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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02818

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY02818


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1904910 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistré

s les 21 septembre 2022, 2 mai 2023 et 19 octobre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Daly, demandent à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1904910 du 22 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 septembre 2022, 2 mai 2023 et 19 octobre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Daly, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 et des majorations mises à leur charge au titre des années 2014 à 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en application du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, le solde créditeur du compte " fournisseur - factures non parvenues " d'un montant de 95 632,03 euros de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats ne peut faire l'objet d'une reprise, s'agissant d'un passif injustifié comptabilisé au 31 décembre 2005 et donc d'une erreur intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ;

- la seule impossibilité de justifier de ce passif ne démontre pas le caractère délibéré de cette erreur, la rectification correspondante n'ayant d'ailleurs pas été assortie par le service de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ;

- ils peuvent se prévaloir du paragraphe n° 1 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-BASE-40-20-20, du paragraphe n° 10 de la documentation BOI-BIC-BASE-40-20-20-10 et au BOI-ANNX-000114 du 12 septembre 2012 ainsi que des paragraphes 20 et 110 de la documentation BOI-BIC-BASE-40-10 du 13 mai 2013 ;

- c'est à tort que le service, comme le tribunal administratif, ont considéré que la provision de 31 584 euros, qui figurait dans la comptabilité de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats au 1er janvier 2014, aurait dû être reprise à la date de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 24 septembre 2013 défavorable à la société, alors que c'est la date d'expiration du délai de pourvoi qui devait être prise en compte en application de l'article 612 du code de procédure civile ;

- la reprise de provision effectuée par l'administration aurait dû être compensée par la constatation d'une charge du même montant afin de traduire la perte de la créance faisant suite à l'arrêt du 24 septembre 2013, ce qui aurait induit une absence de rehaussement du résultat comptable ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors qu'ils ignoraient les obligations déclaratives leur incombant en qualité d'associés d'une SARL soumise à l'impôt sur le revenu.

Par des mémoires, enregistrés les 5 avril et 6 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 12 octobre 2023, a été reportée au 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Hôtel restaurant des Marquisats, qui a opté pour le régime d'imposition des sociétés de personnes et dont M. et Mme B... détenaient 5 000 des 5 260 parts, exerçait une activité de location des murs d'un hôtel restaurant situé à Annecy (Haute-Savoie). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a notamment procédé au rehaussement de ses résultats des exercices clos en 2014, 2015, 2016. En conséquence du rehaussement des résultats de la société, M. et Mme B... ont été assujettis, au titre des années 2014 à 2016, à des compléments d'impôt sur le revenu à hauteur de la part des bénéfices rectifiés de la société correspondant à leurs droits, qui ont été assortis de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions relatives, d'une part, au complément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 2014 et, d'autre part, aux majorations appliquées aux impositions des années 2014 à 2016.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / (...) / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession ".

3. Le vérificateur a constaté, au cours des opérations de contrôle de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats, qu'au 1er janvier 2014, date d'ouverture du premier exercice non prescrit, le compte " fournisseurs - factures non parvenues " présentait un solde créditeur de 95 632,03 euros, resté inchangé au 31 décembre 2016. En l'absence de justificatif produit, au cours du contrôle, quant à l'origine et l'objet de ce passif, il l'a été réintégré dans le résultat imposable de l'exercice 2014.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification du 27 juillet 2017 adressée à la SARL Hôtel restaurant des Marquisats, reproduits dans celle qui a personnellement été adressée à M. et Mme B..., selon lesquels " Après recherches, il s'avère que les soldes des comptes " Fournisseurs - factures non parvenues " et " clients-attente " sont apparus au 31/12/2005 et sont restés inchangés jusqu'au 31/12/2016 ", que le compte 408100 " Fournisseurs - factures non parvenues " de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats présentait un solde créditeur à la date du 31 décembre 2005. S'agissant d'un compte de régularisation, ce compte aurait dû être soldé à réception des factures correspondantes, au moment où la dette fournisseur afférente est devenue certaine dans son principe et dans son montant. Ainsi que l'a relevé l'administration dans la réponse aux observations du contribuable du 12 octobre 2017, la SARL Hôtel restaurant des Marquisats, en l'absence de toute régularisation, n'a constaté l'existence d'aucune dette réelle à l'égard d'un fournisseur, les requérants admettant d'ailleurs ne pouvoir justifier ni de la nature, ni de l'origine de la somme maintenue au passif de l'exercice clos en 2014. Enfin, ce compte de régularisation devait faire l'objet d'un réexamen comptable annuel par l'entreprise. Il s'ensuit que, si l'erreur à avoir maintenu au compte 408100 une somme injustifiée est intervenue au cours de l'exercice clos en 2006, soit plus de sept ans avant l'ouverture de l'exercice 2014, l'administration établit, par les éléments avancés, que c'est délibérément que cette somme a été maintenue au passif depuis cette date. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que cette somme a été réintégrée dans le résultat imposable de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats de l'exercice clos en 2014.

5. M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 1 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-BASE-40-20-20, du paragraphe n° 10 de la documentation référencée BOI-BIC-BASE-40-20-20-10, du BOI-ANNX-000114 du 12 septembre 2012 et des paragraphes 20 et 110 de la documentation BOI-BIC-BASE-40-10 du 13 mai 2013, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui résulte du présent arrêt.

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

7. Au cours des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que le compte " provision pour dépréciation des comptes courants " présentait au 1er janvier 2014 un solde créditeur de 31 584,30 euros, resté inchangé jusqu'au 31 décembre 2016. Il résulte de l'instruction que cette provision a été constituée en raison d'un litige opposant la SARL Hôtel restaurant des Marquisats à sa locataire pour des loyers impayés. Le contentieux engagé à ce titre a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 24 septembre 2013 déboutant la SARL Hôtel restaurant des Marquisats. Estimant que la provision aurait dû être reprise au 31 décembre 2013, le vérificateur a rehaussé à due proportion le résultat imposable de SARL Hôtel restaurant des Marquisats de l'exercice clos en 2014.

8. Alors qu'au cours du contrôle, M. B... a indiqué ne pas avoir souhaité poursuivre ce litige et qu'aucun pourvoi en cassation n'a été formé, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a commis une erreur en estimant que la provision en cause aurait dû être reprise au titre de l'exercice clos en 2013, au cours duquel l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry est devenu définitif et la créance définitivement irrécouvrable. En outre, c'est au cours de ce même exercice, prescrit, que la charge correspondant à cette perte aurait dû être comptabilisée par la SARL Hôtel restaurant des Marquisats. Cette absence de comptabilisation est, en elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de la rectification opérée en 2014 par l'administration, fondée sur le maintien injustifié, au bilan, d'une provision ayant pour effet de minorer indûment l'actif net de la société. M. et Mme B... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'administration aurait dû admettre en déduction, au titre de cet exercice 2014, une charge équivalente de 31 584 euros.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % prévue par ces dispositions aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, en conséquence des rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats, résultant de la remise en cause du passif et de la provision injustifiés au titre de l'exercice clos en 2014 et de la réintégration de produits non déclarés au titre des exercices 2015 et 2016, l'administration fait valoir que M. et Mme B... se sont abstenus, en 2014, 2015 et 2016, de déclarer les bénéfices industriels et commerciaux non professionnels en provenance de la SARL Hôtel restaurant des Marquisats dont ils sont les associés à hauteur de 95 % du capital et dont M. B... est le gérant et qu'ils ne pouvaient, en cette qualité, ignorer l'importance des bénéfices réalisés à déclarer. Ce faisant, l'administration établit, ainsi qu'il lui incombe, l'intention des intéressés d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la pénalité qu'elle leur a appliquée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02818
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Théorie du bilan.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02818 ?
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