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16/11/2023 | FRANCE | N°23LY00116

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 23LY00116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé, l'un et l'autre, l'annulation des arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204517- 2204518 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistré le 12 janvier 2023, M. et Mme C...,

représentés par Me Delbès, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé, l'un et l'autre, l'annulation des arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204517- 2204518 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistré le 12 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Delbès, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 23 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme C... soutiennent que :

- les décisions ne sont pas motivées ;

- elles sont entachées d'erreur de fait ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tant à l'égard de l'intensité de leur insertion en France qu'à l'égard de leur situation dans leur pays d'origine.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon leurs déclarations, M. et Mme C..., ressortissants arméniens nés respectivement les 12 février et 3 avril 1955, sont entrés sur le territoire français le 8 juin 2017. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile, ils ont obtenu des titres de séjour délivrés en qualité d'étranger malade pour elle et au titre de la vie privée et familiale pour lui, valables du 24 avril 2020 au 23 avril 2021. Par deux arrêtés du 23 mai 2022, le préfet du Rhône leur en a refusé le renouvellement, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. Ils relèvent appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes d'annulation de ces décisions, les a rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. M. et Mme C... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 4 de son jugement.

3. En retenant que les époux C... vivaient depuis plusieurs années séparés de leurs enfants alors qu'ils ont continué de résider en Russie quand leur fils et son épouse sont entrés sur le territoire français à une date non précisée et que leur fille entrée antérieurement sur le territoire a obtenu une carte de résident, qui est délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire qu'à l'issue de quatre années de présence régulière, le préfet du Rhône ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Ainsi les requérants qui, au demeurant, n'établissent pas vivre habituellement avec leurs enfants ne sont pas fondés à invoquer, pour ces motifs, une erreur de fait ou un défaut d'examen et pas davantage une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.

4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Lorsque le défaut de prise en charge invoqué par le demandeur risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

6. Par un avis du 21 juin 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une leucémie lymphoïde chronique et qu'elle est régulièrement suivie au sein du service d'hématologie du centre hospitalier privé Médipôle Lyon-Villeurbanne compliquée par un syndrome de Steven Johnson et une affectation diabétique. Ces éléments ne sont pas de nature, toutefois, à eux seuls, à infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la possibilité pour Mme C... de bénéficier effectivement d'un traitement de suivi approprié en Arménie alors que cette dernière n'apporte pas d'autres éléments particuliers au soutien de sa contestation sur ce point. L'évolution des comorbidités ne permet pas de démontrer que l'évolution de l'état de santé de Mme C... entre les mois de juin 2021 et mai 2022, serait de nature à faire regarder cet avis comme obsolète. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme C... le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait en qualité d'étranger malade.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Ainsi qu'il vient d'être dit le refus de titre de séjour opposé à Mme C... en tant qu'étranger malade est fondé. De ce fait, le motif invoqué par son époux à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade est dépourvu de portée utile. Si les requérants soutiennent résider depuis juin 2017 en France où vivent leurs deux enfants en situation régulière sur le territoire français, ainsi que leurs petits-enfants et être intégrés au regard des attestations qu'ils communiquent, ni la durée de présence en France de M. et Mme C..., ni le fait qu'ils ont bénéficié de titres de séjour pendant un an, du 24 avril 2020 au 23 avril 2021, ni le fait que leurs enfants majeurs sont en situation régulière et qu'ils ont créé des liens avec leurs petits-enfants en France ne suffisent, en soi, à leur ouvrir un droit au séjour en France au titre des liens familiaux en l'absence d'éléments témoignant d'une intégration particulière de leur part, les attestations étant insuffisantes à cet égard. Les intéressés n'établissent pas être dépourvus d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu l'essentiel de leur existence et où résident, selon les termes non contestés des arrêtés attaqués, les sept sœurs de Mme C... ainsi que le frère et la sœur de M. C.... En outre, les intéressés n'établissent pas qu'il existerait un quelconque obstacle à ce qu'ils puissent poursuivre en Arménie leur vie privée et familiale, la protection subsidiaire d'un an accordée à leur fille ne s'y opposant pas alors qu'il se sont vus, quant à eux, refuser une telle protection. Au demeurant, la mesure d'éloignement dont ils sont l'objet ne fait pas obstacle, par elle-même, en l'absence d'interdiction de retour sur le territoire français, à ce qu'ils se rendent en France sous couvert de documents autorisant le séjour, pour rendre visite à leur famille. Par ailleurs, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français prise à leur encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme C... pourra bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine où les intéressés ne peuvent être regardés comme étant en situation d'isolement. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme C... en édictant les décisions contestées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite, être écarté, de même que les moyens tirés de l'erreur de fait, du défaut d'examen et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00116
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-16;23ly00116 ?
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