Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé sur sa demande de titre de séjour, puis l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement nos 2102326-2201392 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande dirigée contre la décision implicite et rejeté la demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, M. A..., représenté par la SELARL d'avocats Aboudahab, agissant par Me Aboudahab, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 21 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de le munir dans un délai d'un mois d'une carte de résident valable 10 ans, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans le même délai une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et à titre infiniment subsidiaire de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour et de travail valable trois mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de fait et une erreur de droit dans l'application de l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien, en jugeant qu'à la date de l'arrêté attaqué, il n'était pas en situation régulière, puisqu'il avait été muni d'un récépissé de demande de carte de séjour qui était en cours de validité ;
- le refus de lui délivrer une carte de résident est entaché d'erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et viole l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien ;
- le préfet de l'Isère n'a pas examiné sa demande fondée sur le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, et ainsi entaché son refus de délivrance d'une carte de séjour d'une erreur de droit ;
- ce refus viole le 6° de l'ancien l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas conforme à l'intérêt supérieur de son enfant, viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1989, a sollicité le 14 juin 2019 auprès de la préfecture de l'Isère la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa qualité de père d'un enfant français. Par un arrêté du 21 février 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " 1. Un titre de séjour d'une durée de 10 ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code : " 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Enfin, aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. L'autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l'article 342-11. / Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. (...) L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ".
3. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés par M. A... de ce que le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il retient qu'il ne séjournait pas régulièrement en France, serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, doivent être écartés comme inopérants.
4. En deuxième lieu, d'une part, M. A... ne conteste pas qu'il n'exerce pas, même partiellement, l'autorité parentale sur l'enfant qu'il a reconnu le 29 octobre 2018, plus d'un an après sa naissance. D'autre part, le requérant admet qu'il ne vit pas avec la mère de l'enfant, qu'il présente comme sa compagne, et qui réside à Roanne, dans le département de la Loire, alors qu'il vit lui-même à Vienne, dans le département de l'Isère. Si la mère de l'enfant atteste que M. A... lui verse pour celui-ci une pension alimentaire de 150 euros, et que le requérant produit les justificatifs d'un virement de 1 248 euros, intervenu le 6 août 2019, et d'autres virements dont les montants varient entre 55 et 283 euros, intervenus entre décembre 2018 et janvier 2022, il a déclaré, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, ne pas exercer d'activité professionnelle et dépendre alors des ressources de sa concubine. Dans ces circonstances, et alors même que le requérant justifie avoir ultérieurement exercé des emplois salariés, il n'est pas établi qu'il subvient effectivement aux besoins de son fils de nationalité française. C'est dès lors sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, et sans méconnaître l'article 10-1 c) de l'accord franco-tunisien que le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une carte de résident.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui vise l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de l'Isère n'aurait pas examiné la possibilité de délivrer une carte de séjour à M. A... sur le fondement de ces dispositions. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché à cet égard d'une erreur de droit ne peut par suite être accueilli.
6. En quatrième lieu, M. A..., pour justifier de sa contribution à l'éducation de son enfant français, avec lequel il ne vit pas, produit seulement quelques photographies et des attestations non circonstanciées de la mère. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, sa contribution à l'entretien de l'enfant ne peut par ailleurs être regardée comme établie. Dès lors, il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. M. A... ne justifie par les pièces qu'il produit, ni de liens étroits tissés avec l'enfant français qu'il a reconnu, avec lequel il ne vit pas, ni de sa contribution effective à son entretien. Dans ces circonstances, son éloignement du territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01990