Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le GAEC de B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Valleiry du 21 décembre 2017 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1803825 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil municipal de la commune de Valleiry du 21 décembre 2017, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation " environnement - paysage " comporte certaines dispositions, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 décembre 2021 et le 2 novembre 2022, le GAEC de B... et M. A..., représentés par Me Fiat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Valleiry du 21 décembre 2017 approuvant le plan local d'urbanisme dans sa totalité, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de rejeter l'appel incident de la commune de Valleiry ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Valleiry une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " environnement - paysage " est incohérente avec les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; les parcelles du GAEC ne sont pas identifiées par les documents du plan local d'urbanisme, en particulier le règlement graphique, comme nécessaires à la préservation des continuités écologiques ;
- la commune a opéré une confusion entre OAP thématique et OAP sectorielle et l'institution d'une OAP s'avérant sectorielle révèle un détournement de pouvoir compte tenu de la qualité de l'exploitant agricole concerné par cette OAP, alors conseiller municipal de l'opposition ;
- les règles relatives au sens d'implantation des serres, contenues dans l'OAP " environnement - paysage ", ont également une nature prescriptive, proscrite dans un tel outil juridique ; en tout état de cause, ce choix est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, la commune de Valleiry, représentée par Me Gautier, conclut, par un appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions des requérants, au rejet de leurs conclusions et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'OAP " environnement - paysage " se contente de déterminer des dimensions minimales et maximales pour garantir les continuités écologiques et ne peut être regardée comme fixant les caractéristiques des constructions et, dès lors que le règlement renvoie à l'OAP pour la fixation des normes de construction, elle ne peut être regardée comme portant, par elle-même, détermination de normes prescriptives ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a annulé partiellement la délibération approuvant son PLU en tant qu'elle porte sur cette OAP dans la mesure où celle-ci comporte des normes prescriptives ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,
- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,
- et les observations de Me Fiat, représentant le GAEC de B... et M. A..., et de Me Rourret, représentant la commune de Valleiry.
Une note en délibéré présentée pour le GAEC de B... et M. A... a été enregistrée le 22 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 21 décembre 2017, le conseil municipal de la commune de Valleiry a approuvé son plan local d'urbanisme (PLU). Le GAEC de B... et M. A... ont introduit un recours gracieux le 19 février 2018, notifié le 20 février 2018, qui a été implicitement rejeté. Ils ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " environnement - paysage " dispose que " la largeur maximale de chaque serre ne devra pas excéder 40 mètres (soit 5 travées mitoyennes de 8 m environ ou 4 de 10 m). / Un espace d'au minimum 24 mètres de large devra être laissé libre entre chaque ensemble de serres (...). / Chaque fossé doit être bordé d'un espace végétalisé non cultivé représentant au moins 5 mètres de large. Les espaces végétalisés d'accompagnement des fossés devront accueillir une variété d'espaces floristiques favorisant l'écosystème des batraciens. " Le GAEC de B... et M. A... en relèvent appel en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions. La commune de Valleiry relève appel incident de ce jugement, en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions des demandeurs.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports et les déplacements (...) ".
3. Les requérants font valoir que le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) prévoit de " préserver l'intégralité des terres agricoles valleiryennes en dehors de l'enveloppe urbaine " en considérant que " le maintien de l'agriculture et de ses conditions d'exploitation " en constitue l'un des objectifs. Ils soutiennent que l'OAP " environnement - paysage ", ayant vocation à s'appliquer " aux espaces agricoles traversés par des corridors écologiques dans le secteur de Grateloup " (également dénommé " B... "), fait peser des contraintes particulièrement importantes sur l'activité agricole, obérant toute possibilité de développement et de garantie de pérennité de l'exploitation du GAEC. Ils soutiennent en outre que leurs parcelles ne sont pas identifiées dans le diagnostic territorial comme présentant un enjeu en termes d'environnement. Ils en déduisent que les dispositions de l'OAP en cause sont incohérentes avec cette orientation du PADD.
4. Il ressort toutefois du rapport de présentation, s'agissant du diagnostic de l'existant, que les parcelles des requérants sont identifiées comme constituant une zone humide, et le bassin de rétention est décrit comme reconnu pour son importance écologique majeure pour la faune et objet d'actions " dans le cadre du contrat corridor ". Ce même rapport de présentation indique que les zones humides de la commune constituent des éléments structurants de la trame bleue communale. Il fait aussi état d'une trame jaune (espaces agricoles), en y intégrant précisément les terres agricoles du secteur de B..., ainsi que l'ensemble des prairies permanentes, qui peuvent être considérées comme des " zones nodales réservoirs de biodiversité, des couloirs biologiques ou des zones de repos pour les oiseaux migrateurs ". Elles y sont identifiées plus précisément ensuite comme étant traversées par un corridor écologique. Si le rapport de présentation précise vouloir, dans son objectif 1.4, préserver l'espace agricole et ses conditions d'exploitation, soumis à une forte pression foncière, il entend parallèlement, dans ses objectifs 2.2. et 2.3., " restaurer les milieux naturels fragilisés et fragmentés (zones humides, ripisylves...) " et " garantir les corridors écologiques " terrestres et aquatiques en interdisant les ouvrages et constructions visant à altérer le fonctionnement de ces liaisons essentielles pour les espèces végétales ou animales, mais surtout en y précisant les principes d'aménagement et mesures concrètes permettant d'y parvenir et qui sont insérées dans l'OAP thématique " environnement - paysage ", qui couvre le secteur de B.... Ces mêmes objectifs se retrouvent dans les objectifs du PADD. Par suite, en l'absence de toute incohérence de l'OAP en cause avec ces objectifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme doit être écarté.
5. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que l'OAP " environnement - paysage " ne serait pas une OAP dite " thématique ", mais une OAP dite " sectorielle ", qui nécessitait sa représentation dans le document graphique du PLU en application de l'article R. 151-6 du code de l'urbanisme et de ce que la délibération en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune ; / (...) 4° Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager ; 5° Prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics (...) ". D'autre part, aux termes du chapitre 2 " Dispositions communes à toutes les zones " du règlement du PLU, s'agissant des secteurs de préservations des corridors écologiques : " (...). Les constructions, installations ou ouvrages agricoles sont autorisés s'ils respectent les orientations définies dans l'OAP thématique " environnement et paysage ".
7. En matière d'aménagement, une OAP implique un ensemble d'orientations définissant des actions ou opérations visant, dans un souci de cohérence à l'échelle du périmètre qu'elle couvre, à mettre en valeur des éléments de l'environnement naturel ou urbain ou à réhabiliter, restructurer ou aménager un quartier ou un secteur. Elles peuvent, en vertu de l'article L. 151-7 du code de l'urbanisme, prendre la forme de schémas d'aménagement. Si les auteurs du PLU précisent, en principe, dans le règlement du PLU, les principales caractéristiques des voies et espaces publics, ils peuvent aussi renvoyer le soin à une OAP de fixer précisément les caractéristiques des constructions susceptibles d'être réalisées, à condition que le règlement y renvoie expressément, conférant alors aux dispositions de l'OAP une valeur réglementaire.
8. En l'espèce, l'OAP " environnement - paysage " en cause définit notamment le sens d'implantation des serres comme devant être perpendiculaire à la route de B..., impose la création de fossés de recueils végétalisés des eaux pluviales permettant le passage de batraciens entre les serres, précise que " la largeur maximale de chaque serre ne devra pas excéder 40 mètres (soit 5 travées mitoyennes de 8m environ ou 4 de 10m). ", qu'un " espace d'au minimum 24 mètres de large devra être laissé libre entre chaque ensemble de serres " et que " chaque fossé doit être bordé d'un espace végétalisé non cultivé représentant au moins 5 mètres de large ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, le règlement du PLU, en son chapitre 2, a, ainsi qu'il le pouvait, expressément renvoyé à cette OAP " environnement - paysage " le soin de définir les caractéristiques des installations ou ouvrages agricoles pouvant être construits dans les secteurs de préservation des corridors écologiques. Dans ces conditions, la commune de Valleiry est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a partiellement fait droit aux conclusions du GAEC de B... et de M. A... en annulant partiellement cette OAP au motif qu'elle comportait des prescriptions qui ne pouvaient se trouver que dans le règlement du PLU, et que, pour les mêmes raisons, les requérants ne sont pas fondés à demander son annulation totale.
9. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le GAEC de B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leurs conclusions et, d'autre part, que la commune de Valleiry est fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions des requérants.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Valleiry, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. B... et à M. A... au titre des frais de l'instance.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC de B... et de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Valleiry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GAEC de B... et de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2021 est annulé en tant qu'il fait partiellement droit aux conclusions du GAEC de B... et de M. A.... Les conclusions correspondantes présentées en première instance par ces derniers sont rejetées.
Article 3 : Le GAEC de B... et M. A... verseront la somme de 2 000 euros à la commune de Valleiry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de B..., à M. C... A... et à la commune de Valleiry.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente-rapporteur,
Mme Christine Djebiri, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.
La présidente-rapporteure,
M. Mehl-Schouder
La première conseillère la plus ancienne,
C. Djebiri
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY04040