Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2207913 du 17 janvier 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Guérault, demande à la cour :
1°) l'annulation de ce jugement et de l'arrêté ci-dessus ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, jusqu'au réexamen de son droit au séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'ordonner à titre principal à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de résident de dix ans et, à titre subsidiaire, une carte de séjour temporaire d'un an " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, et dans l'attente, de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à charge de l'État au profit de son conseil la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait ;
- en refusant de régulariser sa situation alors même qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les dispositions de l'article L. 611-3 alinéa 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le traitement de sa maladie ne peut se poursuivre qu'en France ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de Mme A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République du Congo (RC) née en 1957 à Brazzaville est entrée en France régulièrement le 29 février 2020 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 5 mai 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixation du pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
3. Mme A... indique être veuve, atteinte du VIH, en avoir pris connaissance en octobre 2020 pour ensuite être prise en charge médicalement sur le territoire, que ses deux filles françaises s'occupent d'elle, l'une d'entre elles assurant son hébergement, qu'un de ses fils réside régulièrement en France et qu'elle possède de nombreuses autres attaches personnelles et familiales sur le territoire où elle a fixé le centre de ses intérêts depuis son arrivée. Elle a toutefois vécu près de soixante-cinq ans au Congo Brazzaville, s'y étant maintenue après le décès de son époux survenu en 1999, et son fils aîné y réside toujours, sans que rien ne permette de dire qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine et qu'elle ne pourrait y recevoir d'autre soutien que celui que lui apportent notamment ses filles. Par ailleurs, il n'apparaît pas que, avant sa venue en France, elle aurait déjà été à la charge de parents français et que la pension de retraite qu'elle perçoit, supérieure au salaire minimum dans son pays d'origine, ne serait pas suffisante pour y vivre. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que sa situation personnelle, et plus particulièrement son état de santé, serait telle que son maintien auprès de ses proches en France s'imposerait. Et plus spécialement, et en admettant même que le traitement médical antirétroviral dont elle bénéficie en France pour traiter son affection ne serait pas, en tant que tel, disponible en République du Congo, les pièces qu'elle a produites, qu'il s'agisse du certificat émanant d'un praticien hospitalier au sein du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Edouard Herriot ou de documents d'ordre plus général sur la situation sanitaire en République du Congo au regard notamment du VIH, ne suffisent pas à justifier de ce qu'elle ne pourrait quand même pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Dans ces conditions, aucune atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ne saurait être retenue. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui vient d'être dit que, faute de mentionner explicitement dans son arrêté le diagnostic du VIH dont l'intéressée a fait l'objet à son arrivée en France ainsi que le protocole de soins mis en place, et alors même qu'elle a ultérieurement demandé un titre de séjour " étranger malade ", le préfet, qui a précisé dans cet arrêté qu'elle n'établissait pas entrer dans une des catégories d'étrangers pouvant être éloignée en vertu de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait commis une erreur de fait et que, dans l'appréciation plus générale de sa situation, et en ne privilégiant pas les particularités liées aux circonstances dans lesquelles sa maladie a été découverte et prise en charge et à la présence en France de nombreux membres de sa famille, il aurait commis une erreur manifeste.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessité une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en violation de cette disposition.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseur,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY01388 2
al