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28/02/2024 | FRANCE | N°20LY00675

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 février 2024, 20LY00675


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'Association Allier Sauvage, l'Association SOS Loire Vivante - European Rivers Network France, le Collectif Nivernais pour une Agriculture Durable, le Groupement des Agrobiologistes de la Nièvre, l'Association Loire Vivante - Nièvre Allier Cher, l'Association les amis du Val d'Allier et l'Association pour la Protection du Confluent de la Loire et de l'Allier et de ses environs, ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision de la préfète de la Nièvre du 18 avril 2

019 autorisant l'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) de Mauboux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association Allier Sauvage, l'Association SOS Loire Vivante - European Rivers Network France, le Collectif Nivernais pour une Agriculture Durable, le Groupement des Agrobiologistes de la Nièvre, l'Association Loire Vivante - Nièvre Allier Cher, l'Association les amis du Val d'Allier et l'Association pour la Protection du Confluent de la Loire et de l'Allier et de ses environs, ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision de la préfète de la Nièvre du 18 avril 2019 autorisant l'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) de Mauboux à retourner 54,89 hectares de prairies en culture sur le territoire de la commune de Livry, ensemble la décision par laquelle ladite préfète a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 24 mai 2019 ; d'enjoindre à cette autorité d'effectuer tout contrôle nécessaire au maintien des parcelles concernées en l'état, quitte à ordonner à l'exploitant de remettre en état les parcelles sur lesquelles des travaux ont déjà été effectués, et à défaut pour lui de justifier de l'exécution du jugement dans un délai d'une semaine à compter de sa notification, de prononcer une astreinte d'un montant de 1 000 euros par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement aura reçu exécution et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902205 du 17 février 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 octobre 2021 et 20 janvier 2022, l'Association Allier Sauvage, l'Association SOS Loire Vivante - European Rivers Network France, le Collectif Nivernais pour une Agriculture Durable, le Groupement des Agrobiologistes de la Nièvre, l'Association Loire Vivante - Nièvre Allier Cher, l'Association les amis du Val d'Allier et l'Association pour la Protection du Confluent de la Loire et de l'Allier et de ses environs, représentés par Me Lepage (SAS Huglo Lepage Avocats), demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision de la préfète de la Nièvre du 18 avril 2019 autorisant l'EARL de Mauboux à retourner 54,89 hectares de prairies en culture sur le territoire de la commune de Livry, ensemble la décision par laquelle ladite préfète a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 24 mai 2019 ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la question suivante : " Au sens de l'article 43, paragraphe 11 du règlement UE n° 1307/2013, le fait de bénéficier d'un certificat agriculture biologique délivré conformément à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 834/2007 (qui permet de plein droit de bénéficier du paiement vert), permet-il en outre d'être exempté de l'obligation fixée à l'article 45 de ce même règlement au titre duquel " les agriculteurs ne convertissent ni ne labourent les prairies permanentes dans les zones Natura 2000 " ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, en raison de l'insuffisance de sa motivation sur la réponse au moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation des incidences Natura 2000 du projet litigieux ;

- l'évaluation des incidences Natura 2000 du projet est insuffisante ;

- l'autorisation accordée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 414-4 VI. du code de l'environnement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de prise en compte des objectifs de préservation du site Natura 2000 " Val d'Allier Bourbonnais " et du site Natura 2000 " Val d'Allier Bourguignon " ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de prise en compte des ZNIEFF de type 1 " Val d'Allier du Pont des Lorrains au pont du Veurdre " et de type 2 " Val d'Allier de Tresnay à Fourchambault " ;

- elle méconnaît l'interdiction de retourner des prairies permanentes sensibles en culture prévue par l'article 45 du règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 ;

- la demande présentée sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne peut être accueillie, car la décision attaquée n'est pas une " autorisation environnementale " au sens de ces dispositions ; en tout état de cause, l'illégalité n'est pas régularisable.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 décembre 2021, l'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) de Mauboux, représentée par Me Weinkopf, conclut, dans le dernier état de ses conclusions, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la cour surseoie à statuer dans l'attente de la régularisation de la décision litigieuse, et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- il y a lieu de faire application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet aux écritures de la préfète de la Nièvre présentées devant les premiers juges.

Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Begel, représentant l'association Allier Sauvage et autres, et celles de Me Weinkopf, représentant l'EARL de Mauboux.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 avril 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 26 avril 2019, la préfète de la Nièvre a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de Mauboux une autorisation de retournement de 54,89 hectares de prairies en culture, sur les parcelles 0A01, 0A021, 0A022, 0A024, 0A025, 0A026, 0A030, 0A35 et 0A12, situées sur le territoire de la commune de Livry au sein de trois zones Natura 2000, et a assorti cette autorisation de mesures de réduction et d'évitement. Par lettre du 24 mai 2019, reçue par son destinataire le 27 mai 2019, l'association Allier Sauvage a formé un recours gracieux contre cet arrêté préfectoral, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement n° 1902205 du 17 février 2020 dont les associations requérantes relèvent appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur requête tendant notamment à l'annulation de ces décisions.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant les premiers juges :

2. En premier lieu, une requête collective présentée par au moins un demandeur justifiant d'un intérêt pour agir contre un acte administratif est recevable. Il résulte de l'article 2 de ses statuts que l'association Allier Sauvage a pour objet d'assurer " la protection des sites, de la faune, de la flore l'équilibre économique et écologique de la Vallée de l'Allier et plus globalement, du bassin de la Loire, la préservation et la mise en valeur de la rivière Allier et de ses abords comme milieu naturel, à la fois sauvage et agricole (...) ", ce qui lui donne intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté en litige. Selon l'article 12 de ces mêmes statuts, son président, qui a introduit le présent recours, a qualité pour la représenter en justice.

3. En second lieu, en raison du rejet implicite du recours gracieux de l'association Allier Sauvage, son recours contentieux, enregistré le 29 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif de Dijon, n'était pas tardif.

4. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées devant les premiers juges par la préfète de la Nièvre, et tirées de ce que plusieurs des associations requérantes ne disposeraient pas d'un intérêt pour agir, ne justifieraient de la qualité de leurs dirigeants pour les représenter et n'auraient pas formé de recours gracieux dans le délai du recours contentieux ne peuvent qu'être écartées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral :

5. Aux termes de l'article L. 414-1 du code de l'environnement : " (...) V. - Les sites Natura 2000 font l'objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l'objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. (...) ". Aux termes de l'article L. 414-4 du même code : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux (...). / IV. - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que toute manifestation ou intervention qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et fait alors l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Sans préjudice de l'application du IV bis, une liste locale des (...) projets (...) concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente (...) / IV bis. - Tout (...) projet (...) susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative (...). / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout (...) projet (...) si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 (...). "

6. Les dispositions citées au point précédent transposent en droit français celles de l'article 6 de la directive n° 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive " Habitats ") et de son article 7, qui en étend l'application aux sites désignés par l'article 4 de la directive n° 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, remplacée par la directive n° 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive " Oiseaux "). Il résulte de ces dispositions, éclairées par l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne aux dispositions de la directive européenne qu'elles transposent, que l'autorisation d'un projet entrant dans leur champ d'application ne peut être accordée qu'à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés tous les aspects dudit projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d'autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, aient acquis la certitude qu'il est dépourvu d'effets préjudiciables sur les objectifs de conservation du site.

7. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 2013-185-0006 du 4 juillet 2013 du préfet de la Nièvre fixant la liste prévue au IV de l'article L. 414-4 du code de l'environnement des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions ne relevant pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration et devant faire l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 : " La liste prévue au IV de l'article L.414-4 du code de l'environnement des documents de planification, programmes, projets, manifestations et interventions soumis à l'évaluation des incidences Natura 2000 dans le département de la Nièvre est présentée ci-dessous. / (...) 4) Le retournement de prairies permanentes ou temporaires de plus de cinq ans ou de landes hors l'entretien nécessaire au maintien de la prairie ou de la lande pour la partie de la réalisation prévue à l'intérieur d'un site Natura 2000 de vallées alluviales (10, 11, 12, 13, 14, ZPS 3, ZPS 4, ZPS 10, ZPS 13) ".

8. Aux termes de l'article R. 414-23 du code de l'environnement : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi (...), par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire (...). / Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I.- Le dossier comprend dans tous les cas :/ 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; / 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le (...) projet (...) est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du (...) projet (...) de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. / II. - Dans l'hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d'être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que le (...) projet, (...) peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés (...) sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites (...) ".

9. Le projet de l'EARL de Mauboux porte sur le retournement de prairies permanentes qui n'avaient pas fait l'objet d'un tel retournement depuis plus de cinq ans, et qui sont situées à l'intérieur de trois sites Natura 2000 de vallées alluviales, " Vallées de la Loire et de l'Allier entre Mornay-sur-Allier et Neuvy-sur-Loire " (site de la directive Oiseaux, zone de protection spéciale), " Val d'Allier Bourbonnais " (site de la directive Oiseaux, zone de protection spéciale) et " Val d'Allier Bourguignon " (site de la directive Habitats, site d'intérêt communautaire). En application des dispositions citées aux points précédents, ce projet doit ainsi comporter une évaluation de ses incidences sur ces sites.

10. A l'appui de sa demande, la pétitionnaire a rempli un formulaire simplifié d'évaluation des incidences Natura 2000 du projet, établi d'après un document type fourni par la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté. Ce document décrit le projet, en indiquant notamment qu'il s'inscrit dans " une démarche d'agriculture durable ", en précisant les techniques agricoles devant être utilisées, en mentionnant que les différentes variétés de cultures envisagées feront l'objet d'une rotation sur des périodes de cinq à dix ans, en faisant état de la présence d'un atelier d'élevage, composé de " jeunes bêtes de race Aubrac réparties par lot sur l'exploitation, race légère et peu énergivore afin de limiter les dégradations " ainsi que des aménagements prévus, résultant en particulier de la conservation, de la restauration et de l'implantation de haies composées d'espèces locales.

11. Toutefois, les documents cartographiques joints au formulaire de demande sont insuffisamment précis pour permettre d'apprécier la localisation des espaces des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés par le projet. En outre, alors que le secteur comporte plusieurs espèces animales protégées, et que l'arrêté litigieux précise que " les parcelles de l'exploitation font partie de l'habitat de plusieurs espèces d'oiseaux d'intérêt communautaire, ayant justifié la désignation des zones de protection spéciale " Vallées de la Loire et de l'Allier entre Mornay-sur-Allier et Neuvy-sur-Loire " et " Val d'Allier Bourbonnais ", en leur servant de lieu d'alimentation et de reproduction ", ledit formulaire ne mentionne la présence d'aucune espèce animale, à l'exception de la Cistude d'Europe, en méconnaissance des principes découlant des dispositions relevées au point 6. Enfin, et surtout, si la conclusion dudit formulaire, titrée " Incidence du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ", indique que le retournement des parcelles n'est pas susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation des trois sites Natura 2000, la pétitionnaire n'a procédé à aucune analyse des effets temporaires ou permanents directs ou indirects que le projet peut avoir sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces ayant justifié la désignation de ces sites, alors que le secteur présente un grand intérêt sur le plan environnemental.

12. En raison des imprécisions, omissions et approximations mentionnées au point précédent et sans que puissent y faire obstacle ni la part très faible que représenteraient, selon le bénéficiaire, les surfaces concernées au regard de la totalité des espaces faisant l'objet d'une protection, ni l'exploitation des parcelles concernées en agriculture biologique, ni en dernier lieu les mesures d'évitement et de réduction prévues, l'autorisation a été délivrée sur la base d'une " évaluation des incidences Natura 2000 " insuffisante au regard des prescriptions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement. Eu égard à cette insuffisance, la préfète de la Nièvre ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 414-4 VI. du même code, délivrer l'autorisation sollicitée.

13. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ni sur la régularité du jugement attaqué, ni encore de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, l'Association Allier Sauvage est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

14. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

15. Dès lors que la décision litigieuse ne peut être regardée comme une " autorisation environnementale " au sens des dispositions précitées du code de l'environnement, lesquelles sont limitativement définies à l'article L. 181-1 du même code, la demande de l'EARL de Mauboux tendant à l'application des dispositions précitées de l'article L. 181-18 ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Les dispositions citées au point précédent s'opposent à ce que soit mise à la charge des associations requérantes une quelconque somme au titre des frais engagés par l'EARL de Mauboux à l'occasion de la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'Association Allier Sauvage sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 février 2020, la décision de la préfète de la Nièvre du 18 avril 2019 autorisant l'EARL de Mauboux à retourner 54,89 hectares de prairies en culture sur le territoire de la commune de Livry, et la décision par laquelle ladite préfète a implicitement rejeté le recours gracieux formé le 24 mai 2019 par l'Association Allier Sauvage sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'Association Allier Sauvage une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'EARL de Mauboux sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Allier Sauvage, à l'Association SOS Loire Vivante - European Rivers Network France, au Collectif Nivernais pour une Agriculture Durable, au Groupement des Agrobiologistes de la Nièvre, à l'Association Loire Vivante - Nièvre Allier Cher, à l'Association les amis du Val d'Allier, à l'Association pour la Protection du Confluent de la Loire et de l'Allier et de ses environs, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au préfet de la Nièvre et à l'EARL de Mauboux.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.

Le président rapporteur,

Jean-Yves TallecLa première assesseure

Emilie Felmy

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00675
Date de la décision : 28/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-04 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE AVOCATS SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-28;20ly00675 ?
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