La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/02/2024 | FRANCE | N°22LY03332

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 février 2024, 22LY03332


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui leur a été appliquée.



Par un jugement n° 2003832 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour
>

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Dias, demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui leur a été appliquée.

Par un jugement n° 2003832 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Dias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et la décharge de cette majoration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les remboursements de frais kilométriques effectués par C... ne peuvent être imposés sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts, en tant que rémunérations occultes dès lors que les sommes correspondantes ont été portées en comptabilité par la société en identifiant l'objet de la dépense et le bénéficiaire ;

- les remboursements de frais, qui correspondent à des déplacements professionnels de M. B... réalisés avec son véhicule personnel, ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise, qui applique un système de remboursement forfaitaire par zone géographique ;

- ce système de remboursement forfaitaire a été validé lors d'un précédent contrôle fiscal réalisé en 2014 qui n'a donné lieu à aucun rehaussement à ce titre, la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 garantissant désormais, dans un tel cas, l'opposabilité d'une telle prise de position de l'administration ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la tolérance en matière de frais de voyages et de représentation prévue par la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014 ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rectifications relatives aux frais de déplacement et aux dividendes non déclarées n'est pas justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dias, représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. C..., qui exerce une activité de grossiste en tabacs, et dont M. A... B... est l'associé à hauteur de 35 % et le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle le vérificateur a, notamment, remis en cause le caractère déductible de ses résultats imposables de frais des déplacements remboursés à son dirigeant. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. et Mme B..., outre des indemnités journalières de sécurité sociale, d'une part, ces remboursements de frais qu'elle a regardés comme des revenus distribués imposable entre les mains de M. B... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et, d'autre part, des dividendes non déclarés versés à l'intéressé en 2014 par C.... M. et Mme B... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015, assorties, s'agissant des rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la réduction de ces impositions et à la décharge de cette majoration.

Sur le bien-fondé des impositions établies sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. " Selon l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... n'ont pas contesté les rectifications qui leur ont été notifiées, selon la procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 6 juin 2017. Il leur appartient, dès lors, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des impositions mises à leur charge.

4. Il ressort des termes de la proposition de rectification adressée à M. et Mme B..., que l'administration, après avoir rappelé que des charges, d'un montant de 12 627 euros pour chacun des exercices clos en 2014 et 2015, comptabilisées mensuellement au débit du compte 66251000 " voyages et déplacements " sous le libellé " remb frais km A... ", avec pour contrepartie le crédit du compte courant d'associé de M. B... (45510000) en 2014 et du compte 46700100 " Remboursement frais A... " en 2015, avaient été réintégrées dans le résultat de C... au motif qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation, a considéré que ces sommes correspondaient à des avantages occultes imposables entre les mains de M. B... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.

5. Pour estimer que ces frais n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'exploitation, l'administration a relevé que les états de frais mensuels produits ne mentionnaient pas le motif des déplacements, que ces états étaient identiques chaque année, seules les dates étant modifiées, que les déplacements y figurant avaient été effectués dans des localités où C..., qui est le distributeur exclusif en France du tabac Al Fakher produit aux Emirats Arabes Unis, ne peut avoir ni clients, ni fournisseurs, que les factures d'entretien du véhicule Audi A7 utilisé par M. B... n'avaient pas été produites, que le droit de communication exercé auprès des garages en charge du contrôle technique et de l'entretien de ce véhicule a révélé un kilométrage parcouru de 14 638 kms entre le 13 avril et le 31 décembre 2015, inférieur à celui de 18 686 kms ressortant des états de frais, que C... possédait ou louait quatre véhicules de tourisme au cours des deux exercices et que les remboursements ont été effectués sur la base du barème kilométrique de 0,515 euros/km applicable en 2011. M. et Mme B..., qui se bornent à indiquer que C... pratique un remboursement forfaitaire des frais de déplacement par zone géographique, que le kilométrage retenu par le service sur la période d'avril à décembre 2015 ne recouvre qu'une partie de l'année, que M. B... a rencontré à l'étranger des distributeurs locaux pour des produits autres que le tabac Al Fakher et qu'il a participé à la foire internationale du tabac à Dortmund, n'apportent ainsi aucune justification probante de nature à établir, ainsi qu'il leur incombe, le caractère professionnel des frais en litige.

6. Il est constant que le versement des indemnités kilométriques en cause a été comptabilisé par C... comme un remboursement de frais professionnels. Une telle comptabilisation, alors que ces sommes ne correspondent pas à des déplacements professionnels effectués par M. B..., mais à des dépenses personnelles de l'intéressé, ne répond pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature, telle qu'elle résulte des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts. Par suite, la prise en charge de ces frais par C... constitue un avantage occulte taxable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du c. de l'article 111 du même code.

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

8. M. et Mme B... font valoir que, lors d'une précédente vérification de comptabilité, qui porté sur la période 2011-2013, l'administration n'a pas remis en cause le caractère déductible des remboursements de frais effectués par C... à son dirigeant selon le même mécanisme forfaitaire. Toutefois, cette absence de rehaussement, non motivée, ne constitue pas une prise de position formelle sur leur situation de fait opposable à l'administration sur le fondement des dispositions précitées.

9. M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer le 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, issu du I de l'article 9 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, aux termes duquel : " Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification. ", dès lors que le II de l'article 9 de la loi du 10 août 2018 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019, ce qui ne correspond pas à la situation de C....

10. M. et Mme B... ne sont pas davantage fondés à se prévaloir des énonciations du paragraphe 50 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, dans le champ desquelles la SARL Massis Export Export Europe n'entre pas puisque, de leur lettre même, ces énonciations concernent la déduction des frais de voyage exposés par des chefs d'entreprise dont seul le montant n'est pas justifié par des documents formant preuve certaine mais dont le caractère professionnel est établi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur les majorations appliquées aux distributions occultes et aux dividendes :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. L'administration appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rectifications opérées au titre des avantages occultes consentis par C..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts et des dividendes, non déclarés, versés par la société à M. B....

13. L'administration fait valoir, s'agissant des dividendes non déclarés, que M. B..., qui est le représentant légal de C..., participe à ce titre aux assemblées générales décidant des distributions de dividendes, signe les procès-verbaux de ces assemblées et a signé la liasse fiscale déposée par la société mentionnant ces distributions, ne pouvait ignorer avoir bénéficié de dividendes. Elle indique, s'agissant des avantages occultes, que M. B..., en cette même qualité, ne pouvait ignorer que les frais qui lui étaient remboursés étaient injustifiés ou non engagés dans l'intérêt de la société et relève le caractère systématique et l'importance des prélèvements ainsi opérés. Par ces éléments, elle établit, ainsi qu'il lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'intention délibérée des requérants d'éluder l'impôt et par conséquent, le bien-fondé de la pénalité de 40 % appliquée.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03332


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award