Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 1901502 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du directeur de l'EHPAD de Cusset du 1er juillet 2019 et rejeté les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 avril 2022 et un mémoire enregistré le 1er février 2023, l'EHPAD de Cusset, représenté par Me Pouderoux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 février 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et son appel incident ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. A... ayant eu connaissance de tous les faits qui lui étaient reprochés, ainsi que de ses droits, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que la procédure ayant précédé l'édiction de la décision attaquée avait été entachée d'irrégularité ;
- la prétendue méconnaissance du contradictoire n'a pas eu d'effet sur le sens de la décision prise ni effectivement privé l'intéressé de garanties ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Rigault, conclut au rejet de la requête, demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des moyens non retenus par les premiers juges et que soit mise à la charge de l'EHPAD de Cusset une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la décision du 1er juillet 2019 est insuffisamment motivée ;
- la composition du conseil de discipline était irrégulière ;
- la procédure disciplinaire a été méconnue ;
- l'administration aurait dû, en vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, attendre l'issue de la procédure pénale ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et l'EHPAD de Cusset a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la sanction a un caractère disproportionné.
Par ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Rigault, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er juillet 2019, le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A..., aide-soignant, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. L'EHPAD de Cusset relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la Cour de prononcer l'annulation de la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des autres moyens qu'il avait soulevés devant le tribunal.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1983 alors applicable : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 27 mai 2019, le président du conseil de discipline de l'EHPAD de Cusset a convoqué M. A... à la séance tenue par ce conseil le 18 juin, durant laquelle seraient examinés les faits reprochés par le directeur de l'établissement dans un rapport du 28 mars 2019 portant sur une suspicion de violences avec coups envers une collègue de travail. Ce courrier informait l'agent de ses droits, et notamment de celui de consulter l'intégralité de son dossier. Il contenait notamment en annexe le rapport du directeur ainsi que le compte rendu de l'entretien tenu le 14 mars 2019 par le directeur avec M. A..., et des témoignages signés de certains agents sur les faits reprochés. Alors même que cette convocation ne mentionnait pas d'autres faits que l'altercation survenue le 11 mars avec une autre aide-soignante, il ressort du compte rendu de l'entretien du 14 mars que d'autres reproches quant au comportement de l'agent et à ses relations avec ses collègues y ont été évoqués, et ces faits étaient mentionnés par le rapport de saisine du conseil de discipline. Au cours des débats devant ce conseil, tels qu'ils sont retracés par le procès-verbal de la séance, ces faits ont également été discutés, et M. A... a eu l'occasion de s'expliquer sur eux. Dans ces circonstances, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire pour annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif, qu'il a d'ailleurs expressément repris devant elle.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'altercation du 11 mars 2019 entre M. A... et l'une de ses collègues est survenue en la seule présence de résidents de l'établissement hors d'état de témoigner. Il est constant que celle-ci a éclaté du fait du mécontentement exprimé par la collègue de M. A... de ce que ce dernier, pour servir aux résidents des oranges découpées en quartiers, avait choisi d'utiliser des tasses qu'elle avait préparées pour servir du chocolat. M. A..., dont la main portait des traces de griffures, nie avoir porté des coups à sa collègue et affirme s'être contenté de la tenir à distance alors qu'il était lui-même frappé. Dans une lettre au directeur de l'établissement, sa collègue a reconnu lui avoir porté au moins un coup, et pour le surplus, ses déclarations sont contradictoires, celle-ci s'étant lors du dépôt de sa plainte auprès du commissariat de police de Vichy abstenue d'évoquer ce coup et ayant présenté l'altercation comme ayant eu lieu lors d'une pause, ce qui n'était manifestement pas le cas. Dans ces circonstances, la responsabilité de M. A... dans la survenance de cette altercation et l'exercice par celui-ci de violences à l'égard de sa collègue ne sauraient être regardés comme établis. Par ailleurs, si la décision du 1er juillet 2019 évoque également des comportements inadaptés récurrents de M. A... dans l'organisation de la prise en charge des soins entraînant des changements de services successifs, les répercussions sur les résidents de l'EHPAD en tant que personnes vulnérables, et les risques pour la sécurité des agents en raison du renouvellement des attitudes et comportements irrespectueux entre collègues de travail, elle n'évoque aucun fait précis. La lettre adressée au directeur de l'établissement quelques semaines avant l'altercation par plusieurs collègues de M. A... se plaignant de son comportement, évoque un " comportement sanguin ", mais ne fait précisément état d'aucun autre fait de violence. Si l'EHPAD de Cusset produit un courrier et une attestation de l'une de ses agents qui s'était plainte en 2011 d'une agression de M. A..., les faits allégués sont anciens, et n'ont été corroborées par aucun témoin, ni aucune autre pièce du dossier, le compte rendu d'entretien professionnel de l'intéressé pour l'année 2012 lui prêtant même un " tempérament calme ". Les comptes rendus portant sur les années ultérieures font état de difficultés relationnelles avec d'autres membres des équipes auxquelles il a appartenu, mais d'un bon relationnel avec les résidents, et ne font pas état de graves manquements dans l'accomplissement de ses tâches, tels que ceux que lui reprochent certains de ses collègues. Le requérant produit quant à lui des attestations d'autres agents de l'établissement contestant les propos désagréables ou discriminatoires et les agissements hostiles qui lui sont prêtés. Dans ces circonstances, les faits reprochés à M. A... ne peuvent être regardés comme établis.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD de Cusset n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 1er juillet 2019 ayant infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'EHPAD de Cusset. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A..., en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EHPAD de Cusset est rejetée.
Article 2 : L'EHPAD de Cusset versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Cusset et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Allier en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01077