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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY01395

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 22LY01395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La société Eiffage Construction Alpes Dauphiné (ECAD) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat (OPH DAH) et son assureur, la SMABTP, ainsi que les sociétés SAMOP, IXANS, Brunet Saunier Architecture et Mazet et associés, à lui verser la somme de 1 212 179,60 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle a subis dans l'exécution des travaux du lot n° 2 pour la construction du Pôle Ecotox sur le site d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage Construction Alpes Dauphiné (ECAD) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat (OPH DAH) et son assureur, la SMABTP, ainsi que les sociétés SAMOP, IXANS, Brunet Saunier Architecture et Mazet et associés, à lui verser la somme de 1 212 179,60 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle a subis dans l'exécution des travaux du lot n° 2 pour la construction du Pôle Ecotox sur le site de Rovaltain de la commune d'Alixan, outre révision des prix, majorée des intérêts moratoires à compter du 15 janvier 2017, capitalisés.

Par un jugement nos 1602196-1702015 du 22 février 2022, le tribunal a rejeté la demande présentée contre la SMABTP comme ne relevant pas de la compétence de la juridiction administrative et rejeté comme non fondé le surplus des demandes de la société ECAD.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 mai 2022, le 11 mai 2022 et le 15 mars 2023, la société ECAD, représentée par Me Bimet (SCP Fessler Jorquera et associés), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'OPH DAH et la société Brunet Saunier Architecture, à lui verser la somme de 1 212 179,60 euros TTC et qu'il a mis à sa charge les dépens ;

2°) de condamner solidairement l'OPH DAH et la société Brunet Saunier Architecture à lui verser la somme de 1 212 179,60 euros TTC outre révision des prix, majorée des intérêts moratoires à compter du 15 janvier 2017, capitalisés ;

3°) de mettre solidairement à la charge des mêmes les frais d'expertise ainsi que la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont irrégulièrement soulevé d'office l'irrecevabilité de ses conclusions tendant à ce que la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage soit engagée au titre des travaux modificatifs et des retards dans l'exécution des travaux, en retenant l'imprécision de son mémoire de réclamation du 7 décembre 2016 dont le défendeur ne se prévalait pas ;

- ses conclusions tendant à engager la responsabilité contractuelle de l'OPH DAH sont recevables, son mémoire du 7 décembre 2016 constituant une réclamation au sens de l'article 50.1 du CCAG travaux et portant notamment sur le paiement de travaux supplémentaires et l'indemnisation des préjudices causés par le retard d'exécution du marché ;

- pour la révision du solde du marché, l'indice applicable au mois de juillet 2016, date de réception de travaux, doit être retenu, conformément à l'article 3.03.3 du CCAP ;

- la responsabilité contractuelle de l'OPH DAH est engagée dès lors que l'allongement des délais d'exécution du marché, dû aux évènements retracés dans des fiches d'impact, a entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, le planning de travaux ayant été contractualisé et les retards devant être appréciés tâche par tâche et qu'il résulte d'une défaillance fautive de l'OPH DAH dans l'exercice de son pouvoir de direction et de contrôle ;

- les travaux modificatifs qui n'ont pas été inclus dans l'avenant n° 2 ont été rendus nécessaires pour réaliser l'ouvrage conformément aux règles de l'art et à la variante contractualisée ;

- la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre et celle des autres membres du groupement sont engagées, la société Brunet Saunier Architecture ayant été défaillante en s'abstenant de sanctionner la société RFR comme l'établit le rapport d'expertise, ainsi qu'en phase d'établissement des marchés, étant responsable d'une remise tardive ou d'un défaut d'approbation injustifié de plans et en n'ayant pas tenu compte de la variante contractualisée pour l'élaboration des études de conception et de synthèse, en méconnaissance des obligations lui incombant dans ses missions PRO et EXE ;

- les préjudices subis s'élèvent à 542 873,96 euros TTC au titre des travaux modificatifs, à 609 305,52 euros TTC au titre des incidences liées au décalage de planning et à 60 000 euros TTC au titre des frais de procédure.

Par des mémoires enregistrés le 26 juillet 2022 et le 4 avril 2023, l'OPH DAH, représenté par Me Matras (SELARL Retex avocats), conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner les sociétés SAMOP, IXANS, Brunet Saunier Architecture et Mazet et associés à le garantir de toute condamnation ;

2°) de mettre à la charge de la société ECAD la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- les conclusions sont irrecevables en ce qu'elles outrepassent le montant de 907 754,60 euros mentionné dans les écritures de première instance ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, en cas de condamnation, les sociétés SAMOP, IXANS, Brunet Saunier Architecture et Mazet et associés devront être condamnées à le garantir.

Par mémoire enregistré le 26 janvier 2023, la SARL IXANS, représentée par Me Favet (SELARL cabinet Laurent Favet), conclut au rejet des conclusions d'appel provoqué présentées par l'OPH DAH et demande à la cour de mettre à la charge de ce dernier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose qu'aucune faute qui lui serait imputable n'est établie à l'appui des conclusions d'appel provoqué.

Par mémoire enregistré le 09 mars 2023, la SAS Brunet Saunier Architecture, représentée par Me Broglin, conclut au rejet des conclusions de l'appel principal et de l'appel provoqué de l'OPH DAH, et demande à la cour de mettre à la charge de la société ECAD la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel provoqué présenté par l'OPH DAH est irrecevable, celui-ci ayant eu connaissance de la réclamation de la société ECAD avant de lui notifier le décompte général et définitif ;

- aucun moyen tendant à engager sa responsabilité n'est fondé.

Par mémoire enregistré le 20 avril 2023, la société SAMOP, représentée par Me Hutt (SCP Seloron-Hutt-Grelet), conclut au rejet de l'appel provoqué de l'OPH DAH, et demande à la cour de mettre à la charge de l'OPH DAH la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que l'OPH DAH ne démontre pas qu'une inexécution contractuelle, en lien avec le préjudice qu'elle allègue, lui serait imputable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Touvier pour la société ECAD, de Me Matras pour l'OPH DAH, et de Me Favet pour la société Mazet ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 19 mars 2014, l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat (OPH DAH) a confié à la société Eiffage Construction Drôme Ardèche, depuis devenue Eiffage Construction Alpes Dauphiné (ECAD), l'exécution du lot n° 2 " installation de chantier gros œuvre ", des travaux de construction, sur le territoire de la commune d'Alixan, du pôle Ecotox dédié à la recherche, la formation et l'expertise en toxicologie environnementale et écotoxicité. La maîtrise d'œuvre a été assurée par un groupement solidaire composé des sociétés Brunet Saunier Architecture, mandataire, RFR Gros œuvre, CET Ingénierie et Mazet et associés. Estimant avoir subi différents surcoûts liés au retard du chantier et à des travaux supplémentaires, la société ECAD a adressé une demande de rémunération complémentaire à l'OPH DAH, par courrier du 24 novembre 2015 resté sans réponse. Ce dernier lui a notifié, le 1er décembre 2016, un décompte général du marché ne tenant pas compte de cette demande complémentaire, que la société ECAD a contesté par courrier du 7 décembre 2016. L'OPH DAH n'ayant pas donné suite à cette contestation, la société ECAD a, par deux requêtes, saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation solidaire du maître d'ouvrage et des cotraitants de la maîtrise d'œuvre à lui verser une somme de 1 212 179,60 euros, outre révision et intérêts moratoires capitalisés. Par un jugement du 22 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Elle en relève appel et, par la voie de l'appel provoqué, l'OPH DAH sollicite la condamnation des sociétés SAMOP, IXANS, Brunet Saunier Architecture et Mazet et associés à le garantir de toute condamnation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) auquel se réfère le marché de travaux du lot 2 : " 50.1. Mémoire en réclamation : 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".

3. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

4. Pour rejeter comme irrecevables les demandes indemnitaires présentées, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, par la société ECAD au titre des travaux modificatifs et des retards dans l'exécution des travaux, les premiers juges ont retenu que ni son mémoire de réclamation du 7 décembre 2016, ni les différentes pièces qui y étaient jointes, n'étaient motivés à leur égard et que ces éléments du décompte, ainsi tacitement acceptés, étaient devenus définitifs. Toutefois, il ressort des pièces de première instance que l'OPH DAH se bornait alors à contester le chiffrage de cette réclamation. Les premiers juges ne pouvant se saisir d'office de l'insuffisante motivation de cette réclamation, la société ECAD est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ces demandes. Son jugement doit, dans cette mesure, être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions de la société ECAD et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

Sur la responsabilité contractuelle de l'OPH DAH :

En ce qui concerne l'indemnisation demandée au titre des travaux supplémentaires, de l'allongement de la durée des travaux et des frais de procédure :

6. Si le courrier du 7 décembre 2016 par lequel la société ECAD a contesté le décompte général notifié par l'OPH DAH comportait une contestation précisément motivée de la révision des prix appliquée, en revanche, il se bornait, s'agissant des contestations relatives aux " travaux modificatifs ", aux " incidences financières liées au décalage de planning " et aux " frais de procédure ", à se référer à de précédentes " réclamations " et " demandes de rémunération complémentaires " et à rappeler les montants demandés, sans exposer précisément les motifs de ces demandes. Si ce courrier comprenait en outre de nombreuses annexes, celles-ci se limitaient à détailler les montants ainsi demandés, en énumérant les prestations en cause, leur montant ainsi que, dans six fiches d'impact, les incidences financières de retards, sans qu'aucun de ces documents n'expose de motifs tendant à justifier ces demandes. Par suite, à défaut d'être motivé à l'égard de ces demandes, ce courrier ne pouvait constituer, pour celles-ci, la réclamation exigée par l'article 50 du CCAG Travaux et n'a pu interrompre le délai de forclusion de trente jours, ainsi que l'OPH DAH le soutient désormais en appel. Les conclusions présentées à ce titre par la société ECAD sont dès lors irrecevables.

7. Il en résulte que les conclusions indemnitaires présentées par la société ECAD, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, au titre des travaux supplémentaires, de l'allongement de la durée des travaux et des frais de procédure doivent être rejetées.

En ce qui concerne la révision des prix :

8. Aux termes de l'article 3.03.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix : " Le montant du marché sera révisé selon la formule : P = 0,15 + 0,85 x lm/lo dans laquelle lm et lo sont les valeurs prises par l'index de référence ci-dessous respectivement au mois " m " d'exécution des travaux et au mois " Mo " d'établissement des prix du marché. Le mois " Mo " est défini à l'article 4.1 de l'acte d'engagement. Pour la mise en œuvre de la clause de révision de prix, la valeur finale de l'index de référence est appréciée au plus tard à la date d'achèvement contractuelle de réalisation des prestations ou à la date de leur réalisation, si celle-ci est antérieure. (...) ". Selon l'article 4.1 de l'acte d'engagement de la société requérante, le mois " Mo " est le mois de mars 2014.

9. Il résulte de ces stipulations que l'index à retenir pour fixer la valeur " lm " est celui applicable au plus tard à la date d'achèvement contractuelle de réalisation des prestations, ou de leur réalisation si celle-ci est antérieure. Par suite, la société ECAD ne peut utilement se prévaloir de la date de réception des travaux pour contester la révision des prix appliquée dans le décompte général établi par l'OPH DAH.

Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la société Brunet Saunier Architecture :

10. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage. Il lui appartient dans ce cas de permettre au juge d'identifier les stipulations dont il entend se prévaloir, lesquelles ne sauraient être celles prévues dans le seul intérêt des parties au contrat, telles que les clauses de solidarité.

11. Pour rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Brunet Saunier Architecture, la société ECAD lui fait grief, en premier lieu, de s'être abstenue de faire usage de moyens coercitifs à l'encontre de la société RFR pour limiter le retard du chantier. Toutefois, la société requérante n'identifie pas de stipulation contractuelle qui aurait conféré une telle prérogative à la société Brunet Saunier Architecture, alors, au demeurant, que cette dernière n'était pas chargée de la mission de synthèse confiée dans le cadre du lot n° 14 à une cellule de synthèse. Au surplus, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport établi le 31 mars 2020 par l'expert désigné par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, fondé sur le calendrier issu de la variante de l'offre de la société ECAD et sur une analyse des fiches d'impact produites, qu'au final, le retard du chantier était, pour partie, imputable aux intempéries et, pour le surplus, à des difficultés rencontrées sur le chantier, imputables soit au maître d'ouvrage, à raison de modifications apportées au projet ayant notamment entraîné une production tardive de plans de synthèse en 2014 et un différé de démarrage des travaux du bâtiment B4, soit à la société RFR, à raison de cinq jours de retard pour deux bâtiments en raison de la validation tardive de plans de structure. En invoquant la spécificité de la variante de son offre, la société ECAD ne démontre pas le caractère erroné de la quantification des retards ainsi opérée par l'expert, bâtiment par bâtiment. Dès lors, eu égard au caractère limité des retards ainsi imputés à la société RFR, aucune mesure n'avait à être prise à son encontre. Par ailleurs, si le rapport relève certains retards de communication de documents imputables à la société Brunet Saunier Architecture, il ne résulte pas de l'instruction qu'un retard du chantier ou un préjudice puisse, au final, leur être spécifiquement imputé, ce qui n'est pas utilement démenti par la société ECAD, notamment par la note technique n° 1 qu'elle produit.

12. La société ECAD fait grief, en deuxième lieu, à la société Brunet Saunier Architecture de ne pas avoir repris son projet initial, comme le lui aurait imposé l'article du 4.2.2 du CCTP de son marché, pour l'adapter à son offre variante retenue par le maître d'ouvrage. Toutefois, la société ECAD n'apporte aucun élément de nature à démontrer la nécessité d'une telle reprise, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les modifications apportées par cette offre variante affectaient le dimensionnement de la structure sans remise en cause de la conception initiale du projet et des plans élaborés par le maître d'œuvre. Par suite, ces adaptations relevaient de la seule responsabilité de la société ECAD, les études d'exécution n'ayant pas été mises à la charge du maître d'œuvre d'après l'article 7.1 de son CCTP. Par ailleurs, la société ECAD n'invoque aucune stipulation contractuelle mettant à la charge de la société Brunet Saunier Architecture une mission de " pré-synthèse " en phase de consultation, afin d'anticiper les réservations à prévoir, comme évoqué dans la note technique n° 1 qu'elle produit.

13. En troisième lieu, la société ECAD ne prétend, ni ne démontre que les travaux supplémentaires dont elle a demandé l'indemnisation auraient été générés par une faute imputable à la société Brunet Saunier Architecture.

14. Enfin, si la société ECAD mentionne, dans ses écritures, les autres membres du groupement de maîtrise d'œuvre, notamment les sociétés Mazet et associés et RFR, elle ne peut utilement se prévaloir d'éventuelles fautes imputables à ces derniers pour rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Brunet Saunier Architecture, seule visée dans ses conclusions, nonobstant sa qualité de mandataire solidaire du groupement.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société ECAD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les dépens et les frais liés au litige :

16. En premier lieu, l'appel de la société ECAD étant rejeté, il n'y a pas lieu de mettre les frais d'expertise à la charge de l'OPH DAH et de la société Brunet Saunier Architecture.

17. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH DAH, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société ECAD. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes de 2 000 euros à verser, d'une part, à l'OPH DAH et, d'autre part, à la société Brunet Saunier Architecture, en application de ces mêmes dispositions. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'OPH DAH le paiement des frais exposés par la SARL IXANS et la société SAMOP, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1602196-1702015 du tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2022 est annulé en tant qu'il rejette les demandes de la société Eiffage Construction Alpes Dauphiné présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des travaux supplémentaires, de l'allongement de la durée des travaux et des frais de procédure.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Grenoble par la société Eiffage Construction Alpes Dauphiné sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des travaux supplémentaires, de l'allongement de la durée des travaux et des frais de procédure sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Eiffage Construction Alpes Dauphiné est rejeté.

Article 4 : La société Eiffage Construction Alpes Dauphiné versera la somme de 2 000 euros à l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat, ainsi que la somme de 2 000 euros à la société Brunet Saunier Architecture, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SARL IXANS et la société SAMOP sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Alpes Dauphiné, à l'office public de l'habitat Drôme Aménagement Habitat, à la société Brunet Saunier Architecture, à la SARL IXANS, à la société SAMOP et à la société Mazet et associés.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01395


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