte bancaire pour le compte de la requérante. L'administration a déduit de l'ensemble de ces éléments d'une part, que le compte letton avait permis de percevoir une partie des revenus de la société KGCOM que cette dernière avait omis de déclarer, d'autre part, que M. A..., unique associé et gérant de la société KGCOM, faisait un usage de ce compte dont il avait la maîtrise totale, à titre personnel, notamment en retirant les sommes de ce compte aussitôt qu'elles étaient créditées. Compte tenu de ces éléments, en se bornant à faire valoir, sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations, que la société Kovan Limited pouvait elle-même développer les activités correspondant aux mouvements financiers sur le compte bancaire letton, la requérante n'établit ni que c'est à tort que l'administration a réintégré à ses résultats les sommes versées sur ce compte, ni le caractère exagéré des impositions supplémentaires en résultant.

Sur les pénalités :

8. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence de toute argumentation spécifique, que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être déchargée des pénalités assortissant les impositions en litige dont l'absence de bien-fondé n'est pas établie.

9. Il résulte de ce qui précède, que la SASU KGCOM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SASU KGCOM demande au titre de ses frais d'instance. Enfin, en l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ne peut qu'être également rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SASU KGCOM est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU KGCOM et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Burnichon, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La présidente-rapporteure,

P. DècheL'assesseure la plus ancienne,

C. Burnichon

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03786

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03786
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL FISCAVOC

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;22ly03786 ?
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