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18/01/2024 | FRANCE | N°23LY02594

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 18 janvier 2024, 23LY02594


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 11 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2301392 du 4 juill

et 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 11 mai 2023 du préfet de la Côte-d'O...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 11 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301392 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 11 mai 2023 du préfet de la Côte-d'Or refusant de renouveler le titre de séjour de M. A... (article 1er), a enjoint audit préfet de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus de la demande de l'intéressé (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Dijon.

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.

Il soutient que :

- compte tenu de la gravité des faits commis par l'intéressé, il pouvait légalement lui refuser le renouvellement de son titre de séjour ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il demande à la cour de se reporter aux observations produites en première instance.

Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Souidi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat, une somme de 3 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, il demande à la cour :

- de condamner l'Etat à verser une somme de 4 000 euros au titre d'amende pour recours abusif à l'association Cimade ou toute autre association ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'introduction de sa requête abusive ;

- d'assortir les obligations prononcées par le tribunal, de réexamen de sa situation et de versement d'un montant de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 d'une astreinte de 300 euros par jour de retard et par obligation à compter du jour de la décision à intervenir.

Il soutient que :

- la requête n'est pas recevable car elle est tardive et ne comporte aucune critique réelle du jugement ;

- les faits commis ne sont pas de nature à faire naître un risque à l'ordre public ;

- la requête présente un caractère dilatoire de nature à justifier que la cour condamne l'Etat au paiement d'une amende pour requête abusive ainsi que d'une indemnité à son profit, à titre de réparation des préjudices subis.

- la décision du préfet est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte de manière injustifiée et disproportionnée au droit fondamental au respect de la vie privée et familiale ;

- elle méconnaît le droit fondamental de l'enfant ;

- elle méconnaît la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les observations de Me d'Ovidio, représentant le préfet de la Côte-d'Or et de Me Souidi, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 11 décembre 1984, est entré régulièrement en France, le 14 octobre 2019, muni d'un visa D valable du 9 octobre 2019 au 9 octobre 2020. Il a bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " passeport talent chercheur ", valable du 29 octobre 2020 au 28 octobre 2021, puis d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable jusqu'au 28 novembre 2022, dont il a demandé le renouvellement. Par décisions du 11 mai 2023, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par jugement n° 2301392 du 22 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement et dans les limites prévues par l'article L. 614-7 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a, d'une part, renvoyé à la formation compétente du tribunal les conclusions de la requête n° 2301392 tendant à l'annulation de la décision relative au séjour contenue dans l'arrêté du 11 mai 2023, ainsi que les conclusions accessoires dont elles sont assorties et les conclusions relatives aux frais de l'instance, d'autre part, annulé les décisions du 11 mai 2023 du préfet de la Côte-d'Or faisant obligation à M. A... de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2301392 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 11 mai 2023 du préfet de la Côte-d'Or refusant de renouveler le titre de séjour de M. A... (article 1er), a enjoint audit préfet de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus de la demande de l'intéressé (article 4). Le préfet de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement du 4 juillet 2023. M. A... sollicite pour sa part, la condamnation de l'Etat à une amende et à des dommages et intérêts, au vu du caractère abusif de l'appel du préfet, ainsi que la fixation d'une astreinte en vue de l'exécution du jugement attaqué.

2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or, pour refuser de renouveler le titre de séjour à M. A... en qualité de salarié, s'est fondé sur le motif unique tiré de ce que la présence en France de ce dernier constituait une menace à l'ordre public en raison de ce qu'il avait été reconnu comme l'auteur de violence sans incapacité commise sur sa conjointe le 4 juin 2022, que pour ce motif une mesure de classement sans suite sous condition d'accomplissement d'un stage de responsabilisation aux violences de couple lui avait été notifiée par le procureur de la République de Besançon, et qu'en conséquence son " comportement délictuel " était " établi ". Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite de la notification, le 16 août 2022, du classement sans suite sous condition de cette mesure judiciaire décidée, le 5 juin 2022, par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Besançon, l'intéressé s'est acquitté de toutes les formalités préalables à la participation au stage de sensibilisation aux violences conjugales, que le 27 décembre 2022, il a reçu une convocation pour les 26 et 27 juin 2023, et qu'il a effectué ce stage. Dans ces conditions, et en dépit des faits dont l'intéressé ne conteste d'ailleurs pas la matérialité, ainsi que de leur caractère récent, en s'abstenant de tenir compte de la volonté de l'intéressé de se soumettre à une mesure de sensibilisation aux violences conjugales et en refusant de renouveler son titre de séjour au seul motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, le préfet de la Côte-d'Or a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 11 mai 2023 refusant de renouveler le titre de séjour de M. A....

Sur les demandes présentées par M. A... :

En ce qui concerne la demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'une amende pour recours abusif :

5. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ".

6. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. A... tendant à ce que l'Etat soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables. En tout état de cause, le recours formé par l'Etat ne peut, en l'espèce, être regardé comme présentant un caractère abusif au sens des dispositions précitées.

En ce qui concerne la demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive :

7. En raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le requérant soit condamné à payer à une personne mise en cause, des dommages et intérêts pour procédure abusive, ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que des dommages et intérêts lui soit accordés à raison du " recours abusif " du préfet de la Côte-d'Or doivent être rejetées.

En ce qui concerne la demande tendant à l'exécution du jugement attaqué :

8. M. A... n'est pas recevable à demander que la cour enjoigne au préfet du préfet de la Côte-d'Or d'exécuter le jugement rendu à son profit dans le cadre de l'appel introduit par cette autorité contre les décisions litigieuses. Il lui appartient seulement, s'il s'y croit fondé, de saisir le président de la cour d'une demande d'exécution de ce jugement sur le fondement des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-5 du code de justice administrative. Ainsi lesdites conclusions ne peuvent être accueillies dans la présente instance.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par le préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02594

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02594
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SOUIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;23ly02594 ?
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