Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 6 mai 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2201006 du 17 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, M. B..., représenté par Me Khanifar, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 6 mai 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Khanifar d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 au lieu de celui du 2°, est entachée d'erreur de droit et il n'y a pas lieu de procéder à une substitution de base légale ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, ne s'étant pas interrogé sur le fait de savoir s'il existait des circonstances humanitaires justifiant qu'il ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français et s'est, à tort, estimé tenu d'assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour ;
- les liens affectifs qu'il entretient avec sa famille établissent l'existence de telles circonstances humanitaires ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- la restriction de sa liberté d'aller et venir n'est pas motivée ;
- cette mesure porte une atteinte disproportionnée à cette liberté.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2022.
Par une ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né en 1985, relève appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 6 mai 2022, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur le bien-fondé du jugement
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
3. M. B..., entré régulièrement en France le 10 février 2015 muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour, avait sollicité le 27 janvier 2016 le renouvellement de ce titre. Il n'entrait dès lors pas dans le champ d'application du 2° de l'article L. 611-1. En revanche, le renouvellement de ce titre lui ayant été refusé par une décision du préfet du Puy-de-Dôme du 29 octobre 2018, il entrait dans le champ d'application du 3° du même article. Le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de droit doit par suite être écarté, sans qu'il y ait lieu de procéder à une substitution de base légale.
4. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet du Puy-de-Dôme, qui n'avait pas à inviter M. B... à produire des justificatifs de la situation des membres de sa famille dont il invoque la présence en France, a pris la mesure d'éloignement au vu des éléments dont il disposait, et notamment du compte rendu de son audition au cours de sa garde à vue le 6 mai 2022. Le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise sans examen de sa situation personnelle ne peut par suite être accueilli.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. M. B... fait valoir qu'il vit en France avec une ressortissante albanaise en situation régulière qui était enceinte de lui à la date de la décision attaquée. Il invoque en outre les liens qu'il entretient en France avec des membres de sa famille qui y résident. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente ans au Maroc, où il ne justifie pas être dépourvu de lien. Il est entré en France en 2015 pour y rejoindre son épouse française, dont il a depuis divorcé. Par une décision du 29 octobre 2018, qu'il a contestée en vain devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Il s'est néanmoins maintenu illégalement en France en toute connaissance de cause, et a noué une relation amoureuse avec une nouvelle compagne. Il ressort des termes de l'attestation de cette dernière que le couple menait une vie commune depuis moins d'un an et demi à la date de la décision attaquée. Le requérant n'invoque aucun motif qui ferait obstacle à ce que sa compagne le suive hors de France. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations précitées.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant six mois :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".
8. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes de la décision attaquée, qui relève qu'aucune circonstance particulière n'empêche le prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français, que le préfet du Puy-de-Dôme ne s'est pas tenu de prendre une telle mesure, et a examiné si une circonstance humanitaire faisait obstacle à celle-ci.
9. En deuxième lieu, ainsi que cela est exposé ci-dessus, M. B... n'établit ni qu'il serait dépourvu de toute attache au Maroc, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans, ni que sa compagne ne pourrait le suivre hors de France. En estimant que la situation familiale dont le requérant faisait état ne constituait pas une circonstance humanitaire justifiant qu'aucune interdiction de retour sur le territoire français ne soit prononcée, le préfet du Puy-de-Dôme n'a dès lors pas méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de l'assignation à résidence :
10. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". Aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : (...) 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
11. En premier lieu, la décision attaquée cite le 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et vise notamment ses articles L. 733-1 et R. 733-1, elle relève que M. B... fait l'objet d'une décision du 6 mai 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et expose pourquoi son éloignement, qui ne peut avoir lieu immédiatement, demeure néanmoins une perspective raisonnable. Elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, et le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas motivée ne peut être accueilli.
12. En deuxième lieu, M. B... ne fait état d'aucun motif pour lequel l'obligation de se présenter à l'autorité de police trois fois par semaine, soit à une fréquence bien inférieure à la fréquence quotidienne prévue par l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, restreindrait excessivement sa liberté d'aller et venir.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Noémie Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01881