Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux demandes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 février 2022 par laquelle la préfète de la Loire a abrogé son certificat de résidence ainsi que les décisions du 23 mars 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par jugement n° 2203575, 2203576 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Royon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions susvisées ;
2°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte à 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les arrêtés édictés les 18 février et 23 mars 2022 sont insuffisamment motivés ;
- ils sont entachés d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- sa situation ne peut être régie par l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions méconnaissent l'article 7 ter de l'accord franco-algérien ;
- elles méconnaissent l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête de M. B... a été communiquée à la préfète de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Par un courrier du 26 janvier 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office, tiré de l'inapplicabilité aux ressortissants algériens des dispositions de l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que doivent leur être substituées les dispositions du 1°) de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 22 mars 1944, était titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, délivré sur le fondement de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et valable du 30 octobre 2015 au 29 octobre 2025. Par une première décision du 18 février 2022, la préfète de la Loire en a prononcé le retrait. Par un second arrêté du 23 mars 2022, se fondant sur ce retrait, la préfète de la Loire a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français, fixé le délai de départ volontaire et fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision du 18 février 2022 :
2. En premier lieu, la décision en litige vise les textes dont la préfète a fait application à la situation de M. B..., notamment l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise les motifs de fait relatifs à sa situation administrative et personnelle justifiant le retrait prononcé. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, si M. B... se prévaut des dispositions du 3°) de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles la commission du titre de séjour est saisie pour avis par l'autorité administrative lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 du même code, ces dernières dispositions visent le cas du retrait d'un titre de séjour à un étranger " qui n'entre pas dans les catégories mentionnées aux articles L. 631-2, L. 631-3 et L. 631-4 " et qui " a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. " La décision du 18 février 2022 n'ayant pas entendu mettre en œuvre ces dispositions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée sur sa situation.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien susvisé : " Le ressortissant algérien, qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention "retraité". Ce certificat lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il n'ouvre pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle ". Il résulte de ces stipulations que le certificat de résidence portant la mention "retraité", valable dix ans, dont peuvent bénéficier les ressortissants algériens est renouvelé de plein droit à l'étranger, sous réserve que la résidence habituelle de l'intéressé se situe toujours hors de France et que chacun des séjours qu'il a effectués en France sous le couvert de ce titre n'ait pas excédé une année. En outre, aux termes de l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration (...) ".
5. La situation de M. B... est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien. Il est constant que cet accord, à la date de la décision contestée, ne régit plus l'hypothèse du retrait des certificats de résidence délivrés aux ressortissants algériens. En se fondant sur l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour procéder au retrait du certificat de résidence de M. B... alors que ces dispositions ne s'appliquent pas expressément aux ressortissants algériens et ne visent pas le cas du retrait d'un certificat de résidence, la préfète de la Loire a méconnu le champ d'application de la loi. Par suite, la décision du 18 février 2022 de la préfète de la Loire prononçant le retrait du certificat de résidence de dix ans délivré à M. B... est entachée d'illégalité.
6. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui appliqué, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. Cette substitution de base légale n'est pour le juge qu'une simple faculté à laquelle il n'est pas tenu de procéder.
7. Aux termes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : (...) 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées. "
8. La décision en litige, qui met fin au certificat de résidence délivré à M. B..., constitue, contrairement à ce qu'a estimé la préfète de la Loire, une mesure d'abrogation et non une mesure de retrait de ce certificat. Les dispositions susvisées du 2°) de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration permettent de fonder une mesure d'abrogation d'un certificat de résidence d'un ressortissant algérien dès lors que celui-ci ne remplit plus les conditions de sa délivrance et doivent être substituées à celles de l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où M. B... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure d'abrogation et n'a ainsi été privé d'aucune garantie de procédure. En l'espèce, si, ainsi que le soutient M. B..., aucune fraude ne lui est opposée, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a revendiqué une adresse en France et a indiqué, dans sa réponse datée du 5 janvier 2022 au courrier de la préfecture de la Loire du 22 décembre 2021, entrer dans les prescriptions de l'article L. 426-10 du code précité visant le cas de l'étranger titulaire d'une carte de séjour portant la mention " retraité " " qui justifie de sa volonté de s'établir en France et d'y résider à titre principal ". Il a précisé vouloir s'établir " durablement en France " et remplir les conditions d'éligibilité de la carte de résident de dix ans visée aux dispositions de l'article L. 426-10. Au regard des précisions apportées par M. B... dans ce courrier, c'est à bon droit que la préfète de la Loire a estimé que M. B..., qui revendiquait une résidence principale en France, avait cessé de remplir les conditions prévues par l'article 7 ter précité. Par suite, la préfète de la Loire n'a ni entaché sa décision d'une erreur de droit ni davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a travaillé en France entre 1962 et 1982, qu'il est retourné en Algérie en 1983 pour s'y établir et qu'il a bénéficié depuis 2005 d'un certificat de résidence portant la mention " retraité " en indiquant maintenir sa résidence habituelle hors de France. M. B... ne fait état d'aucune attache privée ou familiale en France. Il conserve ainsi qu'il le soutient une maison dont il est propriétaire en Algérie. Par suite, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts pour lesquels elle a été prise. Doivent ainsi être écartés les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, lesquelles, en outre, ne constituaient pas le fondement de la demande de titre de séjour du requérant. Il en va de même et pour les mêmes motifs du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 mars 2022 :
10. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".
11. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles la préfète de la Loire s'est fondée pour ordonner l'éloignement de M. B... en lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours. Cet arrêté est dès lors suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. M. B... dirige les moyens tirés de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, de ce que sa situation ne peut être régie par l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des articles 7 ter et 6 5°) de l'accord franco-algérien également contre les décisions susvisées qui ne portent pas sur un refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, ces moyens soulevés sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance par l'arrêté en litige des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Burnichon, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2024.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
La présidente,
P. Dèche
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03367
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