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11/01/2024 | FRANCE | N°22LY03752

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 11 janvier 2024, 22LY03752


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part d'annuler les décisions du 10 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.



Par un jugement n° 2201912 du 17 novembre 2022, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part d'annuler les décisions du 10 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2201912 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision fixant le pays de renvoi, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Ben Hadj Younes, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201912 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 10 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ou subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de l'omission à statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû privilégier une remise ; il n'est pas motivé sur ce moyen ;

- le refus de séjour est entaché de vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ; il méconnait l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il méconnait l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale faute que le préfet ait recherché prioritairement si une décision de remise aux autorités italiennes était possible ; elle méconnait l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Centaure avocats, conclut au rejet de la requête.

Le préfet de l'Yonne soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée ;

- la directive 2008/115/CE, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les observations de Me D'Ovidio, représentant le préfet de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 13 février 1980, a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation des décisions du 10 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 17 novembre 2022, le tribunal a annulé la décision fixant le pays de renvoi et rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation dont il était saisi. M. B... en interjette appel en tant seulement que le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 621-4 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger, détenteur d'un titre de résident de longue durée - UE en cours de validité accordé par cet Etat, en séjour irrégulier sur le territoire français (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 621-1 du même code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7 (...) ".

5. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat membre de l'Union européenne ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 621-4, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne d'où il provient, sur le fondement de cet article, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

6. En conséquence, le moyen invoqué par M. B... en première instance à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de ce qu'il dispose d'une carte de résident de longue durée en Italie et de ce que le préfet aurait dès lors entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'erreur de droit faute d'avoir prioritairement recherché la possibilité de mettre en œuvre une décision de remise aux autorités italiennes, est inopérant en l'absence de toute disposition ou de tout principe instituant une hiérarchie entre ces procédures d'éloignement dans un tel cas. Le tribunal, qui a régulièrement visé ce moyen, n'a dès lors pas entaché son jugement d'omission à statuer en n'y répondant pas et il n'a pas davantage entaché son jugement de défaut de motivation.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie le 13 février 1980 et qu'il est de nationalité algérienne. Il a résidé en Italie et les autorités italiennes lui ont délivré le 20 juin 2013 une carte de résident de longue durée à validité permanente. Il est entré en France régulièrement le 18 septembre 2018. Il n'a toutefois pas régularisé sa situation en application de l'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définit, y compris pour les ressortissants algériens, la portée de la carte de résident de longue durée prévue par le droit de l'Union, et il s'est maintenu irrégulièrement à l'issue du délai de trois mois qui a suivi son entrée. S'il fait valoir que son ancienne épouse, qui est une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, réside en France, le couple, qui s'était marié en Algérie le 30 octobre 2006, a divorcé par jugement d'un tribunal algérien du 17 avril 2011. Le requérant a vécu en Italie alors que les enfants du couple, nés respectivement le 25 décembre 2008 en Algérie et le 23 juin 2010 en Italie, sont restés avec leur mère. M. B... s'est installé à Auxerre alors que ses enfants demeurent à Marseille avec leur mère. Par ailleurs, si M. B... se prévaut également d'une relation avec une ressortissante française née le 21 décembre 1967, avec laquelle il a conclu un PACS le 16 juin 2021, cette relation, sur laquelle peu d'éléments sont produits, demeure en tout état de cause très récente à la date de la décision attaquée. M. B... conserve nécessairement des attaches personnelles importantes dans son pays d'origine ainsi qu'en Italie, où il a vécu l'essentiel de son existence, alors qu'il n'est présent en France que depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée. Il ne justifie pas d'éléments d'intégration ancrés dans la durée sur le territoire français. Enfin, s'il fait valoir son souhait de conserver ses liens avec ses enfants, d'une part, rien ne fait obstacle à ce qu'il puisse continuer à les aider financièrement, d'autre part, il se borne à produire des éléments, peu probants, sur un à deux voyages par an, en 2021 et en 2022, pour les voir, ce qui demeure possible, notamment depuis l'Italie où il a le statut de résident de longue durée. Compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. B..., le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que sa décision poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien susvisé et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés. Pour les mêmes motifs et alors que cette décision ne fait pas obstacle à ce que M. B... continue à entretenir des relations avec ses enfants, le préfet n'a pas davantage méconnu leur intérêt supérieur au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.

8. En second lieu, M. B... ne remplissant pas effectivement, ainsi qu'il vient d'être dit, les conditions posées par l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien dont il s'est prévalu, le préfet n'a pas entaché sa décision de vice de procédure en ne consultant pas la commission du titre de séjour.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, pour les motifs énoncés aux points 2 à 6 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait été tenu de rechercher prioritairement la mise en œuvre d'une procédure de remise.

10. En second lieu, en l'absence d'autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 7 du présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03752
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens inopérants.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;22ly03752 ?
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