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08/02/2024 | FRANCE | N°23LY02078

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 08 février 2024, 23LY02078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé, chacun, au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 10 et 13 février 2023 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2301219 - 2301223 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a reje

té leurs demandes.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 21 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé, chacun, au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 10 et 13 février 2023 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2301219 - 2301223 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Huard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés des 10 et 13 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour et à défaut de réexaminer leur demande dans un délai d'un mois et dans l'attente leur délivrer sous huitaine une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme B... soutiennent que les arrêtés attaqués méconnaissent l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'intérêt supérieur de leur enfant malade.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants serbes, nés en 1981 et 1984, sont entrés en France, le 26 janvier 2022, accompagnés de leurs trois enfants nés en 2007, 2008 et 2015. Le bénéfice d'une protection au titre de l'asile leur a été refusé par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 juillet 2022, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 18 octobre 2022. Le 15 juin 2022, M. et Mme B... ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de l'état de santé de leur dernier enfant, né en 2015. Par deux arrêtés des 10 et 13 février 2023, le préfet de l'Isère a refusé de de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les demandes d'annulation de ces arrêtés, les a rejetées par un jugement du 7 avril 2023. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. [...] / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / [...] / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il ressort des arrêtés attaqués que le préfet de l'Isère a estimé que les époux B... ne pouvaient justifier d'un droit au séjour notamment en tant qu'accompagnant d'un enfant malade en application de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 septembre 2022 qui relève que, si l'état de santé de l'enfant des intéressés nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des comptes rendus et des certificats médicaux, que l'enfant des requérants présente un lymph angioblastome kystique rénal et péri rénal avec HTA, une insuffisance rénale chronique et des thromboses cérébrales multiples. Il présente également une épilepsie de niveau 2 qui a évolué en niveau 3 dans ce contexte pathologique, avec un risque infectieux. Les époux B... produisent des certificats médicaux de médecins, spécialistes en pédiatrie, immuno-onco-pédiatrie, et en néphrologie qui, quoique certains soient postérieurs à la décision attaquée, ressortissent cependant à l'état de santé du jeune B... et qui révèlent que son état n'est pas stabilisé, nécessite des investigations supplémentaires, avec maintien d'un traitement spécifique, constitué de six médicaments quotidiens dont un immunosuppresseur, le Sirolimus, qui n'est pas substituable, en vue d'adapter le traitement par Alpelisib, médicament également indisponible dans son pays d'origine. Ces documents médicaux, émanant de spécialistes, chargés de la prise en charge pluridisciplinaire de l'enfant, précisent également que le traitement de ses affections est indisponible en Serbie et nécessite de manière indispensable, sa prise en charge en France. Le préfet de l'Isère, qui n'a pas produit dans la présente instance, n'apporte, quant à lui, aucun élément contraire en appel, alors qu'il se bornait à faire valoir, en première instance, les capacités d'accueil médical de la Serbie, pays qui a vocation à rejoindre l'Union Européenne et où, par suite, toutes les pathologies pourraient être traitées, sans remettre en cause la spécificité du traitement de l'intéressé et donc son absence dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté que seule la spécialité précitée est indiquée dans la prise en charge de la pathologie du jeune B..., ses parents établissent que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, le préfet de l'Isère a méconnu l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les refus de titre de séjour, doivent, par suite, être annulés.

6. L'annulation des refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur leur fondement. Dès lors, les obligations de quitter le territoire français dans le délai de trente jours doivent être annulées. Il en va de même des décisions fixant le pays de renvoi.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de la Loire des 10 et 13 février 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

9. Eu égard aux motifs qui fondent les annulations prononcées par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à M. et Mme B... une autorisation provisoire de séjour, en tant que parent d'enfant malade, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de les munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Huard, avocat de M. et Mme B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Huard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du préfet de l'Isère des 10 et 13 février 2023 portant refus d'admission au séjour à M. et Mme B..., obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. et Mme B... une autorisation provisoire de séjour en tant qu'accompagnant d'enfant malade sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour sans délai.

Article 3 : Le jugement n° 2301219-2301223 du tribunal administratif de Grenoble du 7 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 , à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.

Le rapporteur,

J.-S Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02078
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;23ly02078 ?
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