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09/11/2023 | FRANCE | N°22LY03398

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 22LY03398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

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n jugement n° 2201121 du 3 mai 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2201121 du 3 mai 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre l'arrêté du 15 avril 2022 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un jugement n° 2201121 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201121 du 25 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 15 avril 2022 en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours ou de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est entachée d'une erreur de fait ;

- il est entaché d'une erreur de droit ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 27 août 2023, le préfet de la Côte-d'Or représenté par Me Rannou, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pruvost, président-rapporteur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant arménien né en 1988, est entré irrégulièrement en France en 2019, selon ses déclarations. La demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 décembre 2020. Par un arrêté du 25 novembre 2020, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Dijon, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. A la suite de son interpellation par les services de la gendarmerie nationale, le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le 26 août 2021. Le 30 novembre 2021, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 avril 2022, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 3 mai 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon a renvoyé à une formation collégiale les conclusions de B... tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission au séjour contenue dans cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un jugement du 25 juillet 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité.

Sur les moyens invoqués à titre principal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.

3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 précité, le préfet de la Côte-d'Or a indiqué que, si M. B... se prévalait d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier polyvalent dans une entreprise à Chevigny-Saint-Sauveur (Côte-d'Or), il s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire français, ne justifiait pas avoir déjà travaillé en France et ne produisait aucun bulletin de salaire.

5. En retenant ces éléments dont l'inexactitude n'est pas établie, le préfet n'a commis aucune erreur de fait.

6. Le préfet a également relevé, pour rejeter la demande de l'intéressé, que l'intensité, la stabilité et l'ancienneté des liens personnel de M. B... n'étaient pas telles qu'un refus de séjour porterait une atteinte excessive à sa vie privée et personnelle après avoir indiqué que la compagne de M. B... était dans une situation administrative identique à la sienne, qu'il n'établissait pas être dépourvu de tout lien personnel et familial en Arménie où résidaient ses parents et un frère et que la cellule familiale, composée du couple et de leurs deux enfants, avait vocation à se reconstituer dans son pays d'origine. La situation personnelle et familiale de M. B..., telle que rappelée ci-dessus, ne caractérise pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

7. Si l'arrêté attaqué ne fait pas apparaître, dans l'exposé des motifs du refus d'admission au séjour, que le préfet a pris en compte ses qualifications, son expérience et ses diplômes, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un curriculum vitae, un certificat de travail d'une entreprise située en Arménie selon lequel il a travaillé en 2014 et 2015 en tant que poseur de revêtements de sol puis en 2016 et 2017 comme plâtrier ainsi qu'une demande d'autorisation de travail en France sans produire aucune autre pièce justificative telles que des diplômes et bulletins de salaires. En relevant que l'intéressé n'avait jamais travaillé en France et qu'il ne produisait pas de bulletins de salaires, le préfet a nécessairement examiné les pièces jointes au dossier par l'intéressé d'où il résultait qu'il n'apportait aucun élément probant de nature à établir qu'il disposait d'une formation professionnelle ou d'une qualification dans l'emploi d'ouvrier polyvalent. Le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation par l'autorité préfectorale doit dès lors être écarté.

8. Quant au moyen d'erreur de droit invoqué par M. B..., il n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... fait valoir qu'il vit en France avec sa compagne et leurs deux enfants et qu'il est bien intégré. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'entrée de l'intéressé en France est récente à la date du refus d'admission au séjour en litige. Son épouse, de même nationalité, est, elle-même, en situation irrégulière. M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et un frère, et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans et n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale. S'il soutient qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en France, cette circonstance n'est pas, en soi, de nature à lui ouvrir droit au séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus d'admission au séjour ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

11. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il en résulte que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. M. B... et son épouse sont tous deux en situation irrégulière en France et peuvent poursuivre leur vie familiale avec leurs enfants, nés le 14 février 2020 et le 28 juillet 2021, dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut donc qu'être écarté.

Sur le moyen présenté à titre subsidiaire :

13. L'arrêté, qui vise les textes applicables, notamment l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, expose la situation administrative de M. B... et donne les raisons pour lesquelles le préfet a estimé qu'il ne pouvait prétendre au titre de séjour prévu à l'article L. 435-1 du code précité, est suffisamment motivé en ce qui concerne la décision de refus d'admission au séjour. Le moyen tiré du défaut de motivation ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui ! et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le Président-rapporteur,

D. Pruvost

L'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY03398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03398
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;22ly03398 ?
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