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07/03/2024 | FRANCE | N°22LY01703

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 07 mars 2024, 22LY01703


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre au maire de Biviers de mettre fin à l'empiètement irrégulier d'une passerelle sur la parcelle cadastrée section AH n° 165, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de condamner la commune de Biviers à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette emprise irrégulière.



Par un jugement n° 1807815 du 31 mars 2022, le t

ribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et mis à la charge de M. B... une somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre au maire de Biviers de mettre fin à l'empiètement irrégulier d'une passerelle sur la parcelle cadastrée section AH n° 165, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de condamner la commune de Biviers à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette emprise irrégulière.

Par un jugement n° 1807815 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et mis à la charge de M. B... une somme de 800 euros à verser à la commune de Biviers, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 31 mai 2022, le 19 juin 2023 et le 5 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Bolleau (SELARL Altius avocats), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2022 ;

2°) d'enjoindre au maire de Biviers de mettre fin à l'empiètement irrégulier de la passerelle implantée sur la parcelle cadastrée section AH n° 165, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Biviers à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette emprise irrégulière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Biviers la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- le jugement attaqué est irrégulier, à défaut pour la minute d'être signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la passerelle litigieuse a été irrégulièrement implantée, sur une parcelle et au-dessus d'un cours d'eau appartenant aux colotis du lotissement des Evêquaux 1 ;

- cette emprise irrégulière ne peut être régularisée par l'arrêté du préfet de l'Isère du 5 juillet 2019, à défaut de procédure d'expropriation, ni par aucune autre décision ;

- aucun intérêt public ne fait obstacle à la démolition de la passerelle en cause ;

- cet ouvrage public irrégulièrement implanté lui a causé des préjudices, tenant à l'occupation irrégulière d'une propriété indivise et aux désagréments causés par la circulation le long de sa propriété, qui peuvent être évalués à 10 000 euros.

Par mémoires enregistrés le 31 mars 2023 et le 28 juillet 2023, la commune de Biviers, représentée par Me Fessler (SCP Fessler-Jorquera et associés), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- le requérant ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2023, par ordonnance du même jour.

Un mémoire a été produit pour M. B... le 21 septembre 2023 et n'a pas été communiqué.

Par courrier du 19 janvier 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. B..., celles-ci n'ayant pas été précédées d'une demande en ce sens auprès de l'autorité administrative, ni, dès lors, d'une décision permettant de lier le contentieux.

Un mémoire a été produit pour M. B... le 26 janvier 2024, en réponse à ce courrier.

Il expose que :

- les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices imputables à l'implantation irrégulière d'un ouvrage public sont recevables sans être précédées d'une demande indemnitaire préalable ;

- une telle demande a été présentée le 13 août 2018.

Un mémoire a été produit pour la commune de Biviers le 6 février 2024, en réponse à ce courrier.

Elle expose que la demande indemnitaire est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux et la passerelle ne pouvant être qualifiée d'ouvrage public.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ducros pour M. B... et celles de Me Fessler pour la commune de Biviers ;

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 13 août 2018, M. B..., propriétaire au sein du lotissement des Evêquaux 1 sur le territoire de la commune de Biviers, a sollicité l'intervention du maire afin que soit supprimée une passerelle enjambant le torrent du Piolet, longeant le lotissement, et, selon lui, irrégulièrement implantée sur la parcelle AH 165, qui constitue une des parcelles communes du lotissement. Le maire de Biviers ayant refusé de faire droit à cette demande, par décision du 10 octobre 2018, M. B... a saisi aux mêmes fins le tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté sa demande par un jugement du 31 mars 2022 dont il relève appel.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Contrairement à ce que prétend la commune de Biviers, en sa qualité de propriétaire au sein du lotissement des Evêquaux 1 et de propriétaire indivis de la parcelle AH 165, M. B... justifie d'une qualité lui donnant intérêt pour demander la démolition d'un ouvrage empiétant sur cette parcelle, indépendamment même de la réalité des préjudices dont il se prévaut et de la gestion de cette parcelle par une association syndicale.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la demande tendant à la démolition de la passerelle surplombant le torrent du Piolet :

3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

4. Il résulte de l'instruction que la passerelle en litige, installée à l'initiative de la commune de Biviers, surplombe le torrent du Piolet, reliant ainsi le lotissement du Serviantin à celui des Evêquaux 1. Il ne résulte d'aucun des plans versés au dossier qu'au droit de ce second lotissement, la berge du torrent serait exclue de la parcelle AH 165, laquelle constitue une des parcelles communes du lotissement, dédiée à un espace vert. Par ailleurs, si, par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet de l'Isère a transféré différents chemins de ce lotissement dans le domaine public de la commune de Biviers, la cour a, par un arrêt de ce jour, annulé cet arrêté. Par suite, la commune de Biviers ne peut soutenir que cet arrêté a eu pour effet de régulariser l'implantation de cette passerelle. M. B... est dès lors fondé à soutenir que cet ouvrage public a été irrégulièrement implanté sur une propriété privée.

5. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une nouvelle procédure de transfert de la parcelle AH 165 dans le domaine public, propre à régulariser cet ouvrage, soit susceptible d'aboutir. La commune de Biviers ne prétend pas avoir envisagé une autre procédure de régularisation.

6. Enfin, comme indiqué au point 4, la cour a, par un arrêt de ce jour, annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 5 juillet 2019 transférant différents chemins de ce lotissement, dont la parcelle AH 165, dans le domaine public de la commune de Biviers, en raison notamment de l'opposition des colotis à l'ouverture au public de cette parcelle. En conséquence, la commune de Biviers ne peut soutenir que cette passerelle permettrait d'assurer la continuité d'un cheminement ouvert aux piétons et aux cycles et de relier les différents secteurs de la commune situés de part et d'autre du torrent du Piolet. La commune de Biviers ne justifie ainsi d'aucun motif d'intérêt général faisant obstacle, eu égard à l'impératif de protection de la propriété privée, à la démolition de cet ouvrage, lequel empiète irrégulièrement sur la parcelle AH 165 et est de nature à générer une fréquentation publique de celle-ci à laquelle les colotis se sont opposés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à obtenir la démolition de la passerelle surplombant le torrent du Piolet et à demander que soit enjoint au maire de Biviers de procéder à cette démolition, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer d'astreinte.

En ce qui concerne la demande indemnitaire :

8. Aux termes du deuxième aliéna de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ".

9. Alors même qu'elles accompagnent des conclusions tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public, les conclusions indemnitaires présentées par M. B... devaient, en application des dispositions rappelées ci-dessus, être précédées d'une demande en ce sens auprès de l'autorité administrative. En se bornant à solliciter la démolition de la passerelle, en précisant qu'à défaut, la justice sera saisie pour obtenir " toute réparation des atteintes portées aux droits de propriétés des colotis ", le courrier du 13 août 2018 dont le requérant se prévaut ne comporte pas de telle demande indemnitaire. A défaut de décision administrative propre à lier le contentieux, ces conclusions sont, par suite, irrecevables.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Biviers. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros à verser à M. B..., en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au maire de Biviers de procéder à la démolition de la passerelle enjambant le torrent du Piolet entre les lotissements du Serviantin et celui des Evêquaux 1, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : La commune de Biviers versera une somme de 1 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Biviers.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY01703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01703
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ALTIUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;22ly01703 ?
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