Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2204713 du 24 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Remedem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
l'obligation de quitter le territoire français :
- est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour de sa situation, que ce refus méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le préfet, en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation, a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du même code ;
la décision fixant le pays de destination :
- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait dès lors que l'autorité administrative a estimé à tort qu'il ne présentait aucune garantie de représentation suffisante ;
la décision d'interdiction de retour :
- est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant éloignement ;
- est insuffisamment motivée ;
- a été prise en violation des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur d'appréciation.
Le préfet du Puy-de-Dôme, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 21 février 1978, de nationalité tunisienne, est entré en France le 30 août 2004 muni d'un visa de court séjour " Schengen " délivré par les autorités françaises à Tunis. A l'expiration de son visa, l'intéressé s'est maintenu en France de manière irrégulière et a fait l'objet de trois arrêtés portant refus de séjour avec éloignement, le 3 septembre 2013 du préfet de la Seine-Saint-Denis, et les 11 juin 2015 et 21 août 2016 du préfet du Puy-de-Dôme. Le 21 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme. Interpellé le 20 juin 2022, il a été placé en garde à vue pour usage de faux documents administratifs, ayant utilisé une carte d'identité italienne factice pour occuper un emploi de menuisier. Par un arrêté du 20 juin 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé à M. B... le titre de séjour sollicité en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, et lui a en outre opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... interjette appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination de cette mesure et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, d'une part, ainsi que le magistrat désigné l'a retenu, si M. B... soutient que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence et une erreur d'appréciation en refusant de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a demandé son admission au séjour qu'en qualité de salarié, et qu'un tel titre, dont la délivrance est entièrement régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé, n'est pas ouverte aux ressortissants tunisiens pour des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet, qui a examiné la situation de M. B... au regard de sa situation familiale et de l'existence de circonstances particulières, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que ce dernier ne justifiait ni de motifs humanitaires, ni de circonstances exceptionnelles, au regard tant de l'ancienneté de son séjour, dont la continuité n'est, contrairement à ce qu'il soutient, pas démontrée depuis 2006, de sa situation personnelle et familiale et notamment des attaches dont il dispose en Tunisie, que de l'activité professionnelle dont il justifie, le requérant se bornant à soutenir avoir occupé des emplois sur une longue période. D'autre part, il y a lieu par adoption des motifs retenus par le premier juge, en l'absence de tout nouvel élément produit par le requérant en appel, d'écarter les moyens tirés du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise, les termes de l'arrêté en litige révélant que le préfet a pris en compte la situation du requérant avant de l'édicter. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté en toutes ses branches.
3. En deuxième lieu, si M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues, il ne conteste pas relever du 2° de cet article. Dès lors, quand bien même le préfet n'est pas, sur ce point, en situation de compétence liée pour obliger un étranger à quitter le territoire français, et alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que cette autorité a pris en compte sa situation tant familiale que professionnelle, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; / 7° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ; / (...). ".
5. En se bornant à soutenir qu'il est présent en France depuis plus de dix ans, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des dispositions précitées.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Si M. B... invoque nouvellement en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle au regard des craintes qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas fait part, lors de l'examen de sa situation par l'administration, de telles craintes. En outre, en se bornant à faire état d'une " situation difficile " en Tunisie sans autre précision, il ne met pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé de ces moyens.
En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
7. M. B... réitère en appel son moyen tiré de l'erreur de fait présenté en première instance contre la décision lui refusant tout délai de départ, sans toutefois l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter ce moyen.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et dès lors que M. B... n'apporte aucun élément nouveau en appel à ce titre, d'écarter les moyens qu'il invoque à l'encontre de la décision susvisée, tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'absence de motivation de cette décision et de la disproportion qui l'entacherait.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. B... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02301