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01/02/2024 | FRANCE | N°23LY01676

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 23LY01676


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303487 du 4 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant l'Albanie comm

e pays de destination (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).



Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303487 du 4 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant l'Albanie comme pays de destination (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023 sous le n° 23LY01676, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision désignant le pays de destination.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré du défaut d'examen particulier du dossier, dès lors qu'elle a bien procédé à cet examen ;

- la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée ;

- le moyen de l'erreur de fait n'était pas soulevé en première instance ; en tout état de cause, l'erreur sur la situation administrative de la sœur de M. B... est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi ;

- M. B... n'établit pas la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Lachenaud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par la préfète de l'Ain ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023 sous le n° 23LY01678, la préfète de l'Ain demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Elle soutient que :

- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux ;

- ces moyens sont de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans l'instance n° 23LY01676 par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 27 juillet 2000, est entré en France le 27 février 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 avril 2019. Par un arrêté du 5 février 2021, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois. Par un arrêté du 27 avril 2023, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, sur le fondement des 1°, 4° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 4 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant l'Albanie comme pays de renvoi et rejeté le surplus de la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. La préfète de l'Ain demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 23LY01676 et 23LY01678 concernent la situation d'un même ressortissant étranger, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 23LY011676 :

3. L'arrêté du 27 avril 2023, dans lequel est contenu la décision fixant le pays à destination duquel M. B... doit être reconduit, détaille la situation administrative et personnelle de l'intéressé, notamment les conditions de son entrée et de son séjour en France et le rejet de sa demande d'asile intervenu le 23 avril 2019 et indique qu'il ne démontre pas être menacé en cas de retour dans son pays d'origine. Si cet arrêté mentionne, par erreur, que les membres de la famille de M. B... résidant en France sont en situation irrégulière, alors que sa sœur a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire en 2022, cette circonstance n'est pas, en elle-même, de nature à établir que la préfète n'aurait pas procédé à l'examen particulier du dossier de M. B... avant de désigner le pays de destination de la mesure d'éloignement, alors, en outre, que l'intéressé n'a fait état ni de la protection accordée à sa sœur, ni de l'existence de risques actuels encourus en Albanie au cours de son audition par les services de police avant l'édiction de cette décision. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain, qui a pris en compte les éléments caractérisant la situation de M. B..., n'a pas entaché l'arrêté d'une erreur de droit en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination. C'est dès lors à tort que, pour annuler cette décision, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon s'est fondée sur un " défaut d'examen de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine ".

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et devant la cour.

5. La décision désignant le pays de destination de M. B... comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée.

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

7. M. B... fait valoir qu'il serait exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine du fait de l'ancien compagnon de sa mère, M. A..., de nationalité albanaise, qui s'est rendu coupable, en Albanie et après leur arrivée en France, de violences physiques et psychologiques à son égard et à l'égard de sa mère et de sa sœur. Il indique que sa mère a déposé une plainte contre son compagnon, qu'une audience a été programmée la concernant devant le tribunal correctionnel de Lyon le 4 juillet 2023, qu'il a lui-même déposé une plainte à raison de ces faits le 21 mars 2023 et que sa sœur a obtenu, à raison des violences qu'elle a subies de la part de cet homme, la protection subsidiaire en 2022. Toutefois, alors que les faits mentionnés dans la plainte de M. B... remontent à la période 2013-2017, il ne s'en est pas prévalu lors de la demande d'asile déposée à son arrivée en France en 2018. Il n'a pas davantage, depuis cette date, introduit une demande de réexamen au titre de l'asile, ni même après la décision de protection octroyée à sa sœur. Il n'est pas davantage démontré, alors que les derniers faits de violence ont été commis en France, que M. A... serait reparti en Albanie, ni que les autorités albanaises ne seraient pas en capacité d'assurer sa protection. Enfin, la seule circonstance qu'une protection a été accordée à sa sœur ne suffit pas à établir la réalité et le caractère actuel des risques auxquels M. B... serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 27 avril 2023.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais liés à l'instance d'appel.

Sur la requête n° 23LY01678 :

10. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions, présentées par la préfète de l'Ain dans cette instance, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 4 mai 2023 sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la préfète de l'Ain tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 4 mai 2023.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2303487 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 4 mai 2023 est annulé.

Article 3 : La demande de M. B..., présentée devant le tribunal administratif en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision de la préfète de l'Ain désignant le pays de destination, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01676 - 23LY01678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01676
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LACHENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23ly01676 ?
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