Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1908322 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2022 et le 24 octobre 2022, M. A..., représenté par la société d'avocats PDGB, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la remise en cause des abattements qu'il a appliqués, en tant qu'elle se fonde sur la date de cession des titres, est contraire à l'esprit du 4° du 3. du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui vise à sanctionner les cessions à soi-même, ce qui ne correspond pas à sa situation, dès lors qu'il n'avait plus aucun droit dans la SAS Optique A..., après la donation du 29 juillet 2016 ;
- il convient de se placer au terme des opérations de cession, qui peuvent s'échelonner dans le temps, pour appliquer la clause anti-abus, ainsi que l'admet l'administration s'agissant de la condition tenant aux droits cédés prévue au 1° du 3. du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans la documentation administrative référencée RPPM-PVBMI-20-30-30-30 du 4 mars 2016 ;
- dans le silence des dispositions du 4° du 3. du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, la condition de détention des droits de vote ou des droits financiers de l'entreprise cessionnaire s'apprécie à un moment quelconque de la période de trois années suivant la cession, comme le prévoient les dispositions du IV du même article.
Par des mémoires, enregistrés le 29 septembre 2022 et le 17 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dambre, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., dirigeant et actionnaire majoritaire de la SAS Optique B... A..., dont il détenait 26 922 des 40 840 actions, composant le capital social, a démissionné de ses fonctions de dirigeant en octobre 2016 et fait valoir ses droits à la retraite, le 1er janvier 2017. Le 30 avril 2016, il a cédé 10 698 actions de la SAS Optique B... A... à cette même société, au prix de 1 196 244 euros, dans le cadre d'une opération de réduction du capital, par annulation de titres, dégageant à cette occasion une plus-value de 1 179 997 euros. M. A... a déclaré une plus-value imposable de 102 000 euros, après avoir appliqué l'abattement fixe de 500 000 euros, prévu au 1. du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, ainsi que l'abattement renforcé de 85 % pour durée de détention, prévu au 3° du 1 quater de l'article 150-0 D du même code, applicables aux dirigeants de petites ou moyennes entreprises, cédant leurs titres en vue de leur départ à la retraite. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, estimant que M. A... ne remplissait pas la condition prévue au 4° du 3 du I de l'article 150-0 D ter, a remis en cause ces abattements et y a substitué l'abattement de droit commun de 65 %. M. et Mme A... ont, en conséquence, été assujettis à un supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016, assorti d'intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition et des majorations correspondantes.
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. (...) Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. (...) / (...) / 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : / (...) / b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. / (...) / 1 quater. A - Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / (...) / 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. / B. - L'abattement mentionné au A s'applique : / (...) / 2° Lorsque le gain est réalisé dans les conditions prévues à l'article 150-0 D ter (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter de ce code : " I - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 euros et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies. / (...) / 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : (...) / 4° En cas de cession des titres ou droits à une entreprise, le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire. / (...) / IV - En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du 3 du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, les abattements prévus au même I sont remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du 3 du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même 3 n'est pas remplie au terme de ce délai. La plus-value est alors réduite de l'abattement prévu au 1 ter de l'article 150-0 D. "
3. Il résulte des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que le bénéfice de l'abattement fixe de 500 000 euros qu'il prévoit, ainsi que l'abattement renforcé de 85 % pour durée de détention, prévu au 1 quater de l'article 150-0 D du même code, est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives au cédant, notamment celle, prévue au 4° du 3. du I, dans le cas où les titres ou droits sont cédés à une entreprise, tenant à ce que le cédant ne détienne pas, directement ou indirectement, de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire, pendant une période de trois années suivant la cession des titres ou droits, qui constitue le fait générateur de l'imposition.
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la cession, le 30 avril 2016, des 10 689 actions de la SAS Optique B... A..., M. A... détenait encore 16 233 actions de cette société. Il s'ensuit qu'il ne remplissait pas la condition tenant à l'absence de tout intérêt du cédant dans l'entreprise cessionnaire, quand bien même il a, ensuite, procédé, le 29 juillet 2016, à la donation des titres qu'il détenait encore de cette société à ses enfants, les dispositions précitées ne prévoyant pas que la condition de détention des titres de l'entreprise cessionnaire doive s'apprécier au terme des opérations en cas de cession échelonnées, alors qu'au demeurant, l'opération réalisée en juillet 2016 est une donation et non une cession taxable au titre de la plus-value. M. A... ne saurait se prévaloir, à cet égard, de la particularité de l'opération de rachat par la SAS Optique A... de ses propres titres en vue de leur annulation, ni de l'intention du législateur, dès lors que les dispositions du 4° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts sont claires. Il ne saurait davantage soutenir, en se prévalant du IV de ce même article, qui prévoit qu'en cas non-respect de la condition prévue au 4° du 3 du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, les abattements prévus au même I sont remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie, que les abattements sont acquis, dès lors qu'à un moment quelconque de la période de trois ans suivant la cession, la condition tenant à l'absence d'intérêt dans l'entreprise cessionnaire est remplie. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause les abattements de 500 000 euros et de 85 % qu'il a appliqués pour le calcul de la plus-value résultant de la cession de 10 689 actions de la SAS Optique B... A... à cette dernière.
5. M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-30 du 4 mars 2016, qui est relative à l'appréciation de la condition fixée au 1° du 3 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui n'est pas celle que l'administration lui a opposée pour remettre en cause le montant de la plus-value imposable en litige.
6. Il résulte de ce qui précède que M A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon présidente de la formation de jugement,
M. Laval, premier conseiller,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
La présidente,
A. Courbon
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaieres de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY00367