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11/01/2024 | FRANCE | N°22LY03033

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 11 janvier 2024, 22LY03033


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Vert Epsilon a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel la maire de la commune de Neuvecelle a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis d'aménager, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 1805846 du 18 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée

le 17 octobre 2022, la SARL Vert Epsilon, représentée par Me Fiat, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Vert Epsilon a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel la maire de la commune de Neuvecelle a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis d'aménager, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1805846 du 18 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, la SARL Vert Epsilon, représentée par Me Fiat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 de la maire de la commune de Neuvecelle ;

3°) d'enjoindre à la maire de la commune de Neuvecelle de délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à tout le moins, de réexaminer la demande de permis d'aménager dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Neuvecelle la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son projet est compatible avec le futur plan local d'urbanisme (PLU) et notamment l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) de ce secteur ;

- la décision en litige est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire enregistré le 18 septembre 2023, la commune de Neveucelle, représentée par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Vert Epsilon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- les conclusions en injonction ne peuvent être accueillies, la société requérante n'étant plus propriétaire du bien assiette du projet en litige et n'ayant pas confirmé sa demande de permis d'aménager dans le délai de deux mois suivant la fin de la durée du sursis à statuer.

Par ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fiat, représentant la SARL Vert Epsilon, et de Me Duverneuil, représentant la commune de Neuvecelle.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 novembre 2017, la SARL Vert Epsilon a déposé une demande de permis d'aménager portant sur la création de onze lots à bâtir ou à aménager afin de réaliser des constructions individuelles d'une surface de plancher totale de 4 803 m² et vingt-deux places de stationnement, sur un terrain d'une superficie de 7 686 m², cadastré section ..., situé ... au lieu-dit " Poëse " sur le territoire de la commune de Neuvecelle. Le projet de révision du plan local d'urbanisme (PLU), arrêté par délibération du 29 mai 2017 du conseil municipal de la commune de Neuvecelle et soumis à l'enquête publique du 6 novembre 2017 au 6 décembre 2017 et qui sera approuvé par délibération du 5 avril 2018, crée une OAP " En Poëse " sur les parcelles cadastrées section ..., d'une superficie totale de 6 710 m², en les classant en zone 2AUc, sauf pour les petites parcelles ..., d'une superficie de 976 m², qui sont quant à elles classées, respectivement, en zone UE et UC. Par un arrêté du 16 mars 2018, la maire de Neuvecelle a opposé un sursis à statuer sur cette demande de permis d'aménager au motif que le projet était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme (PLU). Par courrier du 14 mai 2018, reçu par la commune le lendemain, la SARL Vert Epsilon a formé un recours gracieux, rejeté implicitement puis par une décision expresse du 9 juillet 2018. La SARL Vert Epsilon a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler cet arrêté, ensemble la décision de rejet du recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 18 août 2022 du tribunal administratif de Grenoble rejetant cette demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / La délibération prise en application de l'alinéa précédent est notifiée aux personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. "

3. Il résulte de ces dispositions que si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

4. Pour opposer à la SARL Vert Epsilon un sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager un lotissement de onze lots à bâtir afin de réaliser des constructions individuelles pour une surface de plancher de 4 803 m² et vingt-deux places de stationnement, la maire de la commune de Neuvecelle a estimé que le projet était de nature à compromettre l'exécution du futur PLU, en ce que le projet est situé dans le périmètre d'une orientation d'aménagement et de programmation (OAP), intitulée " OAP 2 - En Poëse ", dont l'ouverture à l'urbanisation est prévue à l'échéance du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Chablais, et qu'il est prévu sur des parcelles qu'il est envisagé de classer en zone 2AUc, le règlement du futur PLU prévoyant que les zones AU ne seront ouvertes à l'urbanisation qu'à l'occasion d'une révision du PLU.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Neuvecelle a prescrit la révision du PLU par deux délibérations du 23 février 2015 et du 30 avril 2015, qu'il a été débattu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) lors de sa séance du 26 novembre 2015 et que le projet arrêté a été soumis à l'enquête publique du 6 novembre au 6 décembre 2017. Ces éléments traduisaient un état suffisamment avancé du futur PLU pour apprécier, à la date du sursis à statuer en litige du 16 mars 2018, si le projet envisagé était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et donc de nature à permettre le cas échéant, au maire d'envisager d'opposer un sursis à statuer au titre des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet de PLU prévoyait de classer en zone 2AUc les parcelles cadastrées section ..., qui représentent 6 710 m² sur les 7 686 m² que compte le tènement assiette du projet en litige. Cette zone est définie comme une zone à urbaniser en densité 3 devant être ouverte à l'urbanisation à l'échéance du SCoT du Chablais en cours de révision, dans le cadre d'un projet urbain à vocation principale d'habitat visant à préciser l'aménagement, ces parcelles étant en outre situées dans le périmètre de l'" OAP 2 - En Poëse " destinée à transformer un quartier pavillonnaire en respectant les principes de qualité qu'elle définit et dont l'ouverture n'est elle-même prévue qu'à l'échéance de cette révision de SCoT. A cet égard, la procédure de révision engagée en 2015 sur le SCoT approuvé le 23 février 2012 avait donné lieu à un débat sur les orientations du PADD en novembre 2016 et a abouti, par son adoption par délibération du syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais (SIAD) du 30 janvier 2020, et le moyen tiré de la caducité du SCOT approuvé en 2012 sur le fondement de l'article L. 143-28 du code de l'urbanisme est inopérant. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le relevait d'ailleurs le commissaire-enquêteur en réponse aux observations émises par la requérante qui envisageait alors d'acquérir les parcelles en cause, que ce classement, et l'aménagement prévu pour ce secteur dans le cadre de l'OAP, étaient justifiés par le projet de développement incluant la réalisation du RER Sud Leman, et notamment d'une gare sur le territoire de la commune. Le projet avait lui-même vocation à être implanté principalement sur la parcelle ..., qui représente l'essentiel de son terrain d'assiette et notamment sur sa partie nord, ne permettant pas de prévoir l'implantation et l'aménagement des abords d'une gare pour la ligne ferroviaire du RER Sud Leman. Au surplus, l'ouverture à l'urbanisation n'était possible, selon l'OAP n° 2, qu'à l'issue d'une nouvelle révision du PLU. La circonstance que, ainsi qu'il a été dit au point 1, deux petites parcelles comprises dans le tènement sont classées en zone urbaine dans le futur PLU, est sans incidence sur l'appréciation de la demande de permis d'aménager, qui porte sur une opération indivisible qui ne peut faire l'objet d'une appréciation que dans son ensemble. La circonstance que, par délibération du 18 février 2021 postérieure à la décision contestée, la commune ait prescrit une révision de son PLU prévoyant l'implantation de logements sur une petite partie du tènement, est sans incidence sur le litige. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, le projet de création d'un lotissement de onze lots à bâtir et d'une voirie avec cheminements piéton pour une surface de plancher de 4 803 m², dont l'aménagement, indivisible, ne prend pas en compte le projet de réalisation d'une halte de RER, était, alors même qu'il porte sur une opération de logements comme l'envisage également l'OAP, de nature à compromettre l'exécution du futur PLU ou à la rendre plus onéreuse. Il suit de là que, compte tenu de la nature du projet, de la situation des parcelles et du parti d'urbanisme envisagé, la maire de Neuvecelle, en opposant un sursis à statuer à la demande de la requérante, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 424-1 et L. 153-11 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En second lieu, la requérante soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de procédure et de pouvoir en ce que la commune se serait livrée à un " chantage " en sollicitant l'adaptation du permis d'aménager et en essayant de se voir consentir à un prix préférentiel la cession des lots 1, 2, 3 et 4 du permis en litige. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que le motif opposé à la pétitionnaire pour prendre la décision en litige est légal. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la requérante a effectué sa demande de permis d'aménager, elle n'était pas encore propriétaire du tènement litigieux. La circonstance que la maire de la commune ait proposé à la pétitionnaire de modifier son projet pour qu'il ne rende pas plus coûteux ou ne compromette pas l'exécution du nouveau PLU, et que la commune, suite au refus de la pétitionnaire, ait finalement repris à son propre compte cette proposition, ne révèle aucun détournement de pouvoir dans le sursis à statuer opposé le 16 mars 2018, étant au demeurant précisé que la commune a, postérieurement à la décision de sursis à statuer, acquis les parcelles litigieuses sur proposition de la pétitionnaire, à un prix supérieur à celui auquel cette dernière avait fini par les acquérir. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Vert Epsilon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, et que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Vert Epsilon la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Neuvecelle dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Neveucelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à la SARL Vert Epsilon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Vert Epsilon est rejetée.

Article 2 : La SARL Vert Epsilon versera la somme de 2 000 euros à la commune de Neveucelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Vert Epsilon et à la commune de Neveucelle.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente-rapporteur,

Mme Christine Djebiri, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-Schouder

La première conseillère la plus ancienne,

C. Djebiri

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03033
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;22ly03033 ?
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