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11/01/2024 | FRANCE | N°23LY01540

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 11 janvier 2024, 23LY01540


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du préfet de l'Isère née du silence gardé sur sa demande de titre de séjour du 8 novembre 2019.



Par un jugement n° 2006946 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Vigneron, demande à la

cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;



3°) d'enjoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite du préfet de l'Isère née du silence gardé sur sa demande de titre de séjour du 8 novembre 2019.

Par un jugement n° 2006946 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre, dans l'attente, au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser directement à son conseil, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit, une erreur manifeste d'appréciation et a dénaturé les pièces du dossier ;

- la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'incompétence de son auteur et elle méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée de défaut de motivation ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Le préfet de l'Isère, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

Un mémoire présenté par Mme B... a été enregistré le 12 décembre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante du Nigéria née le 24 novembre 1986, mère de C... Nsungu, née le 21 mai 2011, de Declan B... né le 13 août 2014 et de Martha Osebhajiemen née le 13 octobre 2019, est entrée sur le territoire français en 2010 selon ses déclarations. Elle a déposé le 8 novembre 2019 auprès de la préfecture de l'Isère une demande de délivrance d'un titre de séjour, laquelle a donné lieu à une décision implicite de rejet faute de décision expresse dans le délai de quatre mois. Mme B... relève appel du jugement du 26 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation du refus implicite d'admission au séjour

2. Mme B... a présenté une demande de titre de séjour le 8 novembre 2019 sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Si elle a adressé, le 25 janvier 2021, au préfet de l'Isère un courrier par lequel elle s'est prévalue du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au titre de séjour délivré au parent d'enfant français, elle indique, dans la partie " I. Faits et procédure " de ses écritures en appel, qu'elle " s'est présentée le 8 novembre 2019 auprès de la préfecture de l'Isère afin de solliciter la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " (...) et que " à ce jour, elle n'a reçu aucune réponse à sa demande de sorte qu'une décision implicite de rejet est née. C'est la décision attaquée ". Ainsi, eu égard à la teneur de ses écritures, Mme B... doit être regardée comme demandant seulement l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande du 8 novembre 2019 à l'exclusion de la décision prise sur sa demande du 25 janvier 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Mme B... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit, une erreur manifeste d'appréciation et ont dénaturé les pièces du dossier. Toutefois, de tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent, dès lors, être écartés.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

5. Mme B... ne peut utilement se prévaloir, en présence d'une décision implicite de rejet, de ce que cette décision est entachée d'incompétence de son auteur et qu'elle ne respecte pas les dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

7. Si Mme B... produit une demande en date du 18 novembre 2020 de communication des motifs de la décision implicite de rejet, elle ne justifie pas que cette demande est parvenue à la préfecture de l'Isère. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

8. En troisième lieu, Mme B... n'a pas fondé sa demande de titre de séjour du 8 novembre 2019 sur le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, en tant que parent d'enfant français mineur. Elle ne l'a invoqué que dans le cadre de sa lettre adressée au préfet de l'Isère le 25 janvier 2021, soit postérieurement à la naissance de la décision implicite de rejet attaquée. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des nstitutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Si Mme B... déclare séjourner sur le territoire français depuis l'année 2010, elle a vécu vingt-quatre ans dans son pays d'origine, où elle ne peut être dépourvue de toute attache personnelle. Elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française en se limitant à invoquer sa durée de présence en France, et à démontrer ses participations à un atelier socio-linguistique ainsi qu'à l'activité des associations Brin d'Grelinette et Dounia en tant que bénévole, qui sont d'ailleurs postérieures à la décision en litige. De plus, la décision de refus de titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de ses trois enfants et de son concubin, lequel n'a d'ailleurs été autorisé que temporairement à séjourner sur le territoire français pendant la procédure d'examen de sa demande de transfert de son statut de réfugié obtenu en Italie en France. A supposer même que la fille aînée C... de Mme B... soit de nationalité française, la requérante ne démontre pas que le père de C... contribue effectivement à son entretien et à son éducation, alors qu'il ressort du jugement du juge aux affaires familiales de Grenoble du 12 mai 2022 que la procédure judiciaire a été initiée par Mme B... sans que le père de l'enfant ne comparaisse ou ne constitue avocat dans le cadre de cette procédure. La requérante n'établit ni n'allègue, être dépourvue de toute attache familiale au Nigéria où elle a vécu la plus grande partie de son existence. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01540
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23ly01540 ?
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