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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02475

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY02475


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SASU Fonds de Luna a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1908170 du 28 juin 2022, le trib

unal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SASU Fonds de Luna a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1908170 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, la SASU Fonds de Luna, représenté par Me Aujoulat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales en ne lui laissant d'autre choix que l'option c) ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration ne pouvait écarter sa comptabilité comme non probante, les irrégularités mineures dont elle est entachée ne justifiant pas son rejet.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Fonds de Luna, qui exploite un bar à la Plagne-Tarentaise (Savoie), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. A l'issue de ce contrôle, et après avoir rejeté la comptabilité présentée comme non probante et procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats, l'administration a, selon la procédure contradictoire, d'une part, remis en cause les déficits déclarés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et l'a, d'autre part, assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercices clos en 2016 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, assortis d'intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SASU Fonds de Luna relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur l'irrégularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration, dans les quinze jours suivant la formalisation par écrit de son choix, les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.

4. Par courrier du 30 mars 2017, la vérificatrice a informé la société requérante qu'elle souhaitait mettre en œuvre, en application de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales, des traitements visant notamment " - à vérifier le caractère régulier et probant de la comptabilité ; - à contrôler la cohérence des écritures comptables enregistrées en matière de TVA, ainsi que celle des déclarations de TVA souscrites ; - à contrôler le chiffre d'affaires ayant servi de base à la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés ; " et lui a demandé de choisir, sous huit jours, entre l'une des trois options prévues par cet article pour la réalisation de ces traitements. En annexe à ce courrier étaient présentés, de manière détaillée, l'objet des traitements envisagés et les données nécessaires à leur réalisation. Ainsi, l'administration a indiqué au contribuable, ainsi qu'elle y est tenue, la nature des traitements envisagés, afin de lui permettre d'effectuer un choix éclairé entre les trois options prévues au II de l'article L. 47 A. La société requérante ne saurait, à cet égard, se prévaloir de la trop grande précision des informations qui lui ont été données dans ce courrier et de son absence de compétence en informatique pour soutenir qu'elle a été privée de la possibilité d'effectuer librement et sans contrainte le choix de l'option c), à savoir la remise à l'administration des données et documents nécessaires à la réalisation, par celle-ci, des traitements. La circonstance que la vérificatrice a, par la suite, reconstitué les résultats et chiffres d'affaires de la SASU Fonds de Luna sans mettre en œuvre des traitements informatiques est, en elle-même, sans incidence sur l'appréciation du respect de l'obligation d'information qui pèse sur l'administration en amont. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux où sont déposés ses documents comptables, notamment dans les locaux du comptable ou d'une autre société, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

6. Il résulte de l'instruction qu'à la demande de la SASU Fonds de Luna, le contrôle a eu lieu dans les locaux de ses experts-comptables, à qui elle avait donné mandat pour la représenter, et que la vérificatrice a rencontré ces derniers à huit reprises, entre le 28 mars et le 25 août 2017, date de la réunion de synthèse. La société requérante n'établit pas, ni même n'allègue, qu'à ces occasions, la vérificatrice se serait refusée à tout échange de vues. Par ailleurs, la circonstance que cette dernière n'a finalement pas mis en œuvre les traitements informatiques envisagés ne saurait, en soi, caractériser une atteinte au débat contradictoire. Par suite, le moyen tiré de ce que la société a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire au cours du contrôle doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

8. La proposition de rectification adressée à la société requérante comporte l'ensemble des éléments et mentions énoncées au point 7 ci-dessus et n'avait pas, en l'absence de réalisation, par la vérificatrice, de traitements informatiques, à en faire état. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 30 août 2017, que, pour écarter comme non probante la comptabilité de la société requérante, la vérificatrice s'est fondée sur plusieurs éléments. S'agissant de l'exercice clos en 2014, elle a relevé, outre l'absence de production des bandes de contrôle de caisse informatisées, que les tickets Z mensuels produits ne détaillaient pas les ventes réalisées, certaines étant globalisées par groupe, sans précision des produits vendus. S'agissant des exercices clos en 2015 et 2016, elle a constaté que si les bandes de contrôle de caisse ont été produites, celles-ci ne comportaient pas davantage le détail des recettes, du fait d'une globalisation par groupe de produits. La vérificatrice a également relevé, selon les exercices, l'existence d'achats non comptabilisés, ressortant soit de stocks en fin d'exercice supérieurs aux achats de l'exercice en présence d'un stock initial nul, soit de quantités de produits revendus supérieures aux achats comptabilisés. Si la SASU Fonds de Luna fait valoir que les tickets Z et les bandes de caisse précisent les produits vendus, les encaissements par nature de paiement, les remises, les offerts, la consommation du personnel ainsi que les annulations, elle ne conteste pas la globalisation des ventes par groupes de produit, laquelle concerne, selon les affirmations non contredites sur ce point du service, environ 30 % des chiffres d'affaires annuels, et ce alors que les boissons comprises dans un groupe de produits ne sont pas nécessairement vendues au même prix, ainsi que cela ressort des annexes 6 et 7 à la proposition de rectification et du compte-rendu d'intervention du 12 juin 2017. Par ailleurs, la société requérante ne remet pas valablement en cause l'existence d'achats non comptabilisés de plusieurs produits en se bornant à faire état des achats de chocolat en poudre en 2014 et 2016, au demeurant pris en considération par le service, sans tenir compte de la date de clôture de ses exercices au 30 septembre et les mentions de ses propres inventaires, telles qu'elles ont été reprises dans les annexes à la proposition de rectification. Dans ces conditions, en faisant état des irrégularités résultant de la globalisation des recettes et de l'existence d'achats non comptabilisés, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la comptabilité de la SASU Fonds de Luna est entachée de graves irrégularités justifiant son rejet, ce qui l'autorisait à procéder à la reconstitution de ses chiffres d'affaires.

10. Il résulte de ce qui précède que la SASU Fonds de Luna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASU Fonds de Luna est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Fonds de Luna et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY02475 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02475
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL FISCAVOC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02475 ?
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