Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois, renouvelable une fois, avec obligation de se présenter trois jours par semaine à la gendarmerie de Nantua, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2304226 du 13 juillet 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Delbes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler cet arrêté, et à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de délivrer une attestation de demandeur d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le premier juge n'a pas répondu sur les difficultés de notification de la décision de rejet de l'OFPRA ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation en l'absence de notification de la décision de rejet de l'OFPRA préalablement à son édiction ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 5 a) et b) de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant au risque de soustraction à la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- elle est insuffisamment motivée ;
- il n'existe pas de perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; il ne se cache pas, il répond aux convocations de la gendarmerie et il est en cours de procédure de réexamen de sa demande d'asile ;
- l'obligation de se présenter trois fois par semaine à la gendarmerie est disproportionnée ;
En ce qui concerne la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision de l'OFPRA du 11 avril 2023 ne lui a pas été notifié ;
- il présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile.
Un mémoire présenté par la préfète de l'Ain a été enregistré le 6 février 2024, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité russe et né le 23 décembre 1982, est entré sur le territoire français le 17 novembre 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 novembre 2020. Par un arrêté du 30 mars 2021, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du 17 décembre 2021, la préfète de l'Ain a refusé de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail et de sa vie privée et familiale présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a prononcé à son encontre une nouvelle interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans à compter de l'exécution de la mesure d'éloignement du 30 mars 2021. Le 9 novembre 2022, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 avril 2023. Enfin, par un arrêté du 23 mai 2023, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois, renouvelable une fois, avec obligation de se présenter trois jours par semaine à la gendarmerie de Nantua. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le premier juge, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments énoncés en première instance par le requérant, a répondu au point 4 de son jugement, de manière suffisamment circonstanciée, sur les difficultés de notification de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et sur leur absence d'incidence dès lors que le droit au maintien en France a pris fin à la date de prise de cette décision. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : (...) 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable (...) ".
4. En vertu de ces dispositions combinées, M. B..., dont la demande d'asile en réexamen a été instruite selon la procédure accélérée, n'avait plus de droit au maintien sur le territoire français à compter de la décision du 11 avril 2023 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande, ainsi qu'il ressort du relevé " TelemOfpra " produit par la préfète de l'Ain en première instance. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain pouvait, le 23 mai 2023, obliger le requérant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. B... ne séjourne sur le territoire français que depuis quatre ans et demi, alors qu'il a vécu trente-cinq années en Russie où il ne peut être dépourvu d'attaches personnelles. Il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Le requérant ne démontre pas que son épouse bénéficie d'un droit au séjour sur le territoire français, ni en tout état de cause qu'il ne pourrait bénéficier d'une vie familiale normale en Russie en raison de risques de persécution qu'il y encourrait. Il ne démontre pas que ses trois enfants inscrits en France en CM1 et en école maternelle ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Russie. M. B... n'allègue, ni n'établit être dépourvu de toute attache familiale en Russie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle du requérant, doivent être écartés.
7. D'autre part, les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ont été transposées en droit interne par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et son décret d'application du 8 juillet 2011. Ainsi, M. B... ne peut utilement invoquer l'article 5 a) et b) de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. En troisième et dernier lieu, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation dans l'application des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, et doivent être écartés pour ce motif.
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
10. M. B... n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français du 30 mars 2021 alors qu'il n'a demandé le réexamen de sa demande d'asile que le 9 novembre 2022. De plus, il n'a pas produit de document d'identité et de passeport. Ces circonstances suffisent à établir que le requérant présente un risque de se soustraire à la décision portant obligation de quitter le territoire français, quand bien même la préfète de l'Ain connaît son lieu de résidence et qu'il a répondu le 23 mai 2023 à la convocation de la gendarmerie pour délit de fuite. Le fait que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français soit rendue difficile par les relations actuelles entre la France et la Russie est sans incidence sur le risque de soustraction à cette exécution. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
11. En second lieu, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation dans l'application des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de la décision de refus de délai de départ volontaire, et doivent être écartés pour ce motif.
En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination est motivée en droit ainsi qu'en fait en mentionnant que dès lors que M. B..., qui a vu sa demande d'asile définitivement rejetée, ne démontre pas être menacé en cas de renvoi en Russie, ni ne produit d'élément faisant présumer qu'il y serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il y sera reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Les déclarations de M. B..., qui ne sont pas suffisamment précises et circonstanciées, ne permettent pas de démontrer la réalité des risques encourus en cas de retour en Russie. De plus, il n'apporte aucun justificatif à l'appui d'un harcèlement dont ferait l'objet sa mère par la police. En outre, la citation à comparaître du commissariat militaire ne présente pas de caractère probant en l'absence de précisions la concernant, et la convocation pour interrogatoire du 17 janvier 2022 indique que M. B... est seulement témoin et non accusé. Le certificat médical établi le 10 septembre 2019 par un médecin de l'association Médecine et Droit d'Asile retient seulement des troubles psychologiques de type autistique et ne fait que reprendre les déclarations de l'épouse du requérant, et celui établi par un hôpital en Russie fait état de blessures au niveau de la nuque, du visage, du dos et des membres inférieurs sans en indiquer l'origine. D'ailleurs, la demande d'asile de M. B... a été rejetée par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 29 mars 2019 et 11 avril 2023 et par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 novembre 2020. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
16. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
17. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est motivée en droit par le visa des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est également motivée en fait en retenant que si M. B..., qui demeure en France depuis environ quatre ans et demi, n'apparaît pas représenter de menace pour l'ordre public en dépit de son implication dans des faits de délit de fuite après un accident, il s'est en revanche soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et ne justifie pas de liens familiaux stables en France où son épouse et leurs enfants ne disposent pas d'un droit au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 732-4 du même code : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1° (...) de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée (...) ".
19. D'une part, la décision portant assignation à résidence est motivée en droit par le visa des articles L. 731-3 1° et L. 732-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est également motivée en fait en mentionnant que M. B... est l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, qu'il atteste résider sur la commune de Dortan, que la situation géopolitique actuelle rend peu vraisemblable l'exécution forcée de la mesure d'éloignement à bref délai, et qu'il sera assigné à résidence dans l'attente de l'exécution effective de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
20. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elles ne sauraient imposer à l'administration de démontrer l'existence d'une perspective raisonnable d'éloignement à la date de la décision, dès lors qu'elles permettent, notamment, l'assignation à résidence d'un étranger ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement dont un délai de départ volontaire n'a pas été accordé et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français et ce, jusqu'à ce qu'une perspective raisonnable d'éloignement apparaisse.
21. Il ressort des pièces du dossier que M. B... entre dans le champ d'application du 1° de l'article L. 731-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle un délai de départ volontaire n'a pas été accordé, et dont l'exécution est peu probable à bref délai en raison des relations entre la France et la Russie. En outre, la circonstance que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre de M. B... ne serait pas une perspective raisonnable en raison de ces relations, est sans incidence sur la légalité de l'assignation à résidence prononcée à son encontre sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, les circonstances que le requérant ne se cacherait pas, qu'il répond aux convocations de la gendarmerie et qu'il est en cours de procédure de réexamen de sa demande d'asile, ne relèvent pas des conditions du prononcé d'une assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en assignant à résidence M. B..., la préfète n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
22. En second lieu, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles (...) L. 731-3 (...) définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
23. Il revient au juge administratif de s'assurer que les obligations de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative sur le fondement de ces dispositions, sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.
24. Par l'arrêté attaqué, la préfète de l'Ain a obligé M. B... à se présenter les mardis, jeudis et samedis, avant midi, à la brigade de gendarmerie de Nantua pour faire constater qu'il respecte l'assignation à résidence dont il fait l'objet. Le requérant ne peut se prévaloir qu'il doit travailler de manière irrégulière pour subvenir aux besoins de sa famille, et en tout état de cause, il ne démontre pas pouvoir avoir un emploi. Par suite, la préfète de l'Ain n'a pas pris une mesure disproportionnée en lui imposant de se présenter trois jours par semaine à la gendarmerie.
Sur la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :
25. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 752-11 de ce code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. ".
26. M. B... ne peut se prévaloir à l'appui de ses conclusions en suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, en tout état de cause de la circonstance que la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 avril 2023 ne lui aurait pas été notifié préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement. En outre, il résulte du point 14 que M. B... ne présente pas en tout état de cause d'éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile.
27. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03241