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16/11/2023 | FRANCE | N°22LY00296

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 22LY00296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Remue Ménage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source mises à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 15 janvier 2019 au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces retenues à la source.

Par un jugement n° 1906807 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une r

equête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2022, le 13 octobre 2022 et le 31 août 2023, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Remue Ménage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source mises à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 15 janvier 2019 au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces retenues à la source.

Par un jugement n° 1906807 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2022, le 13 octobre 2022 et le 31 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SARL Remue Ménage, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des retenues à la source et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Remue Ménage soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- sa filiale de Hong-Kong auprès de laquelle elle s'approvisionne n'a réalisé pour son compte aucune prestation de service distincte détachable de l'opération d'achat des marchandises, laquelle doit être regardée comme une seule et même opération, échappant à la retenue à la source ;

- doivent être exclues de l'assiette des retenues à la source les sommes supportées au titre de la recherche de fournisseurs, de la négociation des prix, du stockage des marchandises et de leur conditionnement avant leur expédition ainsi que la marge du vendeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 2 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord entre la République Française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République Populaire de Chine du 21 octobre 2010 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Une note en délibéré, présentée pour la SARL Remue ménage, a été enregistrée le 24 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Remue Ménage, dont le siège est à Sassenage (Isère), qui a pour activité l'achat-vente et la distribution de produits destinés à l'équipement du foyer et revend en France des marchandises acquises auprès de la société Remue Ménage Asia, sa filiale, établie à Hong-Kong, a fait l'objet, en 2018, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration a soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts, au taux légal de 33,3 %, les sommes versées en 2015 et en 2016 à sa filiale dont le service a considéré qu'elles étaient la contrepartie de prestations de service fournies par celle-ci. La SARL Remue Ménage relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tenant à la décharge de ces retenues à la source.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments de la demande, répond de façon complète et circonstanciée aux moyens invoqués en première instance par la SARL Remue Ménage. Il est, par suite, suffisamment motivé.

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'assujettissement à la retenue à la source.

3. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.

4. Il résulte de l'instruction que la société Remue Ménage Asia établie à Hong-Kong auprès de laquelle la SARL Remue Ménage s'approvisionne en marchandises produites en Asie, outre ses activités de recherche et d'achat de marchandises auprès de fournisseurs chinois et de mise au point de nouveaux produits, assure, pour le compte de la société française, des fonctions de conseil, de suivi et de surveillance des opérations de production, de gestion du stockage, de contrôle de qualité des fournisseurs locaux et de contrôle de la conformité de la marchandise à l'embarquement, avant expédition, fonctions pour lesquelles elle est rémunérées par des commissions qu'elle facture sous un libellé " order management and quality control commission ". Ces prestations, qui garantissent à la SARL Remue Ménage la réception de produits qu'elle peut directement commercialiser, selon ses choix de gestion au regard des exigences du marché français, en lui évitant de procéder elle-même à l'ensemble de ces vérifications, doivent être regardées comme étant effectivement utilisées en France par la société française pour les besoins de son activité d'achat-revente et de distribution en France de marchandises fabriqués en Asie.

5. La SARL Remue Ménage, qui ne conteste pas avoir bénéficié de ces services de la part de sa filiale, soutient que les prestations réalisées par celle-ci pour son compte ne sont pas détachables de l'opération d'achat de marchandises auprès de la filiale et s'analysent, d'un point de vue économique, en une seule opération, échappant à la retenue à la source. Elle reconnaît toutefois que les prestations de contrôle accomplies à Hong-Kong par la filiale ont pour objet notamment de vérifier que les produits acquis en Asie respectent les normes en vigueur en France et la documentation mise en ligne par sa filiale, à laquelle se réfère le ministre, établit que les prestations rendues par la filiale obéissent à un cahier des charges précis établi par la société française. Il ressort, en outre, du mode de facturation adopté donnant lieu, selon la proposition de rectification, à des factures séparées, l'une relative aux prestations de contrôle et de conformité des marchandises rémunérées par une commission et l'autre relative à la vente des marchandises ou, comme le soutient la société, à une seule facture comportant deux lignes distinctes, que la SARL Remue Ménage a entendu rémunérer séparément les prestations de sa filiale. Si la SARL Remue Ménage soutient que les factures se borneraient à distinguer, d'une part, une simple refacturation " au franc le franc " du prix d'achat du bien revendu par sa filiale et, d'autre part, la marge commerciale réalisée par cette dernière, cette allégation est contredite par le libellé des factures. Au demeurant, à supposer, comme elle l'affirme sans l'établir, que l'achat et la prestation qualité seraient, le plus souvent, facturés ensemble, le fait que les ventes en France et les contrôles qualité effectués par la filiale puissent être regardés comme constituant une opération unique, au sens du droit de l'Union européenne pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, est sans incidence sur l'application de l'article 182 B du code général des impôts. Enfin, le fait que les prestations de la filiale, qui n'a pas d'installation professionnelle permanente en France, aient été matériellement exécutées à Hong-Kong ne permet pas d'échapper à la retenue à la source. Il suit de là que c'est par une exacte application de l'article 182 B du code général des impôts que l'administration a soumis à la retenue à la source les sommes versées la SARL Remue Ménage en rémunération des prestations rendues par sa filiale.

En ce qui concerne le montant de la retenue à la source :

6. La société requérante soutient que les prestations de services relèvent de prix négociés avec sa filiale, que leur prix intègre les marges et les coûts du fournisseur sur la seconde ligne des factures et que la base de la retenue à la source doit être réduite à due proportion, la marge étant évaluée à 11 %. Cependant, il résulte de l'instruction que les coûts du fournisseur afférents notamment au conditionnement des marchandises en vue de l'expédition ont été exclus des montants sur lesquels portaient la retenue à la source à la suite des observations du contribuable du 8 juin 2018. En outre, alors que les base des retenues à la source s'appliquent sur les montants bruts sans déduction de charge, la SARL Remue Ménage, en tout état de cause, n'établit ni le bien-fondé ni le montant de la marge commerciale dont elle entend réclamer l'exclusion des bases de calcul de la retenue à la source et pas davantage les coûts relatifs aux prestations de services réalisés. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions subsidiaires de la société tendant à la réduction des bases de la retenue à la source.

7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Remue Ménage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL Remue Ménage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Remue Ménage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00296
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-16;22ly00296 ?
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