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13/02/2024 | FRANCE | N°23LY03243

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 février 2024, 23LY03243


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par un jugement n° 1504933 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne à verser à M. B... A..., dans un délai de deux mois, son demi-traitement pour la période du 4 mai 2012 au 7 juillet 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, ainsi que la somme de 59 400 euros bruts avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2013. Il a en outre enjoint au centre national de gestion des praticiens hospital

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1504933 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne à verser à M. B... A..., dans un délai de deux mois, son demi-traitement pour la période du 4 mai 2012 au 7 juillet 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, ainsi que la somme de 59 400 euros bruts avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2013. Il a en outre enjoint au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière de procéder, dans un délai de deux mois, à la reconstitution de la carrière de M. A..., y compris au titre de ses droits à la retraite. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B... A....

Par un arrêt n° 18LY02940 du 20 octobre 2020, la cour a rejeté l'appel formé par le centre hospitalier Lucien Hussel contre ce jugement du 7 juin 2018 et l'appel incident formé par M. A.... Cet arrêt a en outre mis à la charge du centre hospitalier le versement à M. A... d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure d'exécution devant la cour

Par un courrier enregistré le 25 juillet 2023 sous le n° EDJA 23-51 et un courrier enregistré le 17 octobre 2023, M. B... A..., représenté par la SAS TW et Associés, agissant par Me Werquin, a demandé à la cour d'assurer l'exécution du jugement n° 1504933 du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018.

Par un courrier enregistré le 2 octobre 2023, le centre hospitalier Lucien Hussel a fait valoir que le jugement était entièrement exécuté.

Par une ordonnance du 19 octobre 2023, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle pour qu'il soit statué sur la demande d'exécution de M. A....

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 novembre et le 22 décembre 2023, le centre hospitalier Lucien Hussel, représenté par SELARL Brocheton Avocats, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la demande d'exécution et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement du 7 juin 2018 a été entièrement exécuté ;

- les conclusions indemnitaires ont trait à un litige distinct de celui tranché par le jugement dont l'exécution est demandée.

Par des mémoires enregistrés le 5 décembre 2023 et le 5 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par la SAS TW et Associés, agissant par Me Werquin, demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel à lui payer au titre du solde de sa créance résultant du jugement, la somme de 92 567,37 euros, sans préjudice du dégrèvement à intervenir sur l'imposition appliquée ;

2°) de condamner ledit centre hospitalier à verser les cotisations réellement dues directement aux organismes concernés et en justifier ;

3°) de prescrire la restitution de la somme de 1 359,06 euros au titre du trop versé aux services fiscaux ;

4°) d'imposer le paiement de ces sommes sous une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par le retard d'exécution du jugement ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- au 30 juin 2023, sa créance s'élevait à 92 567,37 euros, le centre hospitalier n'ayant réglé ni la somme due au titre des demi-traitements, soit 42 781 euros, ni les intérêts légaux y afférents à compter du 2 mai 2012, ni les intérêts légaux à compter du 7 juillet 2013, afférents à la somme versée au titre de l'indemnisation du solde du compte épargne-temps, ni les intérêts moratoires au taux majoré dus sur le fondement de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier deux mois après le jugement rendu ; compte tenu du versement de 39 807,30 euros reçu en cours d'instance, restaient dus les sommes de 3 022,27 euros au titre des demi-traitements, 21 570,90 euros au titre des intérêts dus sur l'indemnisation du compte épargne-temps, 26 586,51 euros d'intérêts sur la somme due au titre des demi-traitements, et 4 311,18 euros, 119,17 euros et 59,59 euros d'intérêts sur les sommes dues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- le centre hospitalier ne produit pas d'élément justifiant du paiement des cotisations sociales sur les sommes versées, alors que sa pension de retraite n'a pas augmenté ;

- le centre hospitalier lui a appliqué un prélèvement à la source d'impôt sur le revenu au taux de 44,4 % alors que le taux maximal était de 43 %, et doit lui restituer à ce titre 1 359,06 euros ; il a commis une faute dans la déclaration de ses revenus ;

- le préjudice moral qu'il a subi du fait du retard d'exécution du jugement doit être chiffré à 5 000 euros.

Par ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code monétaire et financier ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Brocheton, avocat, pour le centre hospitalier Lucien Hussel ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., praticien hospitalier à temps plein en gynécologie-obstétrique employé par le centre hospitalier Lucien Hussel à Vienne, a été placé à compter du 4 mai 2009 en congé de longue durée. Suite à l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 novembre 2014, de la décision du 2 mai 2012 l'ayant placé en disponibilité d'office à compter du 5 mai 2012, il a été maintenu en congé de longue durée jusqu'à son admission à la retraite à compter du 7 juillet 2013. Par un jugement du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier de Vienne à verser à M. B... A..., son demi-traitement pour la période du 4 mai 2012 au 7 juillet 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, ainsi que la somme de 59 400 euros bruts avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2013 en indemnisation du solde de son compte épargne-temps. Il a en outre enjoint au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière de procéder, dans un délai de deux mois, à la reconstitution de la carrière de M. A..., y compris au titre de ses droits à la retraite. Enfin, il a mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt du 20 octobre 2020, la cour a rejeté l'appel du centre hospitalier Lucien Hussel contre ce jugement ainsi que l'appel incident de M. A... et mis à la charge du centre hospitalier le versement à M. A... d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... demande à la cour d'assurer l'exécution du jugement du 7 juin 2018 ainsi confirmé.

Sur l'exécution du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes de l'article R. 921-2 du code de justice administrative : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel. / La demande d'exécution d'un arrêt rendu par une cour administrative d'appel est adressée à celle-ci. (...) ".

3. En vue d'exécuter le jugement du 7 juin 2018, le centre hospitalier Lucien Hussel a procédé à trois virements. Le premier, d'un montant de 53 549,62 euros, a été crédité le 31 août 2021 au sous-compte ouvert pour cette affaire par le conseil de M. A... auprès de la caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) de Lyon, et le deuxième, d'un montant de 1 040,95 euros, a été crédité au même sous-compte le 9 septembre 2021. Sur ordre du centre hospitalier, le comptable public a émis le 30 août 2021 un troisième virement, d'un montant de 39 807,30 euros, mais faute de références complètes, ce règlement n'a pu être attribué par la CARPA, et ce montant n'a été crédité au sous-compte de l'affaire que le 27 octobre 2023, suite aux diligences de l'avocat du centre hospitalier auprès de la caisse, ayant permis à cette dernière d'identifier enfin le sous-compte destinataire de ce paiement. Le centre hospitalier a ainsi versé à M. A... la somme totale de 94 397,87 euros.

En ce qui concerne le paiement du principal des sommes allouées au titre des demi-traitements pour la période du 4 mai 2012 au 7 juillet 2013 et de l'indemnisation du solde du compte épargne-temps :

4. Il résulte de l'instruction que le virement d'un montant de 53 549,62 euros correspondait au principal des sommes dues par le centre hospitalier en vertu du jugement, au titre, d'une part, de demi-traitements et d'autre part, de l'indemnisation du solde du compte épargne-temps de M. A..., après déduction de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale, des cotisations sociales et de la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu. M. A... ne conteste pas le calcul des contributions et cotisations sociales ainsi retenues. S'il soutient que la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu aurait été pratiquée à un taux supérieur au taux de 43 % prévu par l'article 204 H du code général des impôts, eu égard au montant total des revenus perçus, il résulte de l'instruction que ce taux de prélèvement a été effectivement appliqué compte tenu du caractère non déductible de l'assiette de l'impôt d'une fraction de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale. Par suite, et alors au demeurant que M. A... pourrait saisir l'administration fiscale en vue de bénéficier des modalités particulières d'imposition prévues par les dispositions de l'article 163-0-A en faveur des revenus différés, le jugement du 7 juin 2018 a été exécuté sur ce point.

En ce qui concerne le paiement du principal des sommes allouées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il résulte de l'instruction que le virement de 39 807,30 euros mentionné ci-dessus avait notamment pour objet, à concurrence de 3 200 euros, le règlement des sommes de 1 200 et de 2 000 euros allouées par le tribunal administratif de Grenoble et par la cour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le jugement et l'arrêt de la cour ont par suite été exécutés sur ce point.

En ce qui concerne le paiement des intérêts sur les sommes allouées :

6. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier : " Le taux de l'intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du même code : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le virement de 39 807,30 euros mentionné ci-dessus avait notamment pour objet, à concurrence de 36 607,30 euros, le règlement des intérêts dus sur les sommes allouées jusqu'au 15 juillet 2021. Par ailleurs, la somme de 1 040,95 euros couvrait les intérêts complémentaires produits par les mêmes sommes postérieurement au 15 juillet 2021. Le centre hospitalier a ainsi versé à M. A... au titre des intérêts une somme totale de 37 648,25 euros.

8. M. A..., qui réclame notamment les intérêts dus jusqu'en octobre 2023 sur les sommes allouées au titre des demi-traitements et du solde de son compte épargne temps, sommes qui lui ont été versées en 2021, ne discute toutefois pas utilement le calcul des intérêts qui lui ont été versés par le centre hospitalier.

En ce qui concerne le versement des cotisations sociales :

9. Le bulletin de paie délivré à M. A... par le centre hospitalier Lucien Hussel pour le mois de septembre 2021 mentionne le versement des cotisations sociales sur la rémunération brute de 110 927,55 euros, incluant les demi-traitements et la somme allouée au titre du solde du compte épargne temps. M. A..., qui se borne à soutenir que le montant de sa pension de retraite serait resté inchangé, sans en justifier, ne produit aucun élément de nature à mettre en doute le caractère effectif du versement de ces cotisations sociales. Le jugement est dès lors exécuté sur ce point.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. M. A... demande en outre la condamnation du centre hospitalier Lucien Hussel à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime lui avoir été causé par le retard d'exécution du jugement du 7 juin 2018. Toutefois, ces conclusions soulèvent un litige distinct, qui ne se rapporte pas à l'exécution de ce jugement, et dont il n'appartient pas à la cour de connaître dans le cadre de la présente instance.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de M. A... aux fins de condamnation et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que le centre hospitalier présente sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La demande d'exécution présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Lucien Hussel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier Lucien Hussel.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03243
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : TUDELA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23ly03243 ?
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