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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY00336

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY00336


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2001775 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et des mémoire

s, enregistrés le 3 février 2022, le 9 septembre 2022 et le 13 juillet 2023, M. A... et Mme C..., représentés par Me Seutet, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2001775 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 février 2022, le 9 septembre 2022 et le 13 juillet 2023, M. A... et Mme C..., représentés par Me Seutet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... et Mme C... soutiennent que :

- l'administration fiscale doit être regardée comme acquiesçant aux faits en application des articles R. 612-6 du code de justice administrative et R. 200-5 du livre des procédures fiscales compte tenu de la date de production de ses mémoires ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de l'appréhension de libéralités par l'association Ressources au profit de la SCI Epidaure ;

- les travaux en cause n'ont pas profité au seul propriétaire du bien car l'association l'occupait par convention verbale conférant un droit d'usage gratuit lors de leur réalisation, avant régularisation d'un bail commercial au 1er juin 2017 ;

- les travaux n'ont pas été entrepris à la place du propriétaire auquel ils n'incombaient pas mais ont été partagés en vue d'un aménagement pour implanter une activité de chambres d'hôtes par l'association Ressources ;

- le bénéfice des travaux n'était pas acquis au propriétaire alors que l'association avait conclu une promesse de vente par laquelle le règlement des loyers s'imputait sur le prix et a pu bénéficier de la vente à un tiers de l'immeuble ;

- la communauté d'intérêt entre l'association Ressources, la SCI Epidaure et la SARL A3Pic n'est pas démontrée ;

- l'article 111 c du code général des impôts n'est pas opposable dès lors que les travaux ont régulièrement été inscrits en comptabilité.

Par des mémoires, enregistrés le 10 août 2022 et le 7 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Ressources, mise en liquidation judiciaire en 2019, dont M. A... était administrateur et Mme C..., son épouse, la directrice générale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à la suite de laquelle elle a été assujettie aux impôts commerciaux. Constatant que l'association avait comptabilisé et payé deux factures se rapportant à des travaux de rénovation dans un ensemble immobilier, situé à Nuits-Saint-Georges (Côte d'Or), acquis le 26 septembre 2014 par la SCI Epidaure, dont M. A... et Mme C... détenaient ensemble la totalité des parts, l'administration a regardé les factures de travaux, prises en charge par l'association en 2016 et 2017, comme des libéralités accordées à la SCI Epidaure qu'elle a soumises à l'impôt sur le revenu, entre les mains de M. A... et de Mme C... sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts. Ceux-ci ont, en conséquence du rehaussement de leurs revenus imposables, été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années ainsi qu'à des cotisations de contributions sociales auxquels a été appliquée la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... et Mme C... relèvent appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. Lorsqu'une société de capitaux ou, comme en l'espèce, une association passible de l'impôt sur les sociétés a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, la somme correspondante, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour l'association et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

4. Lorsqu'une association soumise aux impôts commerciaux, consent un tel avantage à une société de personnes relevant du régime d'imposition de l'article 8 du code général des impôts, cet avantage est, eu égard à la translucidité fiscale de cette structure, directement taxé entre les mains des associés de la société de personnes pour la quote-part des bénéfices correspondant à leurs droits dans cette société et ce, en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. L'octroi de cet avantage sans contrepartie doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens de ces dispositions, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du destinataire, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.

5. La SCI Epidaure explique avoir acquis, le 26 septembre 2014, au prix de 124 000 euros, le bien immobilier de Nuits-Saint-Georges en vue d'y réaliser des logements locatifs privés et avoir envisagé de donner l'ensemble immobilier en location à l'association Ressources afin d'y réaliser un projet touristique, à savoir l'exploitation d'une boutique et d'une résidence meublée de tourisme. L'exploitation du site nécessitait la réalisation d'importants travaux de rénovation dont le coût était estimé à 235 000 euros. Le bureau et le conseil d'administration de l'association Ressources, lors, en particulier, des réunions du 28 octobre 2014 et du 1er juillet 2015, ont décidé que le coût des travaux de gros œuvre et de second œuvre serait pris en charge par la SCI Epidaure, propriétaire des locaux, s'agissant de travaux obligatoires de rénovation liés au bâtiment et à sa structure et que seuls les travaux d'agencement et d'aménagement intérieur directement liés à l'exploitation de l'immeuble seraient financés par l'association. Il résulte, toutefois, de l'instruction que l'association Ressources a pris en charge des travaux de fourniture et de pose d'une toiture plate avec ossature en bois et puits de lumière ainsi que des travaux de plâtrerie avec, notamment, isolation phonique et thermique, de peinture, de menuiserie, de plomberie, d'éclairage pour des montants de 31 498 euros en 2016 et de 103 000 euros en 2017, représentant la moitié des travaux de rénovation de l'immeuble.

6. En premier lieu, M. A... et Mme C... soutiennent que l'association, qui occupait les locaux sans titre, à la date des travaux, avait un intérêt à prendre en charge les dépenses incombant au propriétaire en raison d'une convention d'occupation tacite précédant le bail commercial avec promesse unilatérale de vente conclu le 1er juin 2017 pour exploiter une activité de chambre d'hôtes dans l'ensemble immobilier. Ils soutiennent qu'il s'agit de travaux d'embellissement et d'amélioration à la charge du locataire dans l'intérêt de l'exploitation commerciale future et qu'ils représentent un enrichissement futur de la SCI à l'issu du contrat de bail.

7. Cependant, il résulte de l'instruction que les travaux en cause dépassaient la simple qualification de travaux d'aménagement intérieur et comprenaient des travaux de construction affectant le clos et le couvert et relevaient de la création de surfaces nouvelles affectées à l'hébergement touristique. En outre, rien ne permet d'affirmer que, comme il est soutenu, les parties se seraient entendues pour répartir la prise en charge des travaux autrement que ce qui était prévue à l'origine et acté par le conseil d'administration de l'association. Si la société et l'association ont conclu un bail commercial, le 1er juin 2017, celui-ci ne règle pas le sort des travaux entrepris antérieurement à sa conclusion, le bail stipulant, au demeurant, que les travaux affectant le clos et le couvert restaient à la charge du bailleur. Enfin, il n'est pas soutenu que les dépenses correspondantes auraient été déduites du montant des loyers à percevoir alors que l'enrichissement invoqué pour justifier la prise en charge des travaux est un enrichissement futur hypothétique, qui ne pourrait éventuellement être constaté qu'à la date de la levée d'option, soit hors de la période d'imposition en litige.

8. En deuxième lieu, la circonstance qu'une association effectue, à son compte, des travaux sur l'immeuble mis à sa disposition par une SCI ne constitue pas un acte anormal si ces travaux ont pour objet l'utilisation de cet immeuble par l'association et si l'avantage résultant pour le bailleur de ce que les travaux lui bénéficient n'est pas disproportionné à l'avantage réciproque qu'il consent à cette dernière.

9. M. A... et Mme C... font valoir que la prise en charge des dépenses de travaux par l'association Ressources comportait pour cette dernière une contrepartie en ce qu'ils ont été réalisés dans son propre intérêt pour lui permettre d'exploiter l'immeuble et à terme d'en devenir propriétaire, le bail commercial étant assorti d'une promesse de vente unilatérale avec prix dégressif. Mais il résulte de l'instruction que l'association a accepté de prendre en charge des dépenses de travaux en 2016 et 2017 sur un immeuble dont elle n'était ni propriétaire, ni locataire, et ce alors qu'aucun document ne permettait de lui laisser penser qu'un bail commercial serait un jour signé. Ce bail, au demeurant, n'a été conclu que le 1er juin 2017, peu de temps avant l'envoi à l'association Ressources d'un avis de vérification de comptabilité. La vente, en outre ne présentait qu'un caractère hypothétique à la date à laquelle les travaux ont été entrepris et financés par elle. D'ailleurs, la promesse de vente unilatérale dont était assorti le bail supposait l'exploitation de l'immeuble par l'association sur une longue période, sans garantie de succès alors que le bien a fait l'objet d'une promesse de vente à un couple de particuliers dès décembre 2018, alors que l'association ne payait plus les loyers depuis plusieurs mois et que la vente s'est concrétisée en septembre 2019 au profit de la SCI Epidaure.

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'alors que le conseil d'administration de l'association Ressources, dont M. A... était administrateur, avait donné mandat à Mme C..., sa directrice générale, pour rechercher un immeuble afin d'y réaliser un projet de chambre d'hôtes lié à l'insertion, seul l'immeuble appartenant à la SCI Epidaure, dont ils étaient les associés, lui a été proposé. Les travaux qui visaient la création d'une résidence meublée de tourisme ont été réalisés, en outre, par la société A3PICS, société dirigée par M. A.... Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces éléments étaient de nature à établir des relations d'intérêts permettant de présumer d'une libéralité.

11. Enfin la circonstance que les travaux aient été inscrits dans la comptabilité de l'association est sans incidence sur le caractère occulte de la distribution dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.

12. Il résulte de ce qui précède et sans que les requérants puissent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 200-5 du livre des procédures fiscales selon lesquelles : " Lorsque l'administration n'a pas, à l'expiration d'un délai de six mois suivant la date de présentation de l'instance, produit ses observations, le président du tribunal administratif peut lui accorder un nouveau délai de trois mois qui peut être prolongé, en raison de circonstances exceptionnelles, sur demande motivée ", qui sont, en tout état de cause, sans application au débat contentieux en appel, que l'administration établit qu'en finançant ces travaux qui n'incombaient pas à l'association Ressources eu égard à leur nature propre et aux délibérations du conseil d'administration des 28 octobre 2014 et 1er juillet 2015, celle-ci a fait bénéficier la SCI Epidaure d'un avantage occulte constitutif d'une libéralité taxable entre les mains de ses associés, en relation d'intérêt avec elle. Par suite, c'est par une exacte application de l'article 111 c du code général des impôts que l'administration a imposé des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017 entre les mains de M. A... et Mme C....

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D... A... et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur,

JS. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°22LY00336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00336
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SEUTET ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly00336 ?
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