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11/01/2024 | FRANCE | N°23LY01701

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 11 janvier 2024, 23LY01701


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 15 décembre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un certificat de résidence, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement nos 2300597 - 2300599 du 18 avril

2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés et a enjoint au préfet de l'Isère d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... et Mme B... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 15 décembre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un certificat de résidence, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement nos 2300597 - 2300599 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés et a enjoint au préfet de l'Isère de leur délivrer des certificats de résidence algériens et de les munir, dans l'attente, d'autorisations provisoires de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de M. et Mme A... tendant à l'annulation des arrêtés du 15 décembre 2022.

Le préfet de l'Isère soutient que :

- les arrêtés ne méconnaissent pas l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- ils ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les moyens soulevés en première instance à l'encontre du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour sur le territoire français sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 7 juin 2023, M. et Mme A... représentés par Me Huard concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle est disproportionnée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 5 septembre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2023.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants algériens, nés respectivement en 1982 et 1985, sont entrés en France, le 24 mars 2017, sous couvert de visas de court séjour. Ils ont fait l'objet, le 21 juillet 2017, d'arrêtés préfectoraux de refus d'admission au séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français avec astreinte de présentation dont la légalité a été confirmée par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 juin 2018. Ils ont sollicité, le 14 septembre 2022, la délivrance de certificats de résidence sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien. Par des arrêtés du 15 décembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 18 avril 2023, dont le préfet relève appel, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les deux demandes, a annulé les arrêtés du 15 décembre 2022 et enjoint au préfet de l'Isère de leur délivrer des certificats de résidence et de les munir, dans l'attente, d'autorisations provisoires de séjour.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :

2. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien , qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... se sont maintenus en France malgré les décisions de refus d'admission au séjour et d'éloignement dont ils ont été l'objet, dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 juin 2018. L'état de santé des parents de M. A..., de nationalité française, ne justifie pas sa présence à leur côté ainsi que celle de son épouse, dès lors que la sœur de M. A..., qui est marié à un ressortissant français, est en mesure de les assister. Nonobstant les promesses d'embauche dont se prévaut M. A... pour un emploi à temps partiel et les qualifications de son épouse, l'intégration sociale et professionnelle du couple n'a aucun caractère de pérennité. Ils n'ont, du reste, pas sollicité de titre de séjour de régularisation sur ce fondement alors même qu'ils s'investissaient dans le secteur associatif et sportif. A l'inverse, les formations professionnelles des intéressés permettent leur réinsertion en cas de retour en Algérie, où ils ne sont pas isolés, dès lors que la famille de Mme A... y réside. Il n'est pas non plus établi que la grossesse de l'intéressée ne peut être prise en charge dans le pays d'origine des époux. Enfin, la présence sur le territoire des intéressés d'une durée de six ans ne suffit pas, en soi, à leur ouvrir droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien de 1968 à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés en litige, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que ces stipulations et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne les moyens communs aux arrêtés contestés :

5. Il ressort des termes mêmes des arrêtes attaqués que le préfet de l'Isère s'est livré à un examen détaillé et non stéréotypé de la situation personnelle des intéressés. Les moyens tirés de ce que les décisions ne seraient pas motivées, seraient entachées d'un défaut d'examen de la situation personnelle des intéressés et d'erreur de droit doivent, par suite, être écartés.

En ce qui concerne les refus de titre de séjour :

6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. La circonstance que les enfants du couple ont débuté leur scolarité en France où est né le cadet et qu'ils y soient intégrés notamment par la pratique sportive de l'aîné ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet, à la date de la décision en litige, selon laquelle les enfants pourront accompagner leurs parents, de même nationalité qu'eux, et poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit donc être écarté.

8. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, et malgré les efforts d'intégration de M. et Mme A..., le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés et de leur famille.

S'agissant des obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des refus de titre de séjour à l'encontre des obligations de quitter le territoire français.

10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3, 7 et 8 du présent arrêt, les arrêtés en litige n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des requérants.

S'agissant des interdictions de retour sur le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondé à exciper de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français à l'encontre des interdictions de retour sur le territoire français.

12. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

13. M. et Mme A... font valoir que, dès lors que le préfet s'est fondé sur l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est applicable aux ressortissants étrangers se voyant notifier une mesure d'éloignement et ne respectant pas le délai de départ volontaire, ce qui n'est pas leur cas, les arrêtés sont dépourvus de base légale.

14. Toutefois, il est constant que M. et Mme A..., qui se sont maintenus sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire imparti par les arrêtés du 21 juillet 2017, à la date des arrêtés du 15 décembre 2022 présentaient un risque sérieux de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français que leur avait été notifiée le préfet de l'Isère, en application de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils se trouvaient, par suite, en toute hypothèse, dans la situation où, en application de ces mêmes dispositions, le préfet de l'Isère pouvait légalement décider de ne pas leur octroyer de délai de départ volontaire.

15. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "

16. Pour prononcer les interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de l'Isère a relevé que le fait que les requérants, nonobstant l'absence de menace à l'ordre public, n'avaient pas exécuté les décisions d'éloignement précédentes, le caractère insuffisant des liens avec le territoire français alors que Mme A... dispose d'attaches dans son pays d'origine, ce qui est nécessairement le cas pour M. A... et la possibilité d'y reconstituer la cellule familiale avec leurs enfants. Ainsi qu'il a été dit, ni l'insertion personnelle des requérants et de leurs enfants, ni la présence sur le territoire français des parents de M. A... ne leur ouvrent droit au séjour ni ne fait obstacle à leur éloignement. Dans ces conditions, les interdictions de retour sur le territoire français d'un an qui leur sont opposées ne sont ni disproportionnées, ni entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.

17. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. et Mme A....

Sur les frais liés :

18. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque au titre des frais liés à l'instance d'appel soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 avril 2023 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... et Mme B... D... épouse A....

Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

J-S. LavalLe président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01701
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23ly01701 ?
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