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31/01/2024 | FRANCE | N°23LY01376

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 31 janvier 2024, 23LY01376


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler les décisions du 3 octobre 2022 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de

100 euros par jour de retard.



Par un jugement n° 2207317 du 17 mars 2023, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler les décisions du 3 octobre 2022 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2207317 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de la Savoie de délivrer à Mme B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la même date.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le jugement n° 2207317 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- Mme B... n'a pas établi la continuité de son séjour en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté.

- les moyens allégués au soutien de sa demande ne sont pas fondés.

Mme B..., régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 17 avril 1944, est entrée en France le 2 février 2002 selon ses déclarations. Elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui a fait l'objet d'une décision de rejet assortie d'une obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de l'Isère le 28 septembre 2018. Le recours exercé à l'encontre de ces décisions a été rejeté, par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2019 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 8 novembre 2019. Le 16 décembre 2021, Mme B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ou subsidiairement, sur celui de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 octobre 2022, le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement 17 mars 2023, dont le préfet de la Savoie interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de la Savoie de délivrer à Mme B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la même date.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".

3. A l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour dont elle a fait l'objet, Mme B... soutient, qu'au regard de la durée de son séjour en France, elle remplissait les conditions du 1) de l'article 6 de l'accord franco algérien précité justifiant la délivrance d'un certificat de résidence algérien de plein droit. Cependant, si Mme B... se prévaut d'une présence continue en France depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, il ressort des pièces du dossier que pour justifier de sa présence au titre des années 2019 à 2021 Mme B... n'a produit que deux avis d'impôt sur le revenu, un relevé bancaire de mai 2019, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du 8 septembre 2019 et une prescription médicale relative au vaccin anti grippal datée du 15 octobre 2019 et deux documents relatifs à la vaccination contre la Covid 19 datés respectivement des 21 janvier et 11 mai 2021. Ces documents épars et les attestations établies pour les besoins de la cause par sa fille et ses petits enfants ne sont pas suffisants pour établir sa présence continue en France au cours des années 2019 à 2021.Ainsi, la réalité de sa présence continue sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée ne peut être regardée comme établie. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les autres moyens de la demande :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par, Mme D... A..., directrice de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture de la Savoie qui disposait d'une délégation de signature à cette fin en vertu d'un arrêté n° 70-2022 du 23 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, en application de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est tenu de saisir la commission du titre du séjour du seul cas des algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues par l'accord franco-algérien auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les demandeurs qui se prévalent de ces stipulations. Les dispositions de l'article L. 435-1 du même code n'étant pas applicables aux ressortissants algériens, la saisine de la commission du titre de séjour prévue par ces dernières dispositions est en revanche sans portée utile pour ces ressortissants.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, Mme B... n'établit pas résider en France de façon habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Si elle fait valoir qu'elle est divorcée depuis le 9 juillet 1980 et se prévaut de la présence en France de deux de ses enfants et de six petits-enfants de nationalité française, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 58 ans au moins et où résident son frère et ses autres enfants. A cet égard, si elle fait valoir que seule l'une de ses filles résiderait encore en Algérie et qu'elle n'entretiendrait plus de lien avec elle, elle ne produit aucun élément de nature à l'établir. Si elle se prévaut des liens avec ses petits-enfants, elle ne justifie pas d'obstacle s'opposant à ce que ces derniers lui rendent visite en Algérie ou à ce qu'elle puisse revenir en France sous couvert d'un visa visiteur. Enfin, si elle soutient que son état de santé nécessite la présence permanente de sa fille à ses côtés, elle ne produit aucun justificatif de nature à l'établir. En outre, elle a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, en dernier lieu par un arrêté du préfet de l'Isère le 28 septembre 2018, devenues définitives qu'elle n'établit pas avoir exécutées. Dans ces circonstances et eu égard à ses conditions de séjour sur le territoire français, le préfet de la Savoie n'a pas porté une atteinte excessive au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, par conséquent, être écartés.

8. En troisième lieu, Mme B... ne relevant pas des prévisions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet de la Savoie n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour. Les stipulations du 1° de l'article 6 du même accord n'ayant pas d'équivalent dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Savoie n'était, en tout état de cause, pas tenu de consulter la même commission pour ce volet de la demande.

9. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. "

10. La circonstance selon laquelle l'état de santé de Mme B..., notamment à raison d'un accident vasculaire cérébral survenu le 4 septembre 2018 et de ses pathologies cardiaques, justifierait un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité n'est pas suffisamment établie. En tout état de cause, sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, soulevé à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 3 octobre 2022 refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207317 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01376
Date de la décision : 31/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-31;23ly01376 ?
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