Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'indivision C..., Mme B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Jovinien a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal.
Par un jugement n° 2002036 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 juin 2022, l'indivision C..., Mme B... C... et M. A... C..., représentés par Me Brocard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 avril 2022 ;
2°) d'annuler la délibération susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Jovinien, une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'élément paysager, situé en cœur d'îlot de la commune de Paroy-sur-Tholon relève d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation et le classement des parcelles en litige en tant qu'élément de paysage à protéger au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme est illégal ;
- le classement de la parcelle cadastrée ZB en tant qu'élément de paysage à protéger relève d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement en zones A et Ah des deux parcelles cadastrées ZB relève également d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2022, la communauté de communes du Jovinien, représentée par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une indivision ne possédant pas de personnalité morale, sa requête n'est pas recevable ;
- cette indivision n'établit pas son intérêt à agir ;
- le classement des parcelles cadastrées ZB en espace paysager à protéger n'est entaché d'aucune erreur de droit, ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement des parcelles castrées ZB n'est pas plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- les observations de Me Sauvaget, représentant les requérants ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 décembre 2019, le conseil communautaire de la communauté de communes du Jovinien a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. Par courrier du 4 mars 2020, l'indivision C..., M. et Mme C... se déclarant propriétaires de terrains sur le territoire de la commune de Paroy-sur-Tholon, ont formé un recours gracieux à l'encontre de cette délibération qui a été tacitement rejeté. L'indivision C..., M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
2. D'une part, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger./ Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire./ Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. ". Aux termes de l'article R. 151-20 du même code : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / (...) / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité locale de définir les partis d'urbanisme que traduit le plan local d'urbanisme dans le respect des dispositions du code de l'urbanisme. Dès lors, la légalité des prescriptions d'un plan local d'urbanisme ayant pour effet d'interdire dans une zone U la plupart des constructions nouvelles s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation, leur conservation ou leur restauration ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 151-23 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation (...) ".
5. L'un et l'autre de ces articles, issus de l'ancien article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, permettent au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, instituer un cône de vue ou identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de ce cône de vue ou de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.
6. Le projet d'aménagement et de développement durables comporte au titre de ses orientations 5 et 6, des objectifs tendant à " maintenir la qualité de vie des communes rurales avec leurs espaces de respiration ", " mettre en valeur le patrimoine local identitaire ", " préserver, valoriser, voire reconstruire le patrimoine bâti et paysager au travers d'aménagements " et " identifier les cônes de vue (points de vue à protéger) ".
7. En ce qui concerne le patrimoine paysager, présenté comme comprenant " les diverses composantes végétales identitaires du territoire au vu de leur qualité paysagère et environnementale ", le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal indique notamment que " les cônes de vue sur le territoire du Jovinien ", tel le " cœur d'îlot végétalisé de Paroy-surTholon " ont été intégrés dans la protection de ce patrimoine, " pour éviter d'entacher les perspectives sur le territoire, sur et vers le pôle urbain de Joigny notamment. Ils ont alors été protégés au travers d'éléments surfaciques, ponctuels et linéaires (ensemble de jardins, vergers, espaces naturels) ". Le rapport de présentation indique également que " ces identifications participent également à préserver les espaces de respiration de certains centres-bourgs, mais aussi à la préservation des cônes de vue sur le paysage " et précise, s'agissant plus particulièrement de la commune de Paroy-sur-Tholon, qu'il convient de " privilégier une densification homogène sur l'ensemble du bourg, plutôt que de concentrer son potentiel constructible sur un cœur d'îlot ", afin de préserver les éléments paysagers présents dans le cœur d'îlot principal du bourg et utilisés comme fonds de jardins, jardins et vergers " qui participent à la ponctuation de réservoirs de biodiversité à proximité immédiate de la vallée du Tholon et à la prise en compte des cônes de vue sur le pôle urbain de Joigny ".
8. Pour permettre la réalisation de ces objectifs, l'article 3.7 des dispositions générales du plan local d'urbanisme intercommunal, relatif aux " éléments du patrimoine et du paysage à protéger " qui vise " l'identification et la protection des éléments du patrimoine et du paysage figurés au plan, notamment, par des éléments surfaciques et linéaires " en se fondant sur les dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, prévoit, s'agissant du patrimoine paysager que " Tous travaux doivent contribuer à la préservation des caractéristiques culturelles, historiques ou écologiques, de l'organisation et le fonctionnement de l'espace végétalisé organisant l'unité foncière ou le secteur. / - Tous travaux ayant pour effet de détruire un élément de paysage et notamment les coupes et abattages d'arbres, doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation préalable. / - Toute construction ou plantation (haies ou boisements) nouvelle projetée dans un cône de vue aboutissant à la vision sur les édifices principaux, ou sur un ensemble bâti, ou sur le territoire du Jovinien et au-delà ne doit pas présenter une hauteur susceptible de faire obstacle à la perspective existante, depuis l'origine du faisceau de vue identifié en tant qu'élément de paysage. De plus, la composition volumétrique des constructions projetées devra être en harmonie avec le point de vue répertorié. Des plantations d'arbres remarquables peuvent être utilisées pour mettre en valeur des points de vue (création d'un point d'appel) (concerne les points de vue uniquement) ".
9. Il ressort des documents graphiques du plan local d'urbanisme intercommunal que le cœur d'îlot végétalisé de la commune de Paroy-sur-Tholon, à l'intérieur duquel se situent les parcelles des requérants, est classé en zone UC et identifié comme " élément surfacique à conserver ", bénéficiant à ce titre de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.
10. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la représentation des cônes de vue n'avait pas obligatoirement à être matérialisée dans les documents graphiques sous forme de cône angulaire et se trouve, en l'espèce suffisamment identifiée au travers de la représentation des " éléments surfaciques à conserver ".
11. Eu égard à la volonté des auteurs du plan local d'urbanisme de préserver cet élément paysager du patrimoine de la commune de Paroy-sur-Tholon, qui répond à un motif d'ordre culturel, historique ou architectural au sens de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, les restrictions en matière de constructibilité dans ce secteur n'excèdent pas ce qui est nécessaire à cet objectif et ne sont pas incohérentes avec la vocation d'une zone urbaine, alors même que cette protection concerne le tiers de cette zone. Enfin, si les requérants font valoir que les auteurs du plan local d'urbanisme disposaient d'autres choix pour délimiter les espaces à protéger, sans préciser la nature de ces choix, il ne relève pas de l'office du juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur la question de savoir si eût été légalement possible un autre classement que celui qu'ont choisi de retenir, sans erreur manifeste d'appréciation, les auteurs du plan local d'urbanisme, compte tenu de leurs partis d'aménagement et de la configuration des lieux.
12. En deuxième lieu, en ce qui concerne plus particulièrement, la parcelle cadastrée ZB appartenant aux requérants, il ressort des pièces du dossier que seule la partie de ce terrain comprise dans le cœur d'îlot à préserver a été identifiée au titre de la protection instituée par l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme. Eu égard à l'objectif, poursuivi par les auteurs du plan local d'urbanisme, de valoriser la ponctuation de réservoirs de biodiversité à proximité immédiate de la vallée du Tholon ainsi que la prise en compte des cônes de vue sur le pôle urbain de Joigny, en se bornant à faire valoir que cette parcelle constitue une bande de terre nue qui ne présente aucun intérêt sur le plan végétal et que la présence de bâtiments sur les parcelles limitrophes aurait déjà porté atteinte à la visibilité du pôle urbain de Joigny, les requérants n'établissent pas que le classement d'une partie de cette parcelle en tant qu'élément paysager à protéger méconnaîtrait les dispositions de l'article L.151-19 du code de l'urbanisme.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 151-17 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite, sur le ou les documents graphiques, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, les zones naturelles et forestières. / Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues par la présente section ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (...) ". Enfin, l'article R. 151-23 dispose : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ".
14. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Cependant, leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.
15. Il ressort des pièces du dossier que l'intégralité de la première parcelle cadastrée ZB, vierge de toute construction et une partie de la seconde parcelle cadastrée ZB appartenant aux requérants, comprenant un bâtiment agricole, ont été classées en zone agricole A du plan local d'urbanisme tandis que l'autre partie de la seconde parcelle cadastrée ZB, comprenant une maison d'habitation, a été classée en secteur Ah, inclus dans la zone A et correspondant aux espaces comprenant des habitations isolées. Contrairement à ce que prétendent les requérants, leur habitation ne se trouve pas intégrée dans l'enveloppe urbaine du bourg de Paroy-sur-Tholon, dont elle est séparée par une route départementale et se rattache à un ensemble de parcelles non bâties à vocation agricole. Si les requérants se prévalent de ce que cette parcelle se trouve desservie par les réseaux, de ce qu'elle comprend des constructions de grandes ampleurs, et du fait que des parcelles présentant les mêmes caractéristiques auraient été classées en zone UC, de telles circonstances ne font pas par elles-mêmes obstacle au classement contesté. Dans ces conditions, et eu égard au fait que le PADD prévoit de limiter l'étalement urbain et le mitage de l'espace, le classement en zone Ah d'une partie de la seconde parcelle cadastrée ZB n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Enfin, les requérants ne sauraient pertinemment solliciter le classement en zone Ah de la première parcelle cadastrée ZB et de l'autre partie de la seconde parcelle cadastrée ZB afin de permettre " l'agrandissement du hangar agricole actuel ", dès lors que de telles extensions sont autorisées en zone A.
16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent sur leur fondement soit mise à la charge de la communauté de communes du Jovinien, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros à verser à la communauté de communes du Jovinien sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'indivision C... et de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront une somme de 2 000 euros à la communauté de communes du Jovinien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'indivision C..., à Mme B... C..., à M. A... C... et à la communauté de communes du Jovinien.
Copie en sera adressée à la commune de Paroy-sur-Tholon.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01849
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