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09/11/2023 | FRANCE | N°22LY01984

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 novembre 2023, 22LY01984


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2022 et 17 avril 2023, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale, les arrêtés des 20 décembre 2021 et 19 mai 2022 par lesquels le maire de Drumettaz-Clarafond a délivré à la SCI Drum'Immo deux permis de construire en vue de la création d'un ensemble commercial de 2 750 m² de surface de vente sur le territoire de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la

commune de Drumettaz-Clarafond et de l'Etat la somme de 1 500 euros chacun à lui ve...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2022 et 17 avril 2023, la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale, les arrêtés des 20 décembre 2021 et 19 mai 2022 par lesquels le maire de Drumettaz-Clarafond a délivré à la SCI Drum'Immo deux permis de construire en vue de la création d'un ensemble commercial de 2 750 m² de surface de vente sur le territoire de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Drumettaz-Clarafond et de l'Etat la somme de 1 500 euros chacun à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- les arrêtés en litige sont entachés d'un vice de procédure dès lors que l'arrêté du 20 décembre 2021 a été édicté avant l'intervention de l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ;

- l'avis de la CNAC est insuffisamment motivé ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est particulièrement incomplet et méconnaît l'article R. 752-6 du code de commerce ; ainsi, le demandeur a transmis aux commissions compétentes des informations insuffisantes concernant les flux de circulation, la garantie du financement et la réalisation effective des aménagements envisagés de la desserte du site et les efforts consentis en matière de développement durable ;

- le projet est incompatible avec les objectifs du Scot Métropole Savoie ;

- le projet méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'il aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine, sur les flux de circulation et qu'il présente des efforts insuffisants en terme de développement durable.

Par deux mémoires, enregistrés les 23 août 2022 et 29 juin 2023 (non communiqué), la SCI Drum'Immo, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2022, la commune de Drumettaz-Clarafond, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de lui rembourser les dépens de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 30 mai 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Girard pour la SAS distribution Casino France, de Me Masson pour la commune de Drumettaz-Clarafond et de Me Juliac-Degrelle pour la SCI Drum'Immo ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 mars 2021, la SCI Drum'Immo a déposé auprès de la mairie de Drumettaz-Clarafond une demande de permis de construire valant démolition et autorisation d'exploitation commerciale portant sur la démolition totale de bâtiments existants et la construction d'un bâtiment destiné à accueillir un magasin à dominante alimentaire de l'enseigne " Lidl ", de 4 cellules commerciales, d'une cellule de service et d'une cellule de bureaux d'une surface de plancher de 5 171 m² et de 4 339 m² de surface de vente sur plusieurs parcelles situées chemin des Teppes sur le territoire de la commune. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de Savoie a rendu un avis favorable au projet le 23 novembre 2021. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le maire de la commune a délivré le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société pétitionnaire. Saisie le même jour d'un recours contre cet avis favorable de la CDAC de Savoie, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours et émis, le 7 avril 2022, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 19 mai 2022, le maire de Drumettaz-Clarafond, après demande déposée par le pétitionnaire, a délivré à la SCI Drum'Immo un permis de construire modificatif valant autorisation d'exploitation commerciale afin d'intégrer l'avis de la CNAC. La société Distribution Casino France, qui exploite un hypermarché à l'enseigne " Géant Casino " sur la commune d'Aix-les-bains situé au sein de la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de ces arrêtés en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité des arrêtés édictés les 20 décembre 2021 et 19 mai 2022 :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale a été délivré avant que la Commission nationale d'aménagement commercial ait émis son avis :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

3. En cas de recours introduit devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale compétente, ou en cas d'auto-saisine de la commission nationale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui bénéficie d'un délai d'instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme, doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant à l'avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu'il ait été rendu.

4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a été délivré par le maire de Drumettaz-Clarafond le 20 décembre 2021 à la suite de l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de Savoie et le jour même du recours exercé par la requérante à l'encontre de cet avis. Le permis de construire est, pour ce motif, entaché d'illégalité.

5. Toutefois, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Drumettaz-Clarafond, agissant au nom de l'Etat, a délivré à la SCI Drum'Immo, le 19 mai 2022, un permis de construire modificatif valant autorisation d'exploitation commerciale visant l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 7 avril 2022. Dans ces conditions, le permis de construire modificatif délivré le 19 mai 2022 a régularisé l'illégalité qui entachait le permis de construire initial et le moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale a été délivré avant que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial n'ait été émis doit être écarté.

En ce qui concerne la motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :

7. Aux termes de l'article R. 752-38 du code du commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions. "

8. L'obligation de motivation prévue par ces dispositions n'implique pas que la Commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. La Commission nationale, dans son avis du 7 avril 2022, a mentionné les textes applicables, en particulier l'article L. 752-6 du code de commerce, et a énoncé les considérations de fait qui, au regard des critères d'appréciation définis par cet article, l'ont conduit à se prononcer en faveur du projet. Elle a ainsi suffisamment motivé son avis. Celui-ci ne saurait être insuffisamment motivé pour la seule circonstance qu'il ne fait pas état, selon la requérante, de certains des griefs qu'elle avait soulevés dans son recours dès lors que la CNAC n'est pas tenue de répondre à l'ensemble des griefs formulés par la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la CNAC doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

9. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. (...) Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; (...) II.- L'analyse d'impact comprend, après un rappel des éléments mentionnés au 1° du I, les éléments et informations suivants : / 1° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : (...) c) La description succincte et la localisation, à partir d'un document cartographique, des principaux pôles commerciaux situés à proximité de la zone de chalandise ainsi que le temps de trajet véhiculé moyen entre ces pôles et le projet ; (...) 3° Présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, en particulier en termes de variété, de diversification et de complémentarité de l'offre proposée par le projet avec l'offre existante, incluant les éléments suivants. " Les commissions d'aménagement commercial ne peuvent pas légalement délivrer l'autorisation demandée sur la base d'un dossier qui, par ses insuffisances, ne leur permettraient pas d'apprécier l'impact du projet au regard des objectifs et des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. Conformément aux dispositions précitées de l'article R. 752-6 du code de commerce qui ne prescrivent pas la réalisation d'une étude de trafic en tant que telle, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposée par la SCI Drum'Immo comprend une évaluation des flux de déplacements, une étude de l'impact du projet sur les flux existants et une étude de la capacité du réseau ainsi que les données afférentes à l'analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise et les aménagements envisagés de la desserte du projet, informations issues d'une étude réalisée par l'organisme My Traffic.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, s'agissant des travaux à effectuer sur les accès au tènement litigieux et contrairement à ce qu'allègue la requérante, le projet impliquerait des travaux sur les voies publiques. Il ressort des mêmes pièces qu'il engendrera uniquement une modification interne des accès et une interdiction du tourner à gauche en sortie du site depuis le chemin des Teppes pour obliger les clients du magasin à ne sortir qu'en direction du giratoire en optant pour une signalisation adaptée.

12. Si la requérante fait valoir que le pétitionnaire n'a transmis aucune évaluation environnementale portant sur les émissions de gaz à effet de serre induites par la démolition/construction envisagée et sur le devenir des déchets liés à l'opération de démolition et à l'activité du bâti, les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce ne prescrivent pas la réalisation d'une évaluation environnementale ni n'imposent au pétitionnaire de présenter les mesures de traitement des déchets ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre en phase de chantier. En outre, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale versé au dossier comprend plusieurs pages consacrées à la description des émissions de gaz à effet de serre qui ont été évaluées par le pétitionnaire ainsi que des actions envisagées pour les réduire ou les limiter, dont des mesures concernant les déchets. Le dossier comprend également plusieurs pages décrivant les mesures propres à limiter les pollutions liées à l'activité par le traitement et la valorisation des déchets. Enfin, le bilan des émissions de gaz à effet de serre prévu au premièrement de l'article L. 229-25 du code de l'environnement est bien intégré dans le dossier de demande précité.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a disposé de l'ensemble des informations nécessaires à l'analyse du dossier, a pu statuer en toute connaissance de cause sur la demande qui lui était soumise. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'incompatibilité du projet en litige avec le Schéma de cohérence territoriale Métropole Savoie :

14. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.

15. La circonstance que le projet ne comprend pas la réalisation d'ombrières photovoltaïques sur la partie du parking présente le long du bâtiment, qui ne sont d'ailleurs pas envisageables au regard de la règle du prospect figurant au sein du PLU applicable, ni ne prévoit d'alternatives en la matière, ne saurait caractériser une incompatibilité avec l'ensemble des orientations du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence Métropole Savoie alors qu'il n'est pas contesté que le projet est compatible avec les autres orientations du Scot. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectif du Scot Métropole Savoie doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce :

16. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

18. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige s'implantera sur un terrain sis 80, avenue du Golf, à environ 1,4 km, à l'ouest du centre-ville de la commune de Drumettaz-Clarafond. Si la requérante soutient que le projet aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine, il ressort de l'étude d'impact produite par le pétitionnaire que le taux de vacance commerciale est nul sur la commune d'implantation du projet et relativement faible sur l'ensemble de la zone de chalandise. Il est constant que la zone de chalandise a connu une croissance démographique d'environ 13,3% entre 2008 et 2018 et de 24,3% sur la commune d'implantation entre 2009 et 2019. En tout état de cause, il ressort des pièces versées que le projet litigieux ne conduira pas à une surabondance de l'offre alimentaire susceptible de déstabiliser la zone et que l'offre proposée " apparaît davantage en complémentarité qu'en concurrence avec des commerces de centralité ". Si la requérante se prévaut de la création d'une friche commerciale sur l'ancien site occupé, le pétitionnaire a produit la lettre d'intention de la société exploitante de l'enseigne Biocoop qui a fait connaître son intention de reprendre le site. S'agissant des flux de circulation, l'étude de flux réalisée a conclu que le projet engendrera 189 véhicules supplémentaires aux heures de pointe et 1 579 véhicules supplémentaires par jour soit une augmentation du trafic de l'ordre de 10% aux abords du projet et qu'après réalisation du projet, et sur la base du scénario le plus conservateur, les taux de saturation moyens seront compris entre 56,6 % et 96,8 %, ce qui reste en-dessous des seuils de saturation normalisés, même si l'étude pointe un phénomène de saturation ponctuelle notamment le vendredi à 17h. Enfin, un projet d'aménagement d'un trottoir aux abords du terrain d'assiette du projet le long de la RD 911 permettra d'assurer une desserte satisfaisante à pied du futur magasin. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'établit pas, par les griefs invoqués, que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne porterait pas atteinte aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

19. Contrairement à ce que soutient la requérante, le projet litigieux présente plusieurs solutions permettant de maîtriser les consommations énergétiques par l'isolation du bâtiment, la présence d'installations frigorifiques de dernière génération, un éclairage Led outre l'installation d'une toiture photovoltaïque de 800,5 m². Il ressort de l'étude thermique réalisée et versée au dossier que le projet présente une surperformance par rapport à la RT2012 de l'ordre de 47,4% sur la consommation d'énergie primaire et de 29,9% sur les besoins bioclimatiques. Si la requérante conteste la qualité architecturale du projet, il ressort des pièces du dossier que celui-ci s'implantera dans un site actuellement occupé par une maison d'habitation et un ancien garage automobile sans qualité ou intérêt architectural particulier incluant un immeuble collectif à proximité ainsi qu'une déchetterie et d'autres commerces. Il ressort des photomontages produits au dossier que le projet litigieux présente une architecture contemporaine et participe d'une amélioration notable de la qualité architecturale et paysagère du site. Enfin, il n'impliquera aucune consommation d'espaces supplémentaires. Les deux tiers de places de parking extérieures seront perméables, 774,10 m² d'espaces verts seront créés contre 2 353 m² existants et 34 nouveaux arbres de haute tige seront plantés. Par suite, le projet litigieux ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.

20. Par les griefs qu'elle invoque, la société requérante ne démontre pas que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait porté une appréciation erronée sur la conformité du projet aux différents critères visés par les dispositions précitées du code de commerce.

21. Il résulte de ce qui précède que la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale, des arrêtés édictés les 20 décembre 2021 et 19 mai 2022 par le maire de Drumettaz-Clarafond et délivrés à la SCI Drum'Immo.

Sur les dépens :

22. Les conclusions présentées par la commune de Drumettaz-Clarafond devant la cour tendant à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie, qui n'est pas au nombre des dépens énumérés à l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la SAS Distribution Casino France au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

24. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement de la somme de 2 000 euros à la SCI Drum'Immo et la commune de Drumettaz-Clarafond chacune, au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera à la commune de Drumettaz-Clarafond une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS Distribution Casino France versera à la SCI Drum'Immo une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Drumettaz-Clarafond au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la SCI Drum'Immo, à la commune de Drumettaz-Clarafond, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01984

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01984
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : ALTIUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;22ly01984 ?
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