La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2024 | FRANCE | N°23LY01551

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 08 février 2024, 23LY01551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants et la décision du 4 février 2022 par laquelle par la préfète du Rhône l'a rejetée.



Par un jugement n° 2109578 - 2203962 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a constaté un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de la décision implicite et rejeté l'aut

re demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 4 mai 2023, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants et la décision du 4 février 2022 par laquelle par la préfète du Rhône l'a rejetée.

Par un jugement n° 2109578 - 2203962 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a constaté un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de la décision implicite et rejeté l'autre demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Hassid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône d'autoriser l'introduction de A... Saïd Mohamed et de Benaïd Saïd Mohamed sur le territoire français et de délivrer une carte de séjour au premier et un document de circulation pour étranger mineur au second, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) en cas d'annulation de la décision pour illégalité externe, de réexaminer le dossier de l'appelante sous quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa demande ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, faute de produire les avis réactualisés de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de la mairie ;

- la préfète s'est sentie liée par l'absence de ressources suffisantes ;

- l'appréciation des conditions de ressources est erronée ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les observations de Me Cavalli, substituant Me Hassid, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... ressortissante comorienne, née en 1969, est entrée en France en 2011 selon ses affirmations, où elle séjourne régulièrement, sous couvert d'une carte de résident avec deux de ses enfants qui y sont scolarisés. Elle a demandé, le 19 août 2019, le bénéfice du regroupement familial au profit de deux autres enfants, A..., né le 21 septembre 2001, et Benaïd, né le 20 septembre 2004, résidant aux Comores. Une décision implicite de rejet est née, le 19 février 2020, du silence gardé par le préfet sur sa demande dont Mme B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Par une décision du 4 février 2022, la préfète du Rhône a refusé à l'intéressée le bénéfice du regroupement familial. Mme B... en a également demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint ses demandes et constaté un non-lieu à statuer sur la demande relative à la décision implicite de rejet, a rejeté la demande de regroupement familial du 4 février 2022. Mme B... demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté cette dernière demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). ", aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision est motivée en fait et en droit avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La préfète du Rhône n'était pas tenue de motiver sa décision au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui ne constitue pas le fondement de sa décision ni de reprendre l'ensemble des circonstances de l'espèce. La circonstance que la préfete n'a pas mentionné que la circonstance que le père de ses enfants restés aux Comores serait décédé en 2005 n'est pas à elle seule, de nature à démontrer qu'elle n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de situation. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, qui révèlerait un défaut d'examen doit, par suite, être écarté.

4. Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) à l'issue des vérifications sur les ressources et le logement du demandeur du regroupement familial, le maire de la commune où doit résider la famille transmet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le dossier accompagné des résultats de ces vérifications et de son avis motivé. En l'absence de réponse du maire à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier, cet avis est réputé favorable ". Aux termes de l'article R. 423-25 du même code : " Dès réception du dossier de regroupement familial et de l'avis motivé du maire ou, à défaut d'avis, à l'expiration du délai mentionné à l'article R. 434-23, l'Office français de l'immigration et de l'intégration : 1o Vérifie, le cas échéant, le respect des conditions de ressources et de logement prescrites aux articles R. 434-4 et R. 434-5; 2o Procède, si nécessaire, à un complément d'instruction et, s'il n'a pas déjà été saisi par le maire, à des vérifications sur place; 3o Transmet le dossier au préfet pour décision ".

5. Contrairement à ce que soutient Mme B..., la préfète a produit l'avis du service de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la demande de Mme B... du 16 janvier 2020, qui fait suite à l'enquête logement/ressources des 24 septembre et 25 octobre 2019, opérée par les services du maire de la commune et revêtu de l'avis de ce dernier. Mme B..., qui indique avoir, elle-même, complété son dossier sur demande de la préfecture du Rhône, en janvier 2022, ne saurait utilement soutenir que la préfète aurait dû transmettre un nouvel avis du maire et de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. (...) ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable, en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

8. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Rhône, a apprécié la condition de ressources de Mme B... pour bénéficier du regroupement familial sur la période de référence de douze mois précédant le dépôt de la demande, conformément aux dispositions précitées au 19 août 2019 mais a entendu actualiser cette analyse, au regard de la progression des ressources sur l'année civile 2021. Si Mme B... se prévaut de la progression de ses ressources sur les années 2020 et 2021, ces dernières ressources, qui ont été examinées par la préfète du Rhône, n'atteignent pas le montant du salaire minimum mensuel brut applicable à la date de la demande pour l'année 2019 et pas davantage, en tout état de cause, le montant du même salaire de référence pour l'année 2021. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation de ses ressources seraient erronée.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône se serait sentie liée par la circonstance, d'ailleurs fondée, que Mme B... ne remplirait pas les conditions de ressources, pour lui refuser le regroupement familial, alors qu'elle a, notamment, indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que sa décision de refus ne méconnaissait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Si Mme B... se prévaut de ce qu'elle est la seule titulaire de l'autorité parentale pour ses enfants restés aux Comores depuis le décès de leur père en 2005, et qu'elle contribue à leur entretien, elle n'explique pas la raison pour laquelle, elle a, cependant, choisi de ne pas emmener ses enfants lorsqu'elle est arrivée sur le territoire français en 2011, alors qu'elle indique, au demeurant, s'être installée à Mayotte en 2003. Compte tenu des conditions de cette séparation, Mme B..., n'explique pas, par la simple référence à ses faibles ressources, la raison pour laquelle, elle a demandé le bénéfice du regroupement familial, huit ans après son entrée sur le territoire français, un mois avant la majorité de son ainé, et alors que son cadet était, alors, âgé de quinze ans. Eu égard à la séparation, depuis plus de huit ans, de Mme B..., d'avec ses enfants restés aux Comores, à la date de la demande, elle n'est pas fondée à soutenir, alors qu'elle n'établit nullement avoir contribué à leur entretien pendant ces années, que la préfète du Rhône, en refusant le bénéfice du regroupement familial pour ces enfants, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01551
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;23ly01551 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award