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29/02/2024 | FRANCE | N°22LY03328

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 février 2024, 22LY03328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Massis Import Export Europe a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 28 février 2017.



Par un jugement n° 2003831, 2104475 du 29 septembre 2022, le tribuna

l administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.





Procédure devant la cour



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Massis Import Export Europe a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 28 février 2017.

Par un jugement n° 2003831, 2104475 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 19 octobre 2023, la SARL Massis Import Export Europe, représentée par Me Dias, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont infondés dès lors que l'administration a antérieurement pris position sur sa situation de fait au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales en ne procédant pas à ces rappels au titre de la période 2011-2013, ainsi que le rappelle la doctrine administrative référencée BOI-SJ-RES-10-10-20-20120912 n° 320 et 330 et le confirme l'intention du législateur qui a modifié en ce sens l'article L. 80 A par la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance ;

- l'imprécision et l'absence d'intelligibilité de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts méconnaissent la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté d'entreprise garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les frais engagés lors du mariage du fils du gérant ont été exposés dans l'intérêt de la société, qui a invité un certain nombre de ses fournisseurs et distributeurs, si bien que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses est déductible.

Par un mémoire, enregistré le 6 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2023.

Par lettre du 22 janvier 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement contesté, en ce que le tribunal administratif de Grenoble a omis de prononcer, dans le dispositif du jugement, le non-lieu à statuer partiel résultant du dégrèvement de 1 332 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 mai 2017, prononcé par l'administration le 15 septembre 2021, postérieurement à l'introduction de la requête de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'ordonnance n° 58-1067 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dias, représentant la SARL Massis Import Export Europe ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Massis Import Export Europe, qui exerce une activité de grossiste en tabacs, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, puis d'un examen de comptabilité au titre de cet impôt, portantp sur la période du 1er janvier au 31 mai 2017. A l'issue de ces contrôles, elle a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 28 février 2017, à raison de la soumission des ventes de tabacs qu'elle a réalisées à la taxe sur la valeur ajoutée et de la remise en cause du caractère déductible de la taxe ayant grevé certaines de ses dépenses. La SARL Massis Import Export Europe relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, ses demandes tendant à la décharge de ces rappels.

Sur la régularité du jugement et l'étendue du litige :

2. Par décision du 15 septembre 2021, postérieure à l'enregistrement de la demande de première instance, l'administration a prononcé le dégrèvement d'une fraction des droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SARL Massis Import Export Europe au titre de la période du 1er janvier au 28 février 2017, à concurrence de 1 332 euros. Dans ces conditions, la demande en décharge présentée par cette société était, dans cette mesure, devenue sans objet. Faute d'avoir constaté, dans son dispositif, le non-lieu à statuer correspondant, le jugement du tribunal administratif de Grenoble est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour, statuant par la voie de l'évocation, de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en décharge présentée par la SARL Massis Import Export Europe devant le tribunal administratif à concurrence de 1 332 euros.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

4. Aux termes de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun, sous réserve des dispositions ci-après. / II. - Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux ventes dans les départements de France métropolitaine de tabacs manufacturés est celui qui est prévu à l'article 575 C. / La taxe est assise sur le prix de vente au détail, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. / Elle est acquittée par le fournisseur dans le même délai que le droit de consommation. ".

5. Il résulte de ces dispositions que la société Massis Import Export est légalement redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison de ses opérations de vente à des détaillants des tabacs manufacturés qu'elle importe, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.

6. En se bornant à faire état, en termes généraux, de l'imprécision et de l'inintelligibilité des dispositions de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts, la SARL Massis Import Export Europe ne justifie d'aucune atteinte portée par ces dispositions à la liberté d'entreprise garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et au droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors, au demeurant, que la taxe sur la valeur ajoutée, qui est supportée par le consommateur, ne constitue pas, pour elle, une charge fiscale.

7. Le moyen tiré de ce que l'insuffisante intelligibilité de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts méconnaîtrait la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut être soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable.

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

9. La SARL Massis Import Export Europe fait valoir que, lors d'une précédente vérification de comptabilité, qui porté sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période 2011-2013, l'administration n'a pas remis en cause l'absence de soumission de ses opérations de ventes de tabac à cette taxe. Toutefois, cette absence de rectification, non motivée, ne constitue pas une prise de position formelle sur sa situation de fait opposable à l'administration sur le fondement des dispositions précitées.

10. Si la société requérante invoque les paragraphes 320 et 330 de la documentation administrative référencée BOI-SJ-RES-10-10-20 du 12 septembre 2012, ceux-ci ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

11. La SARL Massis Import Export ne peut utilement se prévaloir du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, issu du I de l'article 9 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, aux termes duquel " Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification ", dès lors que le II de l'article 9 de la loi du 10 août 2018 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019, ce qui ne correspond pas à sa situation.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

12. Le moyen tiré de ce que l'administration a remis en cause, à tort, le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses afférentes au mariage du fils du dirigeant de la SARL Massis Import Exporte Europe, énoncé dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 13 et 14 du jugement attaqué.

13. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur de 1 332 euros et que, sous réserve du dégrèvement prononcé, la SARL Massis Import Export Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 septembre 2022 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer partiel à concurrence de la somme de 1 332 euros.

Article 2 : A concurrence de 1 332 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SARL Massis Import Export Europe tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Massis Import Export Europe est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Massis Import Export Europe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY03328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03328
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Absence.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET BEYLOUNI, CARBASSE, GUENY, VALOT, VERNET (AARPI)

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22ly03328 ?
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