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16/11/2023 | FRANCE | N°23LY00097

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 23LY00097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme D... C... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par

un jugement nos 2202419 - 2202420 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme D... C... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement nos 2202419 - 2202420 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, M A... et Mme E..., représentés par Me Frery, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ain ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;

4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder sans délai à l'effacement de leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce, à charge pour le conseil, de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour qui les fondent ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ;

- elles méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont entachées d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les observations de Me Tronquet, substituant Me Frery, représentant M. et Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., de nationalité kosovienne, nés respectivement les 3 septembre 1956 et 29 mars 1962, sont entrés sur le territoire français respectivement, selon leurs déclarations, en mars et décembre de l'année 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées. M. et Mme C... ont demandé auprès de la préfecture de l'Ain la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de l'Ain a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en annulation de ces arrêtés. Par un arrêt du 30 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et a renvoyé l'affaire au tribunal administratif. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à nouveau, rejeté leurs demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. et Mme C... font valoir que les premiers juges ont retenu à tort l'existence d'obligations de quitter le territoire antérieures et anciennes dans le cadre de l'examen de leur vie privée et familiale, et ont ainsi commis une erreur de droit, qu'une partie de la motivation du jugement du tribunal administratif est erronée, et que les premiers juges n'ont pas motivé leur jugement de manière sérieuse relativement aux interdictions de retour sur le territoire français en ne tirant pas toutes les conséquences juridiques de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. M. et Mme C... ont vécu respectivement cinquante-quatre ans et quarante-neuf ans au Kosovo, où ils ne peuvent être dépourvus de toute attache personnelle. S'ils séjournent en France depuis l'année 2011, ils ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française en se limitant à se prévaloir de leur durée de séjour. En outre, si M. et Mme C... soutiennent qu'ils vivent en France chez leur fils et leur belle-fille avec leurs deux petits-enfants, tous de nationalité française, ils ont un autre fils et une fille qui vivent au Kosovo et qui ont des enfants. La circonstance, à la supposer établie, que la présence de M. et Mme C... serait indispensable pour leurs petits-enfants lors de l'absence de leur fils et de leur belle-fille, ne leur donne, en soi, aucun droit au séjour en France. Enfin, M. et Mme C... ne démontrent pas avoir des états de santé fragiles en se limitant à produire des certificats d'un médecin généraliste indiquant seulement que leur suivi médical régulier est fait auprès de celui-ci. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C... doivent être écartés.

Sur les obligations de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français.

6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés.

Sur les décisions désignant le pays de destination :

7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir contre les décisions fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français.

8. En second lieu, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des éléments précités de leur vie privée et familiale à l'encontre des décisions fixant le pays de destination. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés.

Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les interdictions de retour sur le territoire français.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. M. et Mme C... ont fait chacun l'objet antérieurement aux décisions en litige de trois mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées. En outre, ainsi qu'il a été énoncé au point 4 du présent arrêt, M. et Mme C... ne démontrent pas l'intensité de leur insertion dans la société française, ni leur dépendance à l'égard de leur fils B... et de leur belle-fille en raison de leur état de santé. De plus, un autre fils et leur fille vivent au Kosovo. Dans ces conditions, et eu égard également à la durée des interdictions de retour, limitée à six mois, les moyens tirés de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions, et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme D... C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00097
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-16;23ly00097 ?
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