Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 6 octobre 2022 par lesquels le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°s 2207533-2207558 du 14 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... B... et prononcé la suspension des effets de la seule obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Sène, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 14 octobre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 octobre 2022 ; subsidiairement, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente et dès notification de la décision à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen selon lequel la décision refusant un délai de départ volontaire viole le 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne répond pas à la question de savoir si son comportement constituait une menace à l'ordre public pouvant justifier un refus de délai de départ volontaire ;
- les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, sont insuffisamment motivées ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison du dépôt d'une demande de titre de séjour ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne procède pas d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; le risque de fuite n'est pas établi compte tenu du dépôt de sa demande de titre de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... B..., ressortissant tunisien né le 18 novembre 1988, relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 14 octobre 2022 en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 octobre 2022 par lesquels le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, et l'arrêté du même jour par lequel le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le préfet du Rhône a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... B... aux motifs que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, d'une part, et qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, d'autre part. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté comme non fondé le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir considéré que le préfet du Rhône aurait pris la même décision de refus de délai de départ volontaire s'il ne s'était fondé uniquement sur l'existence d'un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français. La circonstance que le premier juge n'aurait pas expressément statué sur l'absence de menace pour l'ordre public ne saurait faire regarder la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon comme ayant omis de répondre à un moyen.
Sur la légalité des arrêtés du 6 octobre 2022 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. A... B... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
4. En deuxième lieu, M. A... B... soutient que, contrairement à ce qu'a estimé la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon, il avait bien déposé une demande de titre de séjour préalablement à l'arrêté attaqué, comme en témoigne l'attestation de dépôt de cette demande, de sorte qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
5. Toutefois, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative prononce une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui, étant en situation irrégulière à la date de cette demande, se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1°, 2° ou 4° à 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet du Rhône pouvait légalement prendre à l'encontre de M. A... B... une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1, qui vise le cas de l'étranger ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qui s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... B... vise les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé est actuellement en garde à vue pour des faits de violences conjugales, pour lesquels il est personnellement mis en cause, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, dès lors qu'entré irrégulièrement en France, il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et ne dispose pas de moyens d'existence effectifs. Elle comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir que le préfet du Rhône n'a pas tenu compte de ses déclarations en garde en vue le 6 octobre 2022, il ne ressort de la motivation précitée que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... B..., avant de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
8. En troisième lieu, aux termes de de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...)/ 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
9. M. A... B... se prévaut du contexte entourant les faits qui ont conduit à sa garde à vue pour violences conjugales, ayant occasionné à son épouse quatre jours d'interruption temporaire de travail. Il indique que lors de l'altercation survenue le 28 août 2022, il rentrait avec son épouse d'une soirée en boîte de nuit, qu'il ne lui a pas porté des coups, expliquant que c'est, au contraire, pour se défendre de ceux qu'elle lui assénait qu'il l'a poussée et qu'elle s'est blessée dans sa chute, à laquelle son état d'ébriété avancé a participé. L'intéressée a confirmé à la barre ce récit devant la magistrate désignée, précisant qu'elle était également probablement sous l'emprise de drogues au moment des faits et qu'elle n'a jamais déclaré que son époux l'avait frappée, de telles accusations ayant uniquement été portées par sa famille. Dans ces conditions, M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Rhône a fondé sa décision sur l'existence d'une menace pour l'ordre public.
10. Cependant, le requérant, qui a déclaré être entré irrégulièrement en France en novembre 2021, se trouvait dans le cas visé à l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement en litige. La situation du requérant, en dépit de sa demande de titre de séjour, ne révèle l'existence d'aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions. Le moyen selon lequel le préfet du Rhône aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, M. A... B... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel la décision fixant le pays de renvoi serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
12. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, M. A... B... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel l'interdiction de retour sur le territoire français serait insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.
14. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions à fin d'annulation de sa demande.
17. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03274