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15/02/2024 | FRANCE | N°22LY00841

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 15 février 2024, 22LY00841


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 septembre et 4 octobre 2022 ainsi que les 16 janvier et 3 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière, représentée par Me Deldique, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant

l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-en-Rivière, ensemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 21 septembre et 4 octobre 2022 ainsi que les 16 janvier et 3 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière, représentée par Me Deldique, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-en-Rivière, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 23 janvier 2022 ;

2°) d'ordonner au préfet de Saône-et-Loire, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation au stade de la phase d'enquête publique, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet est composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison, d'une puissance cumulée comprise entre 12 MW et 16.8 MW ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur qui ne justifie d'aucune délégation ;

- l'autorité environnementale n'a pas été saisie en vertu de l'article R. 181-19 du code de l'environnement, privant l'exploitante d'une garantie ; le préfet a substitué à l'avis de l'autorité environnementale celui de son service biodiversité, prévu par aucun texte, s'étant cru lié par celui-ci ; il y a eu violation de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, faute pour l'administration de lui avoir demandé de compléter son dossier sur les points jugés insuffisants ; les observations, notamment d'ordre factuel, présentées au titre de l'article R. 181-40 du code de l'environnement n'ont pas été prises en compte ; le préfet n'a pas tenu compte de certaines des mesures d'évitement et de réduction proposées ; ces omissions ont privé l'exposante de garanties et eu une influence évidente sur le sens de la décision ;

- un vice de procédure tenant à une méconnaissance de l'article R. 181-16 du code de l'environnement a été commis faute d'invitation à compléter ou régulariser le dossier par le dépôt d'un dossier de demande de dérogation " espèces protégées " ;

- l'appréciation du projet quant à son impact sur la biodiversité est manifestement erronée ; après mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction, les impacts résiduels du projet sur la biodiversité seront " négligeables à faibles " ; la Zone d'implantation Prévue (ZIP) ne correspond pas à l'emprise réelle du projet ; c'est du fait de la découverte d'une zone humide que le projet finalement présenté n'est constitué que de quatre éoliennes, dont trois en zone agricole, et une en lisière du boisement ; la ZPS " Prairies alluviales et milieux associés de Saône-et-Loire " se trouve à un kilomètres trois cents de la première éolienne ; les milieux qui composent le site - agricole et forestier - ne relèvent pas de ceux qui ont justifié le classement en ZPS et ZNIEFF de type I " Plaine et Val-de-Saône entre Chalon-sur-Saône et Verdun-sur-le-Doubs ", en zone inondable ; le site se trouve à plus de cinq kilomètres de la Saône, et en dehors des zones inondables ; le milieu forestier, selon l'ONF, actuellement utilisé à fin de sylviculture, ne présente ni " valeur patrimoniale particulière " ni " habitats, flore ou faune à haute valeur environnementale " ; le défrichement, très réduit et compensé, ne concerne que l'éolienne E4 ; la présence même d'espèces protégées sur le site ne saurait suffire à justifier un refus ; certaines n'ont été observées que rarement, épisodiquement ou en passage ; les busards sont peu sensibles à l'éolien, volant à moins de trente mètres du sol ; la grue cendrée et la cigogne noire ne sont pas davantage vulnérables, volant à grande hauteur ; seules les pipistrelles communes et de Kûhl, peu sensibles à l'éolien et dont le degré de patrimonialité est faible, sont relativement abondantes à proximité de la seule éolienne E1 ; après application des mesures de réduction, l'étude d'impact conclut que, compte tenu des mesures ERC, le projet éolien est compatible avec les enjeux écologiques du secteur et n'induira pas " de risque significatif de mortalité ou de perturbations de nature à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques et le maintien en bon état de conservation des populations locales des différentes espèces faunistiques et floristiques protégées ou non " ; l'administration n'a pas pris en compte les mesures d'évitement et réduction (rehaussement de la garde au sol à soixante et un mètres sept cents, espacement des éoliennes d'au moins trois-cent--quatre-vingt mètres en bout de pâle, protocole d'éloignement des lisières, bridage chiroptérologique et avifaunistique ...) ; si les mesures de bridage et d'éloignement ne permettent pas d'éliminer tout risque, objectif demeurant impossible, elles les limitent considérablement ; le choix de hauteur de la garde au sol a précisément pour objet de protéger les espèces qui volent à basse altitude ; des mesure de compensation ont été proposées ; l'administration aurait dû analyser plus en détail l'efficacité de ces mesures et demander d'en justifier, voire en imposer ;

- les motifs d'urbanisme sont infondés ; aucune atteinte n'est portée à la sauvegarde des espaces naturels ; l'autorisation environnementale ne figure pas au nombre des actes dont la compatibilité avec le SCoT est exigée par les articles L. 142-1 et R. 142-1 du code de l'urbanisme ; le site d'implantation, peu affecté, ne présente pas un intérêt écologique majeur et le projet intègre la démarche " Eviter-Réduire-Compenser ".

Par des mémoires enregistrés les 27 juin 2022 et 16 janvier 2023, l'association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône, représentée par Me Monamy, est intervenue à l'appui du mémoire en défense de l'administration et conclut aux mêmes fins que cette dernière.

Elle soutient que, compte tenu de son objet, elle a intérêt à intervenir et s'associe aux moyens de l'administration.

Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la compétence du signataire de l'acte est justifiée ;

- le service en charge de l'examen de la demande d'autorisation ayant constaté que l'autorisation environnementale ne pouvait être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, le rejet de la demande en phase d'examen préalable a pu légalement être décidé, sans que l'autorité environnementale ne soit préalablement saisie pour avis ;

- rien ne permet de considérer qu'il se serait cru lié par l'avis défavorable émis le 26 mai 2021 par le service Biodiversité Eau Patrimoine de la DREAL ;

- la demande d'autorisation environnementale a été rejetée sur le fondement du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, et non principalement du 1° du même article ; il a pris en compte les observations et mesures de réduction susceptibles d'être prises ;

- les dispositions de l'article R. 181-40 du code de l'environnement, qui se rattachent à la " phase de décision ", ne peuvent utilement être invoquées ;

- concernant l'avifaune, trois des quatre éoliennes du projet sont situées sur des zonages à enjeux qualifiés de moyens, l'éolienne E2 est située à environ deux cents mètres d'un zonage à enjeu fort, l'éolienne E4 est située en forêt avec notamment destruction d'une partie de l'habitat potentiel de reproduction et d'alimentation du Busard Cendré et du Busard Saint Martin ; après mise en œuvre des mesures d'évitement et de réduction, l'étude d'impact écologique du dossier indique que le projet présente des impacts significatifs ; pour les chiroptères, l'éolienne E4 se trouve en forêt, a minima dans une zone à enjeux moyens ; les mesures d'évitement et de réduction, notamment de bridage, qui ne tiennent en particulier pas compte de la présence de différentes espèces de chauve-souris ou d'oiseaux ou ne sont pas justifiées, sont insuffisantes ; les mesures de compensation ne sont pas davantage justifiées ; le niveau d'impact est sous-estimé ;

- les motifs de rejet au titre de l'urbanisme sont justifiés ; en particulier, l'autorisation environnementale ne peut être délivrée si le projet d'installation classée n'est pas compatible avec les dispositions d'un SCoT, dont le document d'orientation et d'objectifs définit " les modalités de protection des espaces nécessaires au maintien de la biodiversité et à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques et de la ressource en eau " ;

- il appartiendrait le cas échéant à la société exploitante de demander une dérogation " espèces protégées ".

Par une ordonnance du 18 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- les observations de Me Sauret, substituant Me Deldique, pour la société Green Engie Saint-Maurice-en-Rivière, ainsi que celles de Me Monamy, pour l'association de protection et mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 24 septembre 2021, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté la demande de la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, composée de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison, sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-en-Rivière. Cette société demande l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 23 janvier 2022.

Sur l'intérêt à intervenir :

2. L'association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône dont les statuts prévoient, en leur article 2, qu'elle a " pour objet, sur le territoire de la communauté de communes Saône Doubs Bresse créée au 1er janvier 2014 ", à laquelle appartient la commune de Saint-Maurice-en-Rivière, " la protection de l'environnement, des paysages et du patrimoine culturel contre toutes les atteintes qui pourraient leur être portées, notamment par l'implantation d'éoliennes et des équipements qui leur sont liés ", justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Son intervention en défense doit donc être admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. II.- (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ". Aux termes de l'article L. 181-4 de ce code : " Les projets soumis à autorisation environnementale en application de l'article L. 181-1 restent soumis, sous réserve des dispositions du présent titre : 1° Aux dispositions du titre Ier du livre II pour les projets relevant du 1° de l'article L. 181-1 ou du titre Ier du livre V pour ceux relevant du 2° du même article ; 2° Aux législations spécifiques aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments dont l'autorisation environnementale tient lieu lorsqu'ils sont exigés et qui sont énumérés par l'article L. 181-2, ainsi que, le cas échéant, aux autres dispositions législatives et réglementaires particulières qui les régissent. "

4. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) V. - Lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation déposée est transmis pour avis à l'autorité environnementale (...). L'avis de l'autorité environnementale fait l'objet d'une réponse écrite de la part du maître d'ouvrage. (...) ". Selon l'article R. 122-2 du même code et le point 1 de son annexe, les parcs éoliens relevant de l'autorisation sous la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées sont soumis à évaluation environnementale. Aux termes de l'article R.122-7 de ce code : " I. - L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation du projet transmet pour avis le dossier comprenant l'étude d'impact et le dossier de demande d'autorisation aux autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1. (...). II. - L'autorité environnementale se prononce dans les deux mois suivant la date de réception du dossier mentionné au premier alinéa du I. L'avis de l'autorité environnementale, dès son adoption, ou l'information relative à l'absence d'observations émises dans le délai, est mis en ligne sur internet. (...) L'autorité compétente transmet, dès sa réception, les avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 au maître d'ouvrage. Les avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises dans le délai est joint au dossier d'enquête publique ou de la procédure équivalente de consultation du public prévue par un texte particulier. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : 1° Une phase d'examen ; 2° Une phase de consultation du public ; 3° Une phase de décision. Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-16 de ce code : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. Toutefois, lorsque le dossier est déposé par voie de la téléprocédure prévue au troisième alinéa de l'article R. 181-12, l'accusé de réception est immédiatement délivré par voie électronique. (...). Le délai d'examen peut (...) être suspendu par le préfet dans l'attente de la réception de la réponse à l'avis de l'autorité environnementale prévue au dernier alinéa du V de l'article L. 122-1. Les délais laissés aux autorités, organismes et personnes consultés dans cette phase d'examen sont alors également suspendus dans cet intervalle. ". Aux termes de l'article R. 181-17 de ce code : " La phase d'examen de la demande d'autorisation environnementale prévue par le 1° de l'article L. 181-9 a une durée qui est soit celle indiquée par le certificat de projet lorsqu'un certificat comportant un calendrier d'instruction a été délivré et accepté par le pétitionnaire, soit de quatre mois à compter de la date de l'accusé de réception du dossier. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-19 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet soumis à évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1, le préfet transmet le dossier à l'autorité environnementale dans les quarante-cinq jours suivant l'accusé de réception de la demande (...). ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (...) ".

6. Pour rejeter en phase d'examen la demande d'autorisation présentée par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière le préfet de Saône-et-Loire, après avoir relevé l'existence d'enjeux forts relatifs à la biodiversité, une insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation envisagées, et une sous-estimation du niveau d'impact résiduel, a estimé que, faute pour le projet d'assurer la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de respecter, s'agissant tout spécialement de la protection de la nature, le plan local d'urbanisme (PLU) de Saint-Maurice-en-Rivière comme le SCoT du Chalônnais, l'autorisation ne pouvait être accordée sans méconnaître les articles L. 181-3 et L. 181-4 du code de l'environnement.

7. Si selon les dispositions du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, sur le fondement desquelles a été pris l'arrêté contesté, le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale lorsque l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables, il apparaît ici que, en se prononçant sur l'existence ou la nature des dangers ou inconvénients que le projet entrainerait pour l'environnement et sur le caractère suffisant des mesures prises afin de les éviter ou de les supprimer, il s'est livré à une appréciation des faits de l'espèce. Le préfet ne saurait donc être regardé, dans de telles circonstances, comme s'étant trouvé en situation de compétence liée pour opposer un refus.

8. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 181-19 du code de l'environnement que le préfet devait recueillir l'avis de l'autorité environnementale sur le projet éolien de la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière, un délai de deux mois à compter de sa saisine lui étant imparti pour se prononcer. Il apparaît en l'espèce que, comme le reconnait le ministre, le préfet n'a pas saisi pour avis cette autorité. Ainsi, et comme le soutient utilement la société requérante, l'arrêté contesté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il apparaît qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. Afin d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et d'éclairer le public mais aussi l'exploitant et l'autorité décisionnaire, l'autorité environnementale est chargée d'analyser les informations fournies dans la demande d'autorisation, en particulier l'étude d'impact. En l'espèce, faute de consultation de cette autorité, le préfet s'est a priori privé de l'examen du projet de la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière par une entité compétente et jouissant normalement d'une autonomie réelle, que ne saurait suppléer l'intervention de l'inspection des installations classées, mais aussi de toute possibilité de prendre ultérieurement en compte, dans son appréciation, l'avis réputé objectif que cette entité aurait éventuellement rendu. Dans ce contexte, et alors que les dispositions précitées de l'article L. 181-9 du code de l'environnement permettent au préfet de rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état, l'absence irrégulière de consultation de l'autorité environnementale et l'impossibilité dans laquelle a été placée cette dernière de l'examiner, voire de se prononcer dessus ont pu, compte tenu du rôle assigné à cette autorité, et eu égard spécialement à la nature des insuffisances relevées dans le dossier de la société exploitante, exercer une influence sur l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration et donc, nécessairement, sur le sens de la décision finalement prise.

11. La société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière est dès lors fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 24 septembre 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Il y a lieu, en conséquence, et par application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'ordonner au préfet de Saône-et-Loire de reprendre, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, l'instruction de la demande d'autorisation présentée par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière au stade de la phase d'examen prévue à l'article L. 181-9 du code de l'environnement.

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière d'une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE

Article 1er : L'intervention de l'association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône est admise.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 24 septembre 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière sont annulés.

Article 3 : Il est fait injonction au préfet de Saône-et-Loire de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation présentée par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière dans les conditions prévues ci-dessus.

Article 4 : L'État versera à la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le président, rapporteur,

V-M. Picard

La présidente assesseur,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00841

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00841
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DE L'ADMINISTRATION - DEMANDE D'AUTORISATION D'EXPLOITATION D'UN PROJET ÉOLIEN - REFUS FONDÉ SUR LE 3° DE L'ARTICLE R - 181-34 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - 1) COMPÉTENCE LIÉE DU PRÉFET POUR OPPOSER UNE TELLE DÉCISION - ABSENCE EN L'ESPÈCE (1) - 2) VICE TIRÉ DU DÉFAUT DE SAISINE POUR AVIS DE L'AUTORITÉ ENVIRONNEMENTALE - MOYEN EN L'ESPÈCE FONDÉ.

01-05-01 1) le caractère suffisant des mesures prises pour les éviter ou les supprimer, il porte une appréciation sur les faits de l'espèce et ne se trouve donc pas en situation de compétence liée. ......2) Compte tenu du rôle assigné à l'autorité environnementale, qui est d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et d'éclairer le public mais également l'autorité décisionnaire et l'exploitant sur les informations fournies par ce dernier, en particulier l'étude d'impact, le préfet, en ne consultant pas cette autorité en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 181-19 du code de l'environnement, s'est a priori privé de l'examen du projet par une entité compétente et jouissant en principe d'une autonomie réelle par rapport à lui mais aussi de toute possibilité de prendre ultérieurement en compte, dans son appréciation, l'avis réputé objectif que cette entité aurait éventuellement rendu. Dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité, utilement invoquée par la société exploitante, a privé cette dernière d'une garantie et pu exercer une influence sur l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet et donc sur le sens de la décision finalement opposée.

ENERGIE - DEMANDE D'AUTORISATION D'EXPLOITATION D'UN PROJET ÉOLIEN - REFUS FONDÉ SUR LE 3° DE L'ARTICLE R - 181-34 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - 1) COMPÉTENCE LIÉE DU PRÉFET POUR OPPOSER UNE TELLE DÉCISION - ABSENCE EN L'ESPÈCE (1) - 2) VICE TIRÉ DU DÉFAUT DE SAISINE POUR AVIS DE L'AUTORITÉ ENVIRONNEMENTALE - MOYEN EN L'ESPÈCE FONDÉ.

29-035 1) Lorsque, pour opposer un refus à une demande d'autorisation sur le fondement du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, le préfet se prononce sur l'existence ou la nature des dangers ou inconvénients que le projet entrainerait pour l'environnement et sur le caractère suffisant des mesures prises pour les éviter ou les supprimer, il porte une appréciation sur les faits de l'espèce et ne se trouve donc pas en situation de compétence liée. ......2) Compte tenu du rôle assigné à l'autorité environnementale, qui est d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et d'éclairer le public mais également l'autorité décisionnaire et l'exploitant sur les informations fournies par ce dernier, en particulier l'étude d'impact, le préfet, en ne consultant pas cette autorité en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 181-19 du code de l'environnement, s'est a priori privé de l'examen du projet par une entité compétente et jouissant en principe d'une autonomie réelle par rapport à lui mais aussi de toute possibilité de prendre ultérieurement en compte, dans son appréciation, l'avis réputé objectif que cette entité aurait éventuellement rendu. Dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité, utilement invoquée par la société exploitante, a privé cette dernière d'une garantie et pu exercer une influence sur l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet et donc sur le sens de la décision finalement opposée.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÉGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PRÉFET - DEMANDE D'AUTORISATION D'EXPLOITATION D'UN PROJET ÉOLIEN - REFUS FONDÉ SUR LE 3° DE L'ARTICLE R - 181-34 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - 1) COMPÉTENCE LIÉE DU PRÉFET POUR OPPOSER UNE TELLE DÉCISION - ABSENCE EN L'ESPÈCE (1) - 2) VICE TIRÉ DU DÉFAUT DE SAISINE POUR AVIS DE L'AUTORITÉ ENVIRONNEMENTALE - MOYEN EN L'ESPÈCE FONDÉ.

44-02-02-01 1) Lorsque, pour opposer un refus à une demande d'autorisation sur le fondement du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, le préfet se prononce sur l'existence ou la nature des dangers ou inconvénients que le projet entrainerait pour l'environnement et sur le caractère suffisant des mesures prises pour les éviter ou les supprimer, il porte une appréciation sur les faits de l'espèce et ne se trouve donc pas en situation de compétence liée. ......2) Compte tenu du rôle assigné à l'autorité environnementale, qui est d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et d'éclairer le public mais également l'autorité décisionnaire et l'exploitant sur les informations fournies par ce dernier, en particulier l'étude d'impact, le préfet, en ne consultant pas cette autorité en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 181-19 du code de l'environnement, s'est a priori privé de l'examen du projet par une entité compétente et jouissant en principe d'une autonomie réelle par rapport à lui mais aussi de toute possibilité de prendre ultérieurement en compte, dans son appréciation, l'avis réputé objectif que cette entité aurait éventuellement rendu. Dans les circonstances de l'espèce, cette irrégularité, utilement invoquée par la société exploitante, a privé cette dernière d'une garantie et pu exercer une influence sur l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet et donc sur le sens de la décision finalement opposée.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22ly00841 ?
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