Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 août 2023 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans l'arrondissement de Chambéry pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2305240 du 22 août 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Terrasson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 8 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie :
- de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, et de lui délivrer dans l'attente, sous quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ;
- de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle ne prend pas en compte deux des quatre critères prévus par ce texte.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 5 octobre 1997, est entré en France en juillet 2019. Il n'a jamais sollicité de titre de séjour. Par un arrêté du 8 août 2023, le préfet de la Savoie a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Chambéry (Savoie) pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 22 août 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. B... fait valoir que la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans son examen de la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français, de telles erreurs, à les supposer établies, relèvent du bien-fondé de sa décision et sont sans incidence sur sa régularité.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 4 du jugement attaqué.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
4. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En vertu de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
5. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
6. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
7. Le préfet de la Savoie, après avoir énoncé les éléments caractérisant la situation administrative de M. B..., s'est fondé, pour prendre à son encontre une interdiction de retour, sur les circonstances que l'intéressé se maintenait irrégulièrement sur le territoire français depuis l'expiration du délai de trois mois suivant son arrivée en juillet 2019 et qu'il ne justifie ni d'une vie privée et familiale ancrée dans la durée en France, son épouse également de nationalité albanaise, étant dépourvue de titre de séjour, ni d'une insertion sociale ou professionnelle particulière. Ce faisant, et alors qu'en l'absence de menace à l'ordre public et de précédente mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. B..., il n'était pas tenu d'en faire état expressément, le préfet de la Savoie, qui a également indiqué que l'intéressé ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière, doit être regardé comme ayant pris en compte l'ensemble des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour et de l'erreur de droit doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02944