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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY01577

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 01 février 2024, 22LY01577


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie conjointement avec son époux au titre de l'année 2019.



Par un jugement n° 2007620 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Lyon a déterminé le calcul de l'impôt sur le revenu dû par Mme E... au titre de l'année 2019 sur la base de ses revenus propres, déduction faite de la prise en compte de ceux de son

conjoint, en faisant application du régime d'imposition distincte (article 1er), a déchargé l'intéres...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie conjointement avec son époux au titre de l'année 2019.

Par un jugement n° 2007620 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Lyon a déterminé le calcul de l'impôt sur le revenu dû par Mme E... au titre de l'année 2019 sur la base de ses revenus propres, déduction faite de la prise en compte de ceux de son conjoint, en faisant application du régime d'imposition distincte (article 1er), a déchargé l'intéressée de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2019 et celui qui résulte de l'article 1er (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressée (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er février 2022 et de remettre à la charge de Mme E... la cotisation d'impôt sur le revenu de 1 661 euros déchargée à tort par les premiers juges.

Il soutient que pour l'application du 5 de l'article 6 du code général des impôts, Mme E... et son époux ont opté pour la déclaration commune de leurs revenus au titre de l'année 2019, dans les délais prévus pour la déclaration initiale de ces revenus ; elle ne pouvait revenir sur cette option devenue irrévocable, que ce soit dans le délai de correction des déclarations de revenus, ou que ce soit dans le délai de réclamation.

La procédure a été communiquée à Mme E... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... et M. B... C... qui se sont mariés le 7 septembre 2019, ont établi une déclaration commune de leurs revenus au titre de l'année 2019, par télé-déclaration le 27 mai 2020 et ont fait l'objet d'une imposition commune. Ils ont présenté une réclamation tendant notamment à ce que leur imposition au titre de l'année 2019 soit calculée sur la base de deux déclarations distinctes. L'administration ayant rejeté cette demande, le 26 octobre 2020, Mme E... a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement en date du 1er février 2022, a déterminé le calcul de l'impôt sur le revenu dû par l'intéressée au titre de l'année 2019 sur la base de ses revenus propres, déduction faite de la prise en compte de ceux de son conjoint, en faisant application du régime d'imposition distincte (article 1er ), l'a déchargée de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2019 et celui qui résulte de l'article 1er (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressée (article 3). Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel des articles 1 et 2 de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) 5. Les personnes mariées et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l'année du mariage ou de la conclusion du pacte. / Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité peuvent toutefois opter pour l'imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l'année du mariage ou de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant. (...) Cette option est exercée de manière irrévocable dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration initiale des revenus mentionnée à l'article 170. (...) " et aux termes de l'article 43 bis de l'annexe III audit code : " I. - 1° Chacun des époux ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce l'option mentionnée au deuxième alinéa du 5 de l'article 6 du code général des impôts, sur la déclaration d'ensemble de ses revenus, prévue au 1 de l'article 170 du même code. / Il mentionne sur sa déclaration l'identité de son époux, épouse ou partenaire ; / 2° Si l'option n'est pas exercée par chacun des époux ou partenaires dans les conditions mentionnées au 1° et dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 175 du code général des impôts, les époux ou partenaires sont soumis à l'imposition commune dans les conditions de droit commun. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu, (...) ". Aux termes de l'article 175 de ce code : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er avril. Ce délai peut être prorogé chaque année selon un calendrier et des modalités fixés par l'administration et publiés sur son site internet, sans que la date limite de dépôt qui en résulte ne puisse être postérieure au 1er juillet. Dans la limite de cette dernière date, des prorogations particulières de délai peuvent être prévues pour les déclarations souscrites par voie électronique en application de l'article 1649 quater B ter ou pour des contribuables soumis à des modalités déclaratives particulières. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le choix exercé par les époux ou les partenaires d'un pacte civil de solidarité entre leur imposition personnelle ou leur imposition commune au titre de l'année du mariage ou de la conclusion du pacte civil de solidarité est irrévocable et ne peut être remis en cause après l'expiration du délai de déclaration des revenus de l'année considérée.

5. Les dispositions qui prévoient que le bénéfice d'un avantage fiscal est demandé par voie déclarative n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, sauf si la loi a prévu que l'absence de demande dans le délai de déclaration entraîne la déchéance du droit à cet avantage, ou lorsqu'elle offre au contribuable une option entre différentes modalités d'imposition dont la mise en œuvre impose nécessairement qu'elle soit exercée dans un délai déterminé.

6. Pour accorder à l'intéressée la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2019, les premiers juges ont relevé que la loi n'a pas prévu que l'absence d'option dans le délai requis pour le dépôt de la déclaration initiale d'impôt sur le revenu entraîne la déchéance de la faculté d'exercer l'option dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et que les modalités d'imposition distincte des revenus propres perçus par chacun des époux au titre de l'année du mariage ne font, en outre, nullement obstacle à ce qu'un couple, qui aurait été soumis à une imposition commune au titre de cette année, puisse demander à bénéficier d'un tel régime dans le délai de réclamation. Ils en ont déduit que Mme E... et son époux, qui n'ont pas opté pour l'imposition distincte des revenus dont ils ont bénéficié au titre de l'année de leur mariage avant la date limite de dépôt des déclarations de revenus, demeuraient en droit de solliciter l'application d'un tel régime le 26 août 2020, contrairement à ce qu'a estimé l'administration.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte des dispositions citées aux point 2 et 3 que le choix exercé par les époux ou les partenaires d'un pacte civil de solidarité entre leur imposition personnelle ou leur imposition commune au titre de l'année du mariage ou de la conclusion du pacte civil de solidarité est irrévocable et ne peut être remis en cause après l'expiration du délai de déclaration des revenus de l'année considérée.

8. Or, il résulte de l'instruction que la requérante et son époux qui se sont mariés le 7 septembre 2019 n'ont pas opté au titre de l'impôt sur le revenu 2019 pour une imposition distincte des revenus dont ils avaient personnellement disposé pendant l'année de leur mariage. Il résulte des dispositions précitées du 5 de l'article 6 du code général des impôts qu'à défaut d'en avoir demandé la rectification dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration initiale des revenus mentionnés à l'article 170 du même code, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait commis une erreur de bonne foi, l'administration était fondée à lui refuser le bénéfice d'une imposition distincte au titre de l'année 2019.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour accorder à Mme C... A... une réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit au moyen tiré de ce que l'intéressée et son époux étaient en droit d'opter pour une imposition distincte de leurs revenus après l'expiration du délai de déclaration de ces revenus.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... tant en première instance qu'en appel.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'avant le dépôt de la déclaration de revenus de l'année 2019, lorsque l'intéressée a souhaité signaler un changement pour le prélèvement à la source via son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ", rubriques " Gérer mon prélèvement à la source ", et indiquer notamment la date de son mariage, il lui a été proposé d'opter pour une imposition séparée. Ensuite, lors de la souscription de sa déclaration de revenus de l'année 2019 en ligne, il a été clairement proposé à l'intéressée de " cliquer " sur la case " Remplir une déclaration commune " ou sur la case " Remplir une déclaration individuelle ". Enfin, sur la dernière page avant signature, l'intéressée a été informée de ce qu'elle avait rempli une déclaration commune mais qu'elle gardait la possibilité d'opter à ce stade pour une déclaration individuelle, en " cliquant " sur le bouton " Changez d'option ". Ainsi, contrairement à ce qu'elle prétend, Mme C... A... a été mise en mesure, à plusieurs reprises, d'opter en temps utile pour une imposition distincte au titre de l'année 2019.

12. En second lieu, Mme E... n'est pas fondée à se prévaloir de ce qu'elle a procédé à la correction de sa déclaration le 24 août 2020, ainsi qu'elle en avait la possibilité de la faire, dès lors que ce délai de correction n'est en tout état de cause pas assimilable au délai de déclaration mentionné à l'article 175 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui précède que d'une part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accordé à Mme E... la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2019 à hauteur du montant correspondant à la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2019 et celui qui résulte de ses revenus propres, déduction faite de la prise en compte de ceux de son conjoint, en faisant application du régime d'imposition distincte. Il est, par voie de conséquence, fondé à demander que soit remis à la charge de Mme C... A... le montant de cette imposition au titre de l'année 2019, correspondant à la somme non contestée de 1 661 euros. D'autre part, la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er février 2022 est annulé.

Article 2 : Mme E... est rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu, à hauteur de la somme de 1 661 euros au titre de l'année 2019.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01577

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01577
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly01577 ?
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